Nouveau gouvernement : ce que nous voulons pour l’Enseignement Supérieur et la Recherche
Au lendemain des élections législatives anticipées, le SNCS-FSU, le SNESUP-FSU, le SNASUB-FSU et le SNEP-FSU rappellent les principes au fondement de leur action et leur attachement à un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche de qualité pour toutes et tous.
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Un budget à la hauteur des besoins
Pour la FSU le financement récurrent doit être largement prioritaire et augmenté pour couvrir les missions de recherche et d’enseignement. Il doit également être réparti équitablement entre les organismes de recherche, les établissements et au sein des établissements, entre composantes. Alors que la loi de programmation de la recherche (LPR) prévoit le financement de plus de 15 000 précaires supplémentaires, la FSU demande au contraire :
► la création immédiate de 12 000 postes de titulaires toutes catégories confondues (personnels techniques, administratifs et de bibliothèque, chercheurs, enseignant·es-chercheur·es, enseignants) pour permettre de remédier aux inégalités d’encadrement constatées entre établissements et la mise en place d’un plan pluriannuel d’emplois statutaires de 6000 postes par an jusqu’en 2035, ce qui représente un effort de 6 700 millions d’euro ;
► une augmentation du budget de la recherche publique de 6 milliards d’euros d’ici 2027 pour atteindre 1 % du PIB ;
► une remontée de la dépense moyenne par étudiant·e en université (un peu plus de 10 000 euros en 2021) pour converger vers celles des STS (près de 15 000 euros) et des CPGE (plus de 16 000 euros) ;
► une augmentation du budget du programme 150 de la Mission interministérielle Recherche et Enseignement supérieur (Mires) de 2 milliards d’euros (hors immobilier) d’ici 2027. C’est seulement dans ces conditions que les objectifs de la Stratégie nationale de l’enseignement supérieur (Stranes) – 2 % du PIB, que la FSU demande à l’État de financer – pourront être respectés. Ce plan d’investissement doit s’accompagner d’un programme de réhabilitation et de construction immobilières.
Résorption de la précarité et augmentation des salaires
Pour la FSU, un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche pour construire un avenir plus juste et durable, se doit d’améliorer les conditions de travail permettant à chacun de s’émanciper dans l’exercice de son métier et garantissant l’égalité de parcours, de promotion et de rémunération entre les femmes et les hommes.
Cela passe par :
► la mise en place d’un vaste plan de titularisation de tou·tes les précaires (toutes catégories de personnels confondues) employé·es pour répondre à des besoins pérennes ;
► le recrutement sur poste statutaire au plus proche de l’obtention du diplôme donnant accès au concours ;
► le rattrapage de la perte du pouvoir d’achat des fonctionnaires et la hausse immédiate du point d’indice de 10 % ;
► le déblocage des carrières pour tous les personnels et la facilitation des avancées en matière de grade et de changement de corps ;
► un plan de requalification des emplois BIATSS de C en B et B en A ;
► la revalorisation salariale des métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche, notamment par l’intégration des primes dans les salaires et la reconnaissance de la qualification du doctorat dans les grilles indiciaires, des rémunérations sans modulation individualisée et reconnaissant le niveau de diplôme ;
► la réduction des obligations statutaires de service d’enseignement à 125 HTD pour les EC et 250 HTD pour les enseignant·es, ainsi que des heures supplémentaires d’enseignement, notamment pour dégager du temps effectif de recherche ;
► l’abrogation de la réforme des retraites passée en force par le gouvernement en 2023, le retour à l’indexation des retraites sur les salaires et des dispositions pour réparer les dommages des réformes des retraites passées.
Développer la recherche publique
Pour la FSU, la production de connaissances, dans tous les champs disciplinaires et interdisciplinaires, leur libre diffusion à l’ensemble de la société et le respect de la liberté académique sont indissociables de l’indépendance d’une recherche scientifique publique.
Ces valeurs d’indépendance doivent être garanties par le statut de la fonction publique pour les personnels de l’ESR, par une évaluation et une politique scientifique effectuées par des pairs majoritairement élus, par des dotations de base des établissements permettant de financer leurs laboratoires et de conduire leur propre politique scientifique, par une organisation de la recherche soutenable et par un partenariat équilibré entre la recherche publique, la recherche privée et la société.
Cela passe par :
► la suppression du crédit d’impôt recherche (CIR) et la réorientation des effets d’aubaine qu’il produit (7,24 Md€ en 2021) vers les établissements publics ;
► l’augmentation du financement pérenne de la recherche en supprimant ou en transformant les structures du mille-feuille institutionnel (ANR, Idex, ComUE, IHU, IRT, SATT, Hcéres, …) ;
► la réduction drastique de la part du financement par appels à projets au profit des dotations aux laboratoires ;
► la création d’un millier de postes de doctorant·es contractuel·les pendant sept ans, avec un recrutement en tant que titulaire au plus proche de la thèse ;
► la fin de la politique actuelle de gel des postes, et la publication automatique des postes libérés, alors que le taux de départ à la retraite va augmenter très rapidement d’ici 2032, en particulier chez les enseignant·eschercheur ·es dans le champ des sciences “dures” ;
► un investissement dans la formation des futur·es enseignant·es et enseignant·es-chercheur·ses, indispensable pour permettre ces embauches.
Des formations publiques émancipatrices, gratuites et accessibles à toutes et tous
Pour la FSU, la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur, lieu d’émancipation par les savoirs, de vie sociale et de développement de la pensée critique, demeure une impérieuse nécessité. Concrètement, il s’agit de viser l’objectif de 60 % d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur dont près de la moitié de diplômé·es de master.
Cela passe par :
► des formations publiques diplômantes, gratuites et accessibles à tous et toutes, en formation initiale comme en formation continue (avec prise en compte de l’expérience professionnelle pour les salarié·es et les demandeur·ses d’emploi) ;
► l’abrogation de Parcoursup et l’augmentation des places dans les formations tenant compte des aspirations des bachelier·es et garantissant l’accès de droit dans les parcours de master compatibles avec le parcours de licence de l’étudiant⋅e ;
► un taux d’encadrement ne dépassant pas vingt étudiant·es par enseignant·e ou enseignant·echercheur ·se (EC) titulaire et la garantie d’une formation à et par la recherche dès le premier cycle ;
► un plan de construction de véritables campus universitaires publics (logements, équipements culturels et sportifs et restauration CROUS) permettent une proximité d’accès à des universités de plein exercice ;
► une allocation universelle pour chaque étudiant·e pour subvenir dignement à ses besoins. Pour démocratiser et permettre une formation universitaire complète et équilibrée, la pratique physique et sportive doit devenir un droit pour tous·tes dans l’ESR. Les formations aux métiers du sport ou les activités physiques sportives et artistiques (APSA) avec leur dimension recherche doivent être soutenues et valorisées.icile-travail peut être réduite en permettant les mutations pour rapprochement de conjoint, en développant des universités de proximité, en limitant les déplacements intersites et en préférant les mobilités douces et les transports collectifs.
Urgence écologique
Pour la FSU, le Service public de l’enseignement supérieur et de la recherche est un acteur incontournable des questions de société liées à l’urgence écologique. Pour répondre aux enjeux, nous avons besoin d’un service public de l’ESR redynamisé et solidaire, redonnant espoir et reconnaissance à ses différents acteurs et financé par des crédits publics.
Cela passe par :
► un plan de financement de l’État après audit bâtimentaire précis pour permettre l’isolation thermique des bâtiments et l’amélioration des systèmes de chauffage-climatisation décarbonés, essentielles pour diminuer l’émission des gaz à effet de serre (conformément au décret tertiaire1) ;
► un investissement de 7 milliards d’euros dans la rénovation énergétique des bâtis universitaires avant 2030 et 16 milliards d’euros d’ici 2050 ;
Pour la FSU, le recours au numérique, souvent présenté comme une alternative aux déplacements, ne peut pas être une solution durable à généraliser.
► l’enseignement à distance, facteur de grandes inégalités entre les étudiant·es et briseur des collectifs de travail, doit rester l’exception ;
► les outils numériques ne doivent ni être imposés ni utilisés pour remettre en cause les libertés pédagogiques, et ne doivent pas gommer les spécificités disciplinaires (sorties sur le terrain, TP…) ;
► la part des déplacements domicile-travail peut être réduite en permettant les mutations pour rapprochement de conjoint, en développant des universités de proximité, en limitant les déplacements intersites et en préférant les mobilités douces et les transports collectifs.
Organisation, gestion démocratique des universités
Pour la FSU, l’enseignement supérieur et la recherche doivent pouvoir se développer au service des besoins sociaux indépendamment des forces politiques, économiques et religieuses.
La FSU est indéfectiblement attachée au statut de fonctionnaire conçu pour mettre l’agent·e à l’abri des pressions et garantir l’égalité d’accès des usagers aux services publics. Il l’est également à la collégialité dans les procédures et les missions des universités, laquelle se conjugue avec la dimension collective de la liberté académique.
Cela passe par :
► l’abrogation de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), et la recentralisation de la masse salariale ;
► l’abandon des expérimentations, notamment celles qui consistent à la mise en place d’établissements publics expérimentaux (EPE) et celles prévues dans l’acte II de l’autonomie des universités ;
► le retour au droit commun et aux statuts d’université du Code de l’éducation dans leur ensemble pour les établissements publics expérimentaux créés depuis 2018, qui accentuent les inégalités, détruisent la collégialité, réduisent la démocratie et s’éloignent des missions et des valeurs des services publics ;
► la mise en place d’un véritable fonctionnement démocratique des universités en donnant à la communauté universitaire et notamment à ses élu·es dans les conseils, la capacité de peser sur leur avenir ;
► la capacité pour la communauté universitaire de donner un avis conforme via le CNESER sur l’offre de formation, le budget, les textes réglementant l’ESR ;
► le maintien de toutes les compétences décisionnelles du CNU et du CoNRS.
La FSU demande la fin des dispositifs dérogatoires et des dispenses de toutes sortes à la qualification et au recrutement d’enseignant·es-chercheur·ses.
Renforcement de la lutte contre les VSS
Les révélations de multiples faits de harcèlement sexuel, d’agressions sexuelles et de viols se sont accrues depuis l’année universitaire 2020-2021. Ces violences, constatées dans les universités comme dans les grandes écoles, touchent les personnels et les étudiant·es : tandis qu’une étudiante sur vingt a été victime de viol et une sur dix d’agression sexuelle, les statistiques manquent toujours du côté des personnels, les directions d’établissement demeurant réticentes à engager des poursuites disciplinaires. Une forme d’impunité règne toujours à l’université.
► Le plan d’action national de lutte contre les VSS dans l’ESR présenté en octobre 2021 met l’accent sur la formation et la sensibilisation de la communauté universitaire, le renforcement des dispositifs de signalement et de leur fonctionnement, le renforcement de la communication sur les dispositifs existants et sur les VSS et la valorisation de l’engagement des étudiant·es et des personnels. Or, le ministère n’envisage l’aide financière que par le lancement d’appels à projets, ce qui est clairement contradictoire avec l’ambition affichée.
► De la même manière, les discussions engagées ces derniers mois sur le plan national d’action pour l’égalité professionnelle dans le MESR n’ont donné lieu à aucunes avancées ni propositions d’action susceptibles d’améliorer la situation des femmes dans l’ESR.
► Pour la FSU, le recul des VSS dans l’ESR implique de faire peser sur tous les établissements une obligation de résultat, au-delà des seules recommandations, tout en les dotant de moyens pérennes dédiés à la lutte contre les VSS, de les enjoindre à rendre compte à la communauté (notamment devant des conseils élus) de leur action, de faire évoluer les procédures disciplinaires et de sensibiliser et former tous les personnels.
► La FSU rappelle l’impérieuse nécessité de recenser et de centraliser les informations venant des établissements universitaires concernant les VSS.
► Une clarification, une harmonisation et une réforme de la procédure disciplinaire sont également indispensables, la victime étant toujours considérée comme « témoin » de l’affaire.
Une formation des enseignant·es qui redonne du pouvoir d’agir aux acteurs et actrices
Pour lutter contre le désinvestissement, les risques psychosociaux et préserver la formation des générations futures, il est urgent :
► de reporter la réforme engagée sur la formation et le recrutement des enseignants des premier et second degrés ;
► de redonner le pouvoir d’agir aux acteurs et actrices de la formation.
La FSU continue de défendre les conditions d’une véritable formation des enseignant·es universitaire et professionnelle, qui nécessite :
► la sécurisation des parcours des étudiant·es par le biais d’un financement des études sans contrepartie de service (« prérecrutements » au sens de la FSU) ;
► la constitution d’équipes de master MEEF recrutées sur des critères et selon des procédures universitaires de détermination des profils de poste ; des moyens pour former et faire exister des équipes plurielles ; le respect des conditions universitaires d’élaboration des maquettes : c’est aux équipes de master de les élaborer en réponse aux besoins de formation identifiés ; une formation continue qui vise le développement professionnel et non la transmission de prescriptions qui asservit ;
► des stages étudiants déterminés en fonction des impératifs de formation (progressivité, lieu, encadrement) et non des besoins de l’Éducation nationale ou des plafonds d’emploi. Pour garantir la dimension formatrice de l’expérience professionnelle, les berceaux de stage doivent être en surnombre dans les écoles et établissements ; la possibilité, pour les tuteurs et tutrices de « terrain », d’accompagner les étudiants sur leur temps de service (décharge), d’être formés (formation de formateurs), d’impulser ou de participer à des recherches collaboratives ;
► la détermination et le fléchage des budgets des INSPÉ, composantes universitaires à dimension académique ;
► la mise en place d’instances démocratiques au sein des INSPÉ.
Au lendemain des élections législatives anticipées, la FSU rappelle les éléments d’urgence qu’elle porte pour le service public de l’ESR :
- abandonner les expérimentations en cours : “choc de simplification” avec la transformation des ONR en agences de programme, établissements publics expérimentaux (EPE), “acte II” de l’autonomie des universités ; et en faire un bilan ;
- reporter la formation des enseignant·es et ouvrir de véritables discussions associant toutes
et tous les acteurs et les actrices concerné·es ; - abroger la loi liberté et responsabilité des universités (LRU) ;
- stopper les mesures austéritaires et augmenter le budget récurrent pour le service public
de l’ESR ; - résorber la précarité et améliorer l’encadrement des étudiants par un plan de recrutement
massif de titulaires ; - permettre l’accès de toutes et tous les bachelier·es à la formation de son choix ;
- rendre effectif le droit à la poursuite d’études pour tous les diplômé·es de licence dans un
master en cohérence avec leur parcours de licence - abroger la taxe CVEC payée par les étudiant·es et la compenser intégralement en
augmentant les dotations aux universités dans le budget du MESR.
1 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038812251