Le rapport de la mission confiée à Philippe Gillet a été rendu public^1,2 le 15 juin 2023. Depuis, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) a sollicité les organismes de recherche et les universités pour explorer certaines évolutions dans le paysage de l’ESR, en vue de préparer les décisions qui seront prises par la ministre sur ces deux volets :

• les agences de programme ;
• la simplification de la gestion dans les laboratoires de recherche.

Pour le premier volet, les organismes de recherche devraient se voir confier une mission supplémentaire d’agence de programme thématique, en plus de toutes les dimensions de leur mission d’opérateur de recherche. L’attribution des différentes agences de programme fait actuellement l’objet d’arbitrages entre les différents organismes de recherche et le ministère, mais on peut s’attendre à ce que différents organismes de recherche pilotent une agence de programme en lien avec leur champ disciplinaire. Ainsi, l’Inserm pourrait se voir confier une agence de programme en lien avec la santé. Le CNRS, seul organisme de recherche rassemblant tous les champs disciplinaires, devrait pouvoir prétendre à participer au pilotage de toutes les agences de programme. Si le CNRS devait se contenter de l’attribution d’une agence de programme sur le climat, la biodiversité et l’adaptation, ce serait alors totalement restrictif eu égard au champ de recherche universel dévolu au CNRS. Ces agences de programme devraient avoir pour mission de coordonner l’ensemble des acteurs dans leur périmètre (en remplacement de feu les Alliances) et d’élaborer la prospective scientifique pour les grands projets de ces programmes thématiques. C’est ainsi que le CNRS a créé la Mission programmes nationaux (MiPN) le 14 mars 2023 par décision de son conseil d’administration, et que la direction du CNRS a demandé aux instituts du CNRS d’élaborer une prospective scientifique.

Le SNCS-FSU récuse complètement cette notion de thématique de recherche impartie à chaque organisme de recherche, notamment pour le CNRS, dont la capacité d’élaborer la prospective scientifique et de coordonner la recherche ne devrait pas se limiter à un champ de compétence particulier. Le SNCS-FSU demande, en outre, que des moyens supplémentaires soient attribués aux organismes de recherche pour remplir cette mission supplémentaire d’agence de programme. En lien direct avec les propositions^2,3 de la mission de M. Gillet pour un renforcement de la structuration verticale et restrictive de la recherche, le SNCS-FSU dénonce l’organisation et le fonctionnement d’un certain nombre de PEPR^4,5, qui présagent ceux des futurs projets des agences de programme. Le SNCS-FSU demande que ces programmes associent l’ensemble de la communauté scientifique de leur champ disciplinaire, et notamment que l’élaboration de la prospective scientifique reste principalement dévolue au Comité national de la recherche scientifique (CoNRS), au Conseil scientifique du CNRS et aux Conseils scientifiques d’institut dont c’est une mission statutaire.

Pour le second volet concernant la simplification de gestion des laboratoires, des expérimentations vont être menées sur dix-sept sites universitaires entre les différents établissements, en particulier le CNRS qui est impliqué dans ces dix-sept sites. Le ministère et les établissements se veulent rassurants, en affirmant, par exemple, que « tout le monde est pour la simplification ». Mais ces éléments de langage visent à masquer le principal objectif : « optimiser » les services de support à la recherche pour contribuer à la maîtrise, c’est-à-dire une diminution sensible en euros constants de la dépense publique, imposée par Bercy. Les expérimentations prévues par le ministère et les établissements consisteraient à généraliser la délégation de gestion à un maximum de laboratoires et à accélérer la mutualisation des services de gestion entre laboratoires, mais aussi entre universités et délégations régionales des organismes de recherche.

Le SNCS-FSU s’opposera à toutes ces mutualisations de service car elles ne pourront qu’engendrer une dégradation des conditions de travail des collègues impliqués, qui se trouveront ainsi séparés des personnels des laboratoires. Une autre source de simplification pourrait découler d’une harmonisation des outils numériques et des règles de gestion – financière et des ressources humaines – entre les différents établissements. Mais le récent fiasco⁶ de la suite logicielle Etamine / Notilus / Goelett déployée par le CNRS montre qu’un objectif de simplification peut se transformer en un véritable calvaire pour tous les personnels, et devenir fortement contreproductif. Le SNCS-FSU demande que toutes les nouvelles mesures de simplification soient menées avec la plus grande prudence, en lien avec les organisations syndicales et en consultant préalablement les Comités sociaux d’administration (CSA).

Le SNCS-FSU rappelle depuis vingt ans que le financement généralisé par appels à projets ne peut qu’induire complexité et dégradation des conditions de travail. Le SNCS-FSU réaffirme sa demande de rééquilibrer le financement de la recherche en faveur des dotations annuelles aux établissements et aux laboratoires. Le SNCS-FSU demande également le recrutement d’agentes et agents titulaires pour, notamment, renforcer les services de support à la recherche, et ainsi améliorer les conditions de travail et rendre du temps à la recherche.

¹ Rapport de la « mission sur les évolutions de l’écosystème de la recherche et de l’innovation » confiée à M. Gillet par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
² Dossier thématique du SNCS-FSU et du SNESUP-FSU – Rapport de la mission « Gillet » : des préconisations dans le droit fil des réformes menées dans l’ESR depuis une vingtaine d’années
³  SNCS Hebdo du 29 juin 2023 – Rapport Gillet : l’éloge béat de Jupiter
⁴ PEPR : les programmes et équipements prioritaires de recherche – Lien vers les PEPR au CNRS
⁵ Analyse par le SNCS-FSU des PEPR – PEPR : une réelle relance pour la recherche publique ?
⁶ Communiqué du SNCS-FSU du 14 septembre 2023 – Etamine, Notilus et Goelett : un calvaire pour tous les personnels des laboratoires du CNRS