Le SNCS-FSU demande des explications à la direction du CNRS sur sa prise de position sur les nouveaux OGM
Le CNRS, au travers de sa direction, a apporté, fin 2023, son soutien (1)-(2) au projet d’assouplissement de la réglementation portant sur les nouveaux organismes génétiquement modifiés (OGM) porté par la proposition de règlement de la Commission européenne, adoptée à une courte majorité par le Parlement européen le 7 février dernier. Certaines variétés, issues des nouvelles techniques de génomique (NGT) ne sont donc plus soumises aux règlementations qui s’imposent aux OGM, ce qui rend possible leur culture en plein champ et leur mise sur le marché. Ce choix ne suit pas l’avis émis par l’Anses (3), élaboré sur la base d’une expertise collective, qui critique les fondements scientifiques et des manques de clarification de la proposition de dérégulation.
Indépendamment de la dimension scientifique, cette prise de position de la direction du CNRS est problématique à plusieurs titres.
Cette prise de position du CNRS va à l’encontre de l’avis du comité d’éthique du CNRS (4) qui établit que « si le CNRS venait à décider de s’engager en tant qu’institution, c’est-à-dire s’il prenait publiquement des positions normatives sur des sujets de société, le COMETS considère qu’il devrait respecter les règles qui s’appliquent aux chercheurs – faire connaître clairement sa position, expliciter les objectifs et valeurs qui la sous-tendent, etc. Cette prise de position de l’institution devrait pouvoir être discutée sur la base d’un débat contradictoire au sein de l’institution », ce qui n’a manifestement pas été le cas.
La position du CNRS a de plus été prise sans expertise collective alors que l’établissement a créé récemment une Mission pour l’expertise scientifique (5), et sans que le conseil scientifique du CNRS, les conseils scientifiques des instituts du CNRS ou les sections thématiques du Comité national aient été consultés. Le SNCS-FSU considère que, sur de tels sujets, le CNRS doit, en amont de toute prise de position, organiser en son sein un débat interdisciplinaire prenant en compte les connaissances, les risques, les incertitudes et les divergences de vues qu’ont toutes chances de faire apparaître des techniques et des objets nouveaux. En adoptant la position qu’elle a rendue publique, la direction du CNRS a engagé l’ensemble de ses personnels ainsi que l’image de l’institution. Nombreux sont les acteurs de la recherche au CNRS, dans les autres organismes et dans les universités à être choqués d’être associés malgré eux à une prise de position partisane en l’absence de consensus scientifique. Le SNCS-FSU demande à ce que le CNRS en éclaire les raisons.
Le communiqué du CNRS (2), publié le jour même du vote au parlement européen le 7 février 2024, contient des arguments scientifiques surprenants et utilise des éléments de langage identiques à ceux de la campagne de soutien menée par WePlanet, un groupe de pression (6) engagé depuis plusieurs mois dans le soutien à cette nouvelle réglementation européenne. Quant à la direction de l’institut CNRS Biologie, elle avait le 5 février 2024 encouragé par courriel (7) une partie de ses chercheurs à s’engager, notamment sur les réseaux sociaux, en faveur d’une campagne menée par WePlanet (6). Ce soutien à une campagne de lobbying est préoccupant alors même que la confiance de la société envers la recherche scientifique s’érode. Le SNCS-FSU dénonce cette association et ce soutien de CNRS Biologie à l’organisation partisane WePlanet. Par respect pour la qualité du travail des personnels du CNRS et pour maintenir l’image publique de l’institution, le SNCS-FSU demande également que la direction de CNRS Biologie explique sa démarche.
Au-delà des débats techniques concernant ces nouvelles techniques de génomique, le SNCS-FSU estime urgent que les questions qu’elles suscitent soient débattues de façon transparente et dans toute leur complexité par l’ensemble des scientifiques impliqués dans le domaine, et par l’institution elle-même. Il s’agit rien moins que d’évaluer ces technologies et leur nécessité ainsi que d’analyser les attachements qui les sous-tendent : modèle économique dans lequel elles s’insèrent, brevetabilité du vivant, politiques et pratiques agricoles, débat démocratique et appropriation des connaissances et techniques, protection de la biodiversité…
Références
1) Position du G6 dont le CNRS : G6 Statement on the European Commission’s proposal for a regulation on Plants obtained by certain new genomic techniques
2) CNRS info du 7 février 2024 : Pourquoi des acteurs de la recherche soutiennent une nouvelle législation européenne sur les OGM
3) Avis de l’Anses du 29 novembre 2023 : Avis de l’Anses relatif à l’analyse scientifique de l’annexe I de la proposition de règlement de la Commission européenne du 5 juillet 2023 relative aux nouvelles techniques génomiques (NTG) – Examen des critères d’équivalence proposés pour définir les plantes NTG de catégorie 1
4) Avis du COMETS du 7 juillet 2023 : « Entre liberté et responsabilité : l’engagement public des chercheurs et chercheuses »
5) Lien vers la page web de la Mission pour l’expertise scientifique du CNRS avec les expertises passées et en cours : https://www.cnrs.fr/fr/nos-recherches/expertise-scientifique-collective
6) Lien vers le site web de l’organisation WePlanet : https://www.weplanet.org/
7) CNRS Biologie a fait la promotion le 5 février 2024 par mail auprès de directeurs et directrices d’unité de la lettre ouverte coordonnée par WePlanet et de la campagne sur les réseaux sociaux avec les #Givegenesachance et #NGTs