Edito par Hervé Christofol et Chantal Pacteau

Avec l’avènement de ChatGPT4 en 2023, le grand public a découvert, à travers ce robot conversationnel, les performances de l’intelligence artificielle (IA) générative qui produit des réponses (textes, images, films, musiques…) à des requêtes exprimées en langage naturel. Révolution industrielle pour certains – qui pensent qu’elle va transformer tous les métiers et l’organisation du travail –, nouvel outil pour d’autres – qui l’envisagent au service des citoyens et de la productivité de certains secteurs d’activité –, les développements et usages de l’IA font débat. C’est ce dont les articles de ce dossier discutent.

L’histoire de l’IA, et notamment celle de l’IA générative, permet de mieux comprendre les hypothèses théoriques sur lesquelles l’IA repose ainsi que ses fonctionnements. L’IA ne se limite pas aux robots conversationnels ; les véhicules autonomes ou la reconnaissance faciale utilisent des technologies informatiques qui relèvent de l’IA. Mais les robots conversationnels, de par leur accessibilité, leur intérêt et la curiosité des réponses synthétiques qu’ils génèrent, ont été rapidement adoptés sans que les impacts et la pertinence de leurs usages n’aient été questionnés.

Or, comme d’autres technologies en leur temps, la qualité des réponses que les robots génèrent n’est pas sans défaut. Leur entraînement et leur usage sont dix fois plus consommateurs d’énergie qu’une simple requête via un moteur de recherche et nécessitent le travail invisibilisé de « petites mains » actuellement réalisé dans des conditions sociales et sanitaires déplorables. Le respect des droits d’auteur n’est pas garanti et les données collectées ne sont pas sans biais, ce qui pose d’importantes questions éthiques.

L’Europe a légiféré pour tenter de contenir les usages les plus problématiques de l’IA mais les entreprises et les États, motivés par de nouveaux marchés et les gains de productivité que les économistes font miroiter ainsi que par la suprématie militaire que de nouvelles armes intégrant l’IA peut apporter, s’engagent dans une course au déploiement de solutions pour leur personnels et leurs clients, leurs armées et leurs usagers. C’est notamment le cas de l’État français qui déploie plusieurs expérimentations d’outils reposant sur l’IA dans les services publics et la défense.

Pour l’instant, loin de les révolutionner, l’IA se déploie rapidement comme outil au service des métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche. Puisse ce dossier faire réfléchir quant à la pertinence de son usage, compte tenu notamment de ses impacts environnementaux et sociaux.