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Ce que nous attendons d’une présidence de l’Inria

mmSNCS-FSU5 juillet 2018

Ce que nous attendons d’une présidence de l’Inria, Institut National de Recherche en Informatique et Automatique, lettre ouverte du SNCS/FSU de l’Inria, 20 juin 2018  « Laissez-nous enfin travailler, l’Inria a besoin de souffler ! »

Dans cette période d’incertitudes et de rumeurs sur le nom du ou de la prochain-e président-e, le SNCS/FSU de l’Inria avance plusieurs propositions qu’il met en débat et soumettra à la personne nommée à la présidence :

  • repartir du cadre et revenir aux fondamentaux («C’est quoi l’Inria ?») en simplifiant une organisation devenue illisible et opaque suite aux nombreuses restructurations,
  • faire preuve d’écoute et de respect pour les personnels, permettre à chacun-e d’exercer son métier et de faire un travail de qualité,
  • arrêter une compétition interne contre-productive et promouvoir la coopération.

Instances et organisation

L’Inria est un institut scientifique, aussi faut-il opérer une disruption (!) avec un mode de fonctionnement régi par un nombre réduit de décideurs, et redonner aux instances scientifiques, notamment au conseil scientifique (CS) et à la commission d’évaluation (CE), le rôle et les prérogatives qu’on leur a confisqués au travers de multiples instances parallèles apparues au gré des réorganisations : prospective, politique scientifique, recrutement scientifique, vraie évaluation scientifique. Ces instances parallèles ont été créées sous le prétexte de « décharger » le CS et la CE, alors que ce sont eux qui, par définition, ont la meilleure vision scientifique de l’Inria et de son organisation. On pourrait par exemple décharger la CE de l’attribution de la prime d’encadrement doctoral et de recherche (PEDR) ou arrêter de recruter des chercheurs en CDD (seulement sur poste). Il faut lui laisser du temps pour travailler sur des dossiers comme la question récurrente, relevée dans tous les rapports d’évaluations, du besoin d’ingénieurs de développement sur postes pérennes, et son corollaire sur la place des ingénieurs de recherche par rapport aux équipes. Les questions d’information scientifique, d’évolution du système de publications, de l’effet potentiel grandissant des recherches issues de l’Inria sur la société, etc., méritent aussi d’être débattues dans ces instances.

Les restructurations « imaginées » par quelques-uns et subies par tous (IST/IES, SAFIN, Optin, etc.) ont fait beaucoup de dégâts.

  • Sur les personnes, comme en témoigne le rapport 2017 du médecin de prévention.
  • Sur l’organisation, car de nombreuses personnes ont préféré partir.
  • Sur le travail, devenu pour certains travail à la chaîne, qui fait que beaucoup d’agents sont devenus des « presse-boutons » ou des répondeurs à requêtes derrière un portail (« envoyez-moi un ticket »). La dématérialisation simplifie-t-elle ou complexifie-t-elle ? Les outils en tous cas doivent être adaptés aux personnes et pas l’inverse !
  • Sur la recherche elle-même, quand les chercheurs n’ont pas les moyens de base pour travailler et doivent s’épuiser à écrire soumissions, rapports, évaluations des projets de leurs collègues — devenus de fait compétiteurs — et n’ont plus le temps de travailler à leur recherche que le soir ou le week-end … N’aurions-nous pas là une des explications à la baisse du nombre de candidatures aux postes de chargé de recherche ?

La direction générale découvre aujourd’hui que les instances (comité technique et commissions hygiène sécurité et conditions de travail) avaient raison dans leurs préconisations, qu’elle reprend d’ailleurs aujourd’hui à son compte… malheureusement seulement partiellement.

Les comités de centre et comités des projets doivent devenir ou redevenir des espaces et moments de discussions libres, et instances de réflexion et de proposition, plutôt que des lieux d’information « Powerpoint » où chacun-e s’ennuie derrière son ordi. Il faut aussi se préoccuper, bien au-delà du COERLE, de mettre en place un vrai comité éthique et déontologie, qui traite de l’ensemble de ces problèmes de manière transparente, en ne faisant pas semblant d’ignorer que l’Inria y est, comme tout le monde, confronté.

Pour certains chercheurs, devenir une « équipe-projet Inria » est comme décrocher un projet ANR : cela donne un label, un soutien de base, et l’accès à des services administratifs, notamment une assistante d’équipe de recherche (AER). Mais au-delà de ces avantages, quel intérêt ? L’Inria serait-il sournoisement devenu une agence de moyens?

Recherche et transfert/start-ups et innovation

La décision de séparer recherche et transfert lors de la dernière mandature nous a semblé contraire à la spécificité de l’institut. Historiquement, l’Inria s’est construit sur des collaborations avec les laboratoires de recherche ou services R&D de développement d’industriels. Nos recherches, même dites « théoriques », sont pratiquement toujours parties de problèmes dits « appliqués ».

La spécificité de l’Inria est de faire un constant aller et retour entre « recherche fondamentale » et « applications ». Or la séparation « recherche » et « transfert » laisse penser à une linéarité vertueuse depuis la recherche fondamentale vers le transfert. C’est pour nous un contre-sens historique.

En revanche, la dérive actuelle qui assimile transfert de résultats de recherche et start-ups/innovation est aussi un contre-sens (qu’est-ce que l’innovation? voir le texte de Henri Audier, 10 novembre 2013). Start-up, ou transfert rentable à court terme, n’est pas synonyme d’application (ni de recherche) de qualité. Avoir un effet positif sur la société n’est pas équivalent à être rentable économiquement. Avoir un effet positif sur la société ne se juge pas forcément à court terme. Autant de questions qui ne sont à notre connaissance jamais débattues à l’Inria, alors qu’elles gouvernent et orientent la politique scientifique de notre institut.

Enfin, la multiplication des structures nouvelles internes ou externes (Idex, Comue, Fondation Inria, InriaTech, InriaSoft, etc.) et des dispositifs et guichets internes aux noms et contours mouvants, jamais réellement évalués, épuisent les agents sans que leur justification soit toujours évidente.

Rémunération, stop à l’individualisation, transparence

La possibilité de coopération entre tous et toutes passe par la transparence des rémunérations.

Même s’il est vrai que la rémunération des chercheurs sur poste permanent, notamment en début de carrière, est notoirement ridicule par rapport aux salaires dans les boîtes informatiques, rien ne justifie l’opacité qui entoure la rémunération réelle des chercheurs, à base de primes ISFIC, ERC, PEDR, rémunérations des chercheurs CDD, partie du salaire payée par le privé, etc. Les primes ne peuvent en aucun cas être une réponse à la faiblesse toujours plus grande de nos rémunérations.

Le contournement des grilles de fonctionnaire pour un nombre important de postes rémunérés sur des grilles de contractuel ne l’est pas non plus. Un travail sur les rémunérations avait été engagé avec l’ancien président du conseil scientifique, il doit être relancé et partagé entre tous et toutes.

Quant aux ingénieurs et techniciens, ils ont souvent des qualifications, notamment acquises par l’expérience, supérieures à leurs fiches de poste. Le blocage de leur carrière met en danger la bonne marche de l’institut, à cause de la démotivation et du turn-over qu’il induit dans les services. Dans les promotions et la reconnaissance des activités, il conviendrait de ne pas placer les fonctions d’encadrement ou «à responsabilités» au-dessus de toutes les autres: il serait paradoxal qu’un institut promouvant la technique et la technologie accorde moins de considération aux métiers techniques qu’au « management ».

 

Enfin, il faut stopper l’individualisation, notamment par les primes au « mérite ». La PEDR doit être supprimée et redistribuée en prime de recherche pour tous les chercheurs, avec un dispositif favorisant les plus bas salaires. La part variable du Rifseep peut paradoxalement créer de la démotivation par l’effet de non-reconnaissance qu’elle induit en creux et doit être cantonnée au minimum.

En bref, il est temps de redonner à tous et toutes du temps, des espaces, et de la marge de manœuvre pour travailler, coopérer, réfléchir, partager, discuter, penser, créer. N’est-ce pas là le minimum requis dans un institut de recherche?



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