De la PACES au dispositif PASS/LAS, une amélioration de la réussite étudiante ? – Un point de vue de la filière odontologique
Le paysage des études de santé en France a connu des transformations d’une importance considérable pour l’orientation et la réussite étudiantes depuis 2020. Après une analyse critique des modalités de sélection des futurs professionnels de santé toutes filières confondues, certaines spécificités des filières sont discutées.
Hélène Chardin
Maîtresse de conférences des
universités-praticien hospitalier
(MCU-PH) d’odontologie
Membre de la Commission
administrative du SNESUP-FSU
En 2010, la première année commune aux études de santé (PACES) remplaçait le PCEM1 (première année du premier cycle des études médicales) en ajoutant la filière pharmacie à ses trois filières, médecine, maïeutique et odontologie (MMO). Le dispositif passait donc d’un système MMO à un système MMOP en supprimant le concours propre à la pharmacie. Quelques années plus tard, un certain nombre d’universités se lançaient dans des expérimentations visant à supprimer les redoublements et/ou diversifier les modes de recrutement tout en donnant une deuxième chance aux recalés du concours en un an (dispositifs PACES One, alterPACES, PluriPASS…).
Sans attendre l’issue de ces expérimentations et leurs conclusions, le président de la République annonçait brutalement, en septembre 2018, la suppression de la PACES et son remplacement par un dispositif de licence donnant accès aux quatre filières des études médicales (MMOP), cette annonce s’accompagnant de celle de la suppression du numerus clausus.
A la rentrée 2020, après une réforme négociée dans l’urgence et devant la réalité de situations locales extrêmement hétérogènes, différents dispositifs étaient mis en place. Certaines universités adoptaient un système exclusif de licence accès santé (LAS), alors que d’autres adoptaient un système parcours accès spécifique santé + LAS (PASS/ LAS). D’une manière générale, les universités accueillant des effectifs réduits d’étudiants adoptaient un système LAS exclusif, alors que celles devant gérer de gros effectifs (jusqu’à deux mille étudiants inscrits en PACES) conservaient un système spécifique de PASS en plus des LAS.
QU’EN EST-IL DE LA SÉLECTION QUATRE ANNÉES PLUS TARD ?
La réforme des études de santé a été présentée comme un système qui « favorise la réussite des étudiants dans leur parcours de formation en mettant fin à un système de sélection basé sur le numerus clausus ». C’est ainsi que le numerus clausus, défini nationalement et décliné localement, a été remplacé par un numerus apertus défini localement en lien avec les Agences régionales de santé (ARS). À un « concours » avec numerus clausus se substitue un « examen classant avec nombre limité des places » correspondant au numerus apertus… En d’autres termes, on est passé d’une politique nationale de la santé déclinée au niveau régional à une politique décidée au niveau régional, avec tout ce que cela peut entraîner de disparités entre régions pauvres et régions (plus) riches, de risques de mise en oeuvre de politiques clientélistes par les universités pour lever des fonds sans avoir forcément la capacité réelle d’accueillir davantage d’étudiants… Quant au bilan global chiffré, il est difficile de le faire puisque les données ne sont plus nationales. En ce qui concerne les années de transition, les numerus clausus des années 2018 et 2019 atteignaient les quinze mille étudiants admis en deuxième année toutes filières confondues et ce nombre a été maintenu à l’identique pour la première année de réforme PASS/ LAS.
La pénurie de médecins organisée dans les années 1990 par une baisse drastique du numerus clausus* (8 588 étudiants admis en deuxième année de médecine en 1972 contre seulement 3 576 en 1995), avait commencé à être corrigée par une augmentation du numerus clausus dans les années 2000 permettant de dépasser légèrement les chiffres des années 1970 (9 314 étudiants en médecine en 2018).* https://miniurl.be/r-5vcr
En ce qui concerne la réussite des étudiants, l’argumentation se basait sur le fait que certains étudiants quittaient les études de santé après deux tentatives infructueuses en PACES en ayant perdu deux ans. Il fallait donc que ces deux années puissent être valorisées. Du coup, aux disciplines fondamentales requises pour des études de santé (physique, chimie, biochimie, biologie cellulaire…), il a été ajouté une « mineure » qui correspond à la licence vers laquelle l’étudiant recalé en études de santé pourrait se réorienter. Cette mineure peut concerner des sciences proches de la santé (sciences du vivant, physique- chimie, STAPS, psychologie…) ou un tout autre domaine disciplinaire (droit, économie-gestion, histoire, langues…). Chaque université choisit quelles licences vont accepter en deuxième année des étudiants non admis en filière de santé, mais ayant été « reçus » puisqu’ils ont obtenu un total de notes cumulées supérieur à la moyenne. A l’inverse, ces mêmes licences doivent offrir un accès santé (et deviennent donc des LAS) en offrant à leurs étudiants la possibilité de passer une mineure santé en parallèle de leur parcours de licence.
Comme le système est complexe, prenons un exemple concret : un élève de terminale souhaite devenir médecin, deux possibilités s’offrent à lui. Première possibilité, il choisit un dispositif PASS/LAS et demande une inscription en PASS et choisi une mineure. S’il valide le PASS mais n’est pas suffisamment bien classé pour obtenir médecine (seules les filières de maïeutique ou pharmacie lui sont proposées, voire aucune filière de santé ne lui est proposée), il pourra intégrer la deuxième année de licence correspondant à sa mineure et pourra de nouveau tenter sa chance en médecine en L2 ou en L3. Son dossier sera alors évalué sur sa performance en licence. Deuxième possibilité, il choisit de passer par une LAS et demande une inscription dans une licence proposant une mineure santé. Il doit alors valider la mineure santé en parallèle de son année de licence pour candidater en médecine. Il pourra candidater deux fois sur les trois années de licence, son dossier étant jugé sur ses performances en licence, la validation de la mineure santé étant un prérequis pour sa candidature.
La candidature vers le PASS ou une LAS se faisant sur Parcoursup, les candidats ayant les meilleurs dossiers lors de cette candidature seront donc ceux qui auront le plus de choix, les étudiants avec des dossiers moins bien évalués pouvant se retrouver avec un choix de mineure ou de licence par défaut. Un très bon élève de terminale choisissant le PASS avec la mineure qu’il préfère aura donc une chance d’intégrer médecine dès la première année tout à fait comparable à celle qu’il aurait eue avec le PCEM1 ou la PACES. Un élève moins performant en terminale pourra se retrouver avec un choix de mineure par défaut ; et s’il n’est pas assez bien classé en PASS, il risquera de se retrouver dans une deuxième année de licence qui ne le motive pas, voire de ne pas valider sa mineure ou de ne pas être accepté en deuxième année de licence et de se retrouver à candidater à nouveau sur Parcoursup.
Il semble logique de penser que cet élève moins performant en terminale devrait plutôt choisir de s’inscrire en LAS sans passer par le PASS, les LAS étant théoriquement des parcours moins concurrentiels développés pour diversifier les accès en études de santé. En réalité, le choix de la licence est lui-même difficile. Si cet élève peut s’inscrire dans une LAS proche des thématiques de santé, c’est-àdire si son dossier Parcoursup le lui permet, il se retrouvera dans un système très sélectif avec une concurrence très importante puisque de nombreux étudiants non affectés en médecine après le PASS auront tenté leur deuxième chance par cette voie. D’autre part, préparer une licence d’histoire ou d’études chinoises pour un étudiant qui souhaite devenir médecin n’est pas forcément un choix très logique et motivant !
Dans les filières sélectives, la réussite des étudiants dépend avant tout du nombre de places par rapport au nombre d’inscrits. Remplacer un système, certes très imparfait, par un système beaucoup plus complexe n’améliore ni la réussite étudiante ni la qualité de la sélection. Au contraire, il est légitime de craindre que ce soient les élèves des classes privilégiées, issus des meilleurs établissements et/ou bénéficiant de la meilleure orientation en terminale qui soient favorisés par ce nouveau dispositif. Par ailleurs, l’introduction des épreuves orales appliquées uniquement aux étudiants de LAS et aux étudiants les moins bien classés du PASS est une autre source potentielle de discrimination sociale.
L’amélioration des modalités de sélection des futurs professionnels de santé, toutes filières confondues, passe par l’attribution de plus de moyens pour encadrer et soutenir les étudiants dans la préparation de cette sélection, par des possibilités accrues de réorientation des étudiants qui ont été sélectionnés mais ne souhaitent pas continuer et des possibilités de passerelles pour les étudiants d’autres filières. La mise en place d’un dispositif complexe à moyens constants ne profitera qu’à ceux qui sont déjà les mieux adaptés au système. En comparant le statut des élèves des classes préparatoires publiques à celui des étudiants de PASS, il est évident que ce n’est ni l’engagement des étudiants dans leurs études ni leur détermination à réussir qui font la différence, mais bien l’encadrement dont ils bénéficient. Ce déficit d’encadrement universitaire se traduit par le renforcement d’établissements privés dont le coût constitue une discrimination socio économique supplémentaire.
CONSÉQUENCES DE LA RÉFORME SUR L’ODONTOLOGIE
L’odontologie est devenue une filière de premier choix pour les étudiants de PASS/LAS, les étudiants retenus étant classés dans les mêmes rangs que ceux de médecine. Cette évolution n’est pas récente et n’est pas liée au mode de sélection puisqu’elle était mise en place dès le PCEM1.
Lors de la création de la PACES, un travail important avait été réalisé pour donner de l’importance aux filières. Les quatre filières de santé étaient regroupées en une seule année de concours mais un étudiant pouvait choisir de candidater à une, deux, trois ou quatre filières. Un enseignement spécifique à chaque filière était introduit au deuxième semestre. Le classement final se faisait par filière, chaque filière se distinguant par des coefficients différentiés selon les disciplines et son examen propre. Par exemple, la chimie avait un coefficient fort en pharmacie et plus faible dans les autres filières. Au contraire, l’anatomie présentait un coefficient élevé en médecine, maïeutique et odontologie, et faible en pharmacie.
Pour l’odontologie, comme il existait un nombre faible d’UFR d’odontologie par rapport au nombre d’UFR de médecine, il était difficile d’assurer un enseignement sur tous les sites de préparation au concours : l’Île-de-France, par exemple, possède une seule UFR d’odontologie qui reçoit en deuxième année les étudiants sélectionnés par six universités. Le programme de l’examen de filière avait donc été élaboré au niveau national et s’appuyait sur des cours enregistrés par des enseignants des différentes UFR. Ces cours étaient facilement accessibles car mis en ligne par toutes les universités ayant une PACES. Chaque université pouvait ensuite choisir de compléter les cours par des enseignements dirigés et des cours en présentiel en fonction de ses choix et de ses possibilités. La réforme PASS/LAS complexifiant considérablement le système de sélection, il a été nécessaire de revoir l’ensemble des programmes du PASS. Le temps consacré à la préparation des épreuves de sélection a été raccourci par la nécessité de suivre et préparer une « mineure » parfois très loin du champ disciplinaire de la « majeure », d’organiser une deuxième session d’examens pour les étudiants ayant échoué à la première et d’organiser des épreuves orales pour les étudiants admissibles mais classés dans la deuxième moitié des places disponibles. Le temps étant réduit, les programmes ont dû l’être également. Ceci s’est largement traduit par la disparition des enseignements de filières.
Pour les LAS, il a été nécessaire de définir des enseignements de « mineure santé » adaptés selon les parcours et accessibles aux étudiants qui devaient les valider en plus de leur licence. Ce sont donc des socles minimaux qui ont été définis en essayant de ne pas trop pénaliser des étudiants qui tenteraient d’accéder aux études de santé par des licences très éloignées des disciplines requises pour poursuivre leurs études.
Lorsqu’ils arrivent en deuxième année, les étudiants ont désormais une formation initiale très hétérogène. Dans la mesure où il s’agit toujours d’étudiants performants dans leur parcours initial, ils seront capables de compenser leurs lacunes, mais cela nécessite de mettre en place des enseignements complémentaires et d’adapter ceux existants pour les rendre accessibles à tous.
Un autre effet de la réforme a été de régionaliser les capacités d’accueil et de formation avec le remplacement du numerus clausus par un numerus apertus. En odontologie, cela s’est traduit par l’ouverture de petites structures de formation sous la forme d’UFR ou de départements relevant d’UFR de santé. Ainsi, six nouveaux sites ont été ouverts (Amiens, Besançon, Caen, Dijon, Rouen et Tours) dans des régions à faible densité de praticiens.
En France, l’odontologie est une discipline devenue universitaire au début des années 1970. La recherche dans ce domaine a mis du temps à se structurer et reste encore très peu visible au niveau international. Il est donc absolument nécessaire de continuer à soutenir son développement afin de garantir à nos étudiants une formation de niveau universitaire dispensée par des enseignants participant activement à la recherche qu’elle soit fondamentale ou clinique. S’il est louable de chercher à attirer de jeunes professionnels en leur proposant une formation de proximité, il est inquiétant de voir se développer des structures de formation sans l’encadrement hospitalo-universitaire nécessaire.
Cet article est tiré du n°439 de notre revue la Vie de la Recherche Scientifique (VRS). Retrouvez l’ensemble des numéro dans notre rubrique VRS.