Une victoire sur l’obscurantisme et le mépris de l’éthique scientifique
Le titre de cet édito peut sembler décalé, tellement la situation s’avère dramatique pour la recherche publique et plus généralement pour les services publics et la société qui font face aux crises successives.
Dans la crise qui dure, la recherche publique et l’enseignement supérieur sont particulièrement malmenés avec des projets de budget 2025 qui ne respectent même plus les engagements budgétaires de l’État inscrits dans la loi de programmation de la recherche.
Comme si cela ne suffisait pas, le PDG du CNRS, Antoine Petit, contribue lui-aussi à chambouler la recherche publique avec l’annonce, le 12 décembre, de la politique des « key-labs », qui vise à sélectionner un quart des laboratoires du CNRS pour leur attribuer des moyens supplémentaires. Cela ne peut se faire qu’au détriment des trois quarts des laboratoires du CNRS qui seront, de fait, déclassés et condamnés à péricliter¹…
Mais, dans cette conjoncture particulièrement inquiétante et incertaine, nous pouvons aussi nous réjouir de ce que la supercherie Raoult, dénoncée sans relâche par de nombreux scientifiques – dont celles et ceux du SNCS-FSU et du SNESUP-FSU –, ait pris fin. La publication de l’article frauduleux²,³,⁴ sur le traitement du Covid-19 par l’hydroxychloroquine, à l’origine d’un scandale scientifique et sanitaire planétaire, a enfin été rétracté par l’éditeur Elsevier⁵,⁶.
Ce scandale scientifique, en dit long sur le rapport de confiance qui semble se déliter par rapport aux faits scientifiques, dans une société inondée de vérités alternatives où des décideurs, trop peu familiers de la recherche et de la démarche scientifique, font le choix et promeuvent des chercheur·e·s qu’ils écoutent et encensent. Ce que même Patrick Cohen reconnaît dans un édito particulièrement bien tourné le 18 décembre 2024⁷ sur France Inter !
Ce qui ne devrait pas être une victoire des scientifiques sur l’obscurantisme et le mépris de l’éthique scientifique (l’article aurait dû être rétracté dès les premières alertes) rappelle à quel point la science et les conditions d’exercice de la recherche sont essentielles. Cette victoire est aussi celle des valeurs que défendent le SNCS-FSU et le SNESUP-FSU pour la recherche publique, car c’est bien l’icône de la politique de l’excellence – le « GRAND SAVANT » – et des réformes néfastes menées depuis vingt ans qui sous-tendent cette politique qui en prennent un coup.
En cette fin d’année 2024 et pour la nouvelle année 2025, cette victoire doit nous encourager à persévérer dans la défense de nos valeurs pour une recherche publique libre et indépendante. Malgré le contexte de crises successives et les difficultés rencontrées par la recherche publique, nous devons plus que jamais continuer à agir pour défendre et promouvoir la recherche publique que nous voulons⁸.
Le SNCS-FSU et le SNESUP-FSU vous adressent tous leurs vœux de santé, de paix et de solidarité pour 2025.
¹ Communiqué du SNCS-FSU du 18 décembre 2024 : Le SNCS-FSU appelle à refuser la politique destructrice des « key-labs » au CNRS
² SNCS Hebdo du 2 avril 2020 n° 5 : La démarche scientifique, la vraie
³ L’US MAG, Le journal du syndicat national des enseignants du second degré SNES-FSU – Supplément au n°797 du 25 avril 2020 : La crise sanitaire révèle le rôle essentiel de la recherche et des scientifiques
⁴ La Vie de la recherche scientifique, n° 429, juin 2022, Zoom : L’IHU de Marseille : une histoire sans fin
⁵ Nature, 18 December 2024, « Controversial COVID study that promoted unproven treatment retracted after four-year saga »
⁶ International Journal of Antimicrobial Agents, Volume 56, Issue 1, July 2020, 105949, « RETRACTED: Hydroxychloroquine and azithromycin as a treatment of COVID-19: results of an open-label non-randomized clinical trial »
⁷ France Inter, édito politique du 18 décembre 2024 : Didier Raoult, autopsie d’un désastre
⁸ La Vie de la recherche scientifique, n° 427, décembre 2021