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Réforme d’entrée en études de santé : un chantier fragile pour lequel les jeunes ont de fortes attentes

SNCS-FSU26 février 2025
Article de la VRS n°439 - (Dossier) Quatre ans de réforme des études de santé : et après ?

Un premier rapport sur la réforme d’entrée dans les études de santé (REES, ou réforme PASS/LAS) sorti en 2020 mettait en évidence des lacunes profondes, compromettant les objectifs initiaux de la réforme. Quatre ans plus tard, le deuxième rapport des fédérations étudiantes confirme des résultats très en deçà des attentes. Opposé à tout modèle impliquant la fin d’une voie commune, il met en lumière les problématiques persistantes et propose des solutions pour un choix d’orientation éclairé et une formation partagée des futurs professions de santé.

Elisa Mangeolle
Porte-parole de la Fédération des
associations générales étudiantes (FAGE)

 

En septembre 2020, la réforme d’entrée en études de santé (REES) a marqué un tournant historique dans le parcours des étudiant·e·s en maïeutique, médecine, odontologie, pharmacie et kinésithérapie (MMOPK¹). Succédant à la PACES, système largement critiqué pour sa rigidité et sa compétitivité exacerbée, la REES a instauré deux voies d’accès : le parcours accès spécifique santé (PASS) et la licence accès santé (LAS). Ces nouvelles modalités visaient à diversifier les profils des étudiant·e·s, réduire les risques psychosociaux et augmenter la réussite. Cependant, dès son application, des lacunes profondes sont apparues, compromettant les objectifs initiaux de cette réforme.

Les fédérations étudiantes en santé, regroupées autour de la FAGE, avaient dès le départ mis en garde contre une mise en œuvre précipitée. Les textes réglementaires flous et publiés tardivement ne respectaient pas les recommandations des associations qui avaient travaillé sur cette réforme. Le premier rapport des fédérations étudiantes, publié dès novembre 2020, dressait déjà un constat alarmant.

LE BILAN DE QUATRE ANNÉES DE CETTE RÉFORME ?

Quatre ans après, les résultats demeurent en deçà des attentes. Les fédérations étudiantes dénoncent une surcharge de travail, une inégalité territoriale persistante et un manque de lisibilité des parcours. En février 2024, un second rapport de la FAGE², suivi d’une enquête de grande ampleur ayant recueilli plus de 13 000 témoignages en avril 2024³, a mis en lumière plusieurs points critiques :

  • une surcharge de travail accrue en PASS et LAS : contrairement aux attentes, les étudiant·e·s en PASS continuent de subir une pression académique similaire à celle de la PACES. En LAS, l’ajout des crédits ECTS en santé alourdit considérablement les licences disciplinaires, créant un déséquilibre entre les matières ;
  • des disparités territoriales criantes : l’organisation des PASS et LAS varie considérablement selon les universités, créant des inégalités d’accès et de réussite. Les étudiant·e·s en régions éloignées ou moins bien dotées en infrastructures universitaires sont particulièrement défavorisé·e·s ;
  • un manque de lisibilité des parcours : la complexité des modalités de sélection et l’hétérogénéité des critères d’évaluation génèrent une confusion parmi les étudiant·e·s et leurs familles ;
  • une diversification des profils limitée : l’objectif d’attirer des étudiant·e·s aux parcours variés reste difficile à atteindre. Les frais annexes liés à la formation et les contraintes géographiques freinent l’accès de certains publics ;
  • une exclusion implicite de la kinésithérapie : bien que cette filière soit concernée par les processus de sélection, elle n’est pas incluse dans les textes cadrant la réforme, rendant parfois son intégration plus complexe.

UNE RÉFORME À CONSTRUIRE COLLECTIVEMENT

La réussite de cette réforme passe par une collaboration renforcée entre les étudiant·e·s, les universités et les instances de décision. Les fédérations étudiantes, porteuses des attentes et des préoccupations des futur·e·s professionnel·le·s, doivent jouer un rôle central dans ce processus.

Le deuxième rapport, présenté en février 2024 par la FAGE et ses fédérations de santé, était une invitation à repenser la REES. Derrière chaque dossier se cache une histoire personnelle, et il est essentiel que le système éducatif reconnaisse et valorise ces parcours diversifiés.

La FAGE a proposé, dans ce cadre, en 2024, un modèle de licence unique de santé, accessible à tou·te·s les étudiant·e·s et intégrant des enseignements fondamentaux en santé ainsi que des options au choix. Ce modèle vise à :

  • harmoniser la formation : offrir les mêmes opportunités académiques et pédagogiques, quel que soit le parcours initial de l’étudiant·e ;
  • réduire la pression : permettre un cursus sur trois ans avec possibilité de redoublement, dans un cadre plus stable et structuré ;
  • promouvoir l’égalité des chances : éviter les disparités actuelles entre PASS et LAS, qui favorisent les étudiant·e·s issus de milieux socio-professionnels supérieurs ;
  • améliorer l’accompagnement : offrir un soutien mieux adapté aux besoins des étudiant·e·s pour favoriser leur réussite et diminuer les risques psychosociaux.

UNE VOIE COMMUNE VECTRICE D’INTERPROFESSIONNALITÉ

Au-delà des choix d’orientation, la voie commune représente l’opportunité pour bâtir une culture commune de la santé. Elle favorise des enseignements interdisciplinaires et un apprentissage collaboratif entre futures professionnelles et professionnels, au service d’un système de santé centré sur le patient. Cette culture commune est essentielle pour renforcer la coopération entre métiers et garantir une prise en charge globale et coordonnée des patients.

La publication, en décembre 2024, du rapport de la Cour des Comptes, intitulé « L’accès aux études de santé – Quatre ans après la réforme, une simplification indispensable » a suscité de vives inquiétudes : parmi les recommandations évoquées, figure la possible suppression de la voie commune d’accès aux études de santé MMOPK. Cette perspective va à l’encontre des principes fondamentaux défendus par les organisations étudiantes, fermement opposées à toute réforme mettant fin à une voie commune.

Depuis la réforme, les filières de pharmacie et de maïeutique enregistrent une baisse notable du nombre d’étudiants entrants : – 6 % pour la pharmacie et – 4 % pour la maïeutique. Face à cette situation, le rapport propose d’instaurer une voie d’accès spécifique pour ces deux filières. Cette mesure soulève de vives préoccupations, notamment parce qu’une enquête révèle que 55 % des étudiants en pharmacie et 47 % des étudiants en maïeutique n’auraient pas choisi ces filières si la décision devait être prise à la sortie du lycée.

La voie commune offre un temps indispensable de réflexion et de construction du projet professionnel, tout en assurant un socle de connaissances partagé entre les filières. Les étudiant·e·s des filières MMOPK défendent donc avec force cette entrée commune, convaincu·e·s qu’elle constitue un premier pas important pour un choix d’orientation éclairé et une formation partagée des futurs professions de santé. À l’heure où les défis du système de santé nécessitent davantage de coopération et de complémentarité, la suppression de la voie commune serait une grave erreur.

UN APPEL À L’ACTION

La réforme de l’entrée en études de santé devrait symboliser une vision ambitieuse de l’avenir du système de santé français. Elle reflète l’importance de l’égalité des chances et de la diversité des talents dans un secteur aussi essentiel. L’avenir des étudiant·e·s, et par extension celui du système de santé français, dépend aussi de cette année d’accès aux études de santé. Les étudiant·e·s porteront donc une attention particulière à toute évolution à venir de la réforme d’entrée en études de santé.

Les tutorats santé, un atout indispensable à la réussite en PASS/LAS

Développés depuis une quarantaine d’année, les tutorats santé ont pour mission de rétablir l’égalité des chances en PASS et LAS face aux organismes privés de préparation, souvent coûteux et inaccessibles pour beaucoup de jeunes. Gratuites ou à faible coût, ces structures, souvent associatives, offrent un accompagnement pédagogique, moral et d’orientation tout au long de l’année. Le tutorat, animé par des étudiant·e·s des années supérieures, propose une aide à l’apprentissage, des conseils méthodologiques, un soutien moral via du parrainage ou encore des ateliers bien-être et une information claire sur les options d’orientation. Il garantit une pédagogie adaptée, en lien direct avec les enseignant·e·s et soutenue par les universités ainsi que le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche via un agrément dédié. Chaque tutorat s’adapte localement et offre une qualité équivalente, voire supérieure, aux préparations privées, permettant un accompagnement personnalisé pour une réussite équitable et éclairée. Il faut donc considérer avec importance la place de ces tutorats santé au sein des parcours PASS/LAS, en tant qu’acteurs indispensables du bien-être, de l’orientation et de la réussite étudiante, et dans l’objectif d’une égalité des chances pour l’accès aux études de santé.

¹ Dans son rapport 2024, la FAGE explique que bien que la filière kinésithérapie ne soit pas incluse dans les textes cadrant la REES, il lui semble nécessaire et évident de mener son travail de réflexion en collaboration avec la Fédération nationale des étudiant·e·s en kinésithérapie. Les plus de 2 000 étudiants et étudiantes qui entrent chaque année en formation de kinésithérapie, via RESS, ne doivent pas être laissés de côté.
² https://miniurl.be/r-5vhr
³ Réforme négligée, 4 ans plus tard, PASS et LAS doivent s’adapter. https://miniurl.be/r-5vhs

 

Cet article est tiré du n°439 de notre revue la Vie de la Recherche Scientifique (VRS). Retrouvez l’ensemble des numéro dans notre rubrique VRS.



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