Danger sur les CSS de l’Inserm : Le SNCS analyse les propositions de la direction
La mandature des Commissions Scientifiques Spécialisées (CSS) arrive à échéance le 31 décembre de cette année, c’est donc maintenant que la redéfinition des périmètres des nouvelles CSS et leur composition sont discutées. Les propositions de la direction de l’institut mettent en danger le travail de ces commissions.
Les CSS jouent un rôle essentiel dans l’évaluation des équipes et dans le recrutement, l’accompagnement et la promotion des chercheurs. Elles doivent pour cela couvrir tous les champs disciplinaires de l’Inserm, avoir une charge de travail raisonnable et équitablement répartie entre CSS, et être composées de membres qui respectent les codes de déontologie et déclarent tout lien ou conflit d’intérêt personnel, professionnel ou intellectuel, avant chaque session.
En 2015 lors de la préparation des CSS pour la mandature qui s’achève, le SNCS avec les présidents des CSS avait dénoncé le déséquilibre entre les périmètres des CSS redéfinies avec, notamment :
– la CSS3 trop vaste regroupant toute la physiopathologie soit près de 25% des CR/DR et des équipes (selon les données des bilans sociaux 2016-2019)
– la CSS1, trop généraliste couvrant tous les processus cellulaires qui reçoit beaucoup plus de candidatures au recrutement.
– la CSS6 aux pourtours mal définis.
Tout cela augurait d’un travail difficile pour ces CSS. Malheureusement, ces prévisions pessimistes se sont confirmées.
Aujourd’hui, plutôt que de dédoubler les CSS 1 et 3 en surcharge (comme proposé pour la CSS6), la direction propose d’augmenter le nombre de commissaires à 40 pour ces deux CSS (contre 30 membres pour les autres CSS).
De plus, pour toutes les CSS, deux changements importants sont proposés :
- i) un « binôme » avec un membre titulaire et son suppléant (d’une autre vague d’évaluation HCERES) qui siègerait quand le titulaire est empêché.
- ii) un appel systématique à des experts extérieurs (jusqu’à 20%).
Tout cela est proposé dans le but soit-disant d’augmenter l’expertise des CSS et d’éviter les liens d’intérêt.
Ces propositions sont absurdes et inacceptables !
Les CSS sont des collectifs de travail qui s’auto-régulent, où les membres apprenant à se connaître tempèrent les dérives de certains et connaissent le système de recherche français et les équipes de l’Inserm. Elargir le nombre de leurs membres à 40 avec une composition qui varie selon la vague d’évaluation et la disponibilité et expertise des titulaires, affaiblira la cohésion de ces collectifs et rendra leurs débats encore plus difficiles. Ces propositions introduiront des conflits d’intérêt en associant systématiquement des experts extérieurs car les experts pointus pour un projet de recherche ne peuvent qu’être, soit des amis, soit des compétiteurs.
On peut se demander ce qui pousse la direction à vouloir prendre une telle mesure absurde alors qu’il est si simple et si logique pour augmenter l’expertise des CSS de dédoubler les CSS en surcharge, celle de physiopathologie (CSS3) et sans doute aussi la CSS de biologie cellulaire (CSS1). Dédoubler une CSS en surcharge permet d’avoir 60 membres sous forme de deux CSS de 30 membres au lieu de garder une seule CSS de 40 membres comme proposé par la direction. Les avantages sont évidents : il y aura deux fois moins de dossiers à traiter par CSS et donc plus de temps pour aller au fond des dossiers, il est plus serein et efficace de travailler et de discuter à 30 qu’à 40, et on y gagne en cohésion et en équité d’évaluation, et enfin il y a plus de chances d’avoir des expertises couvrant tous les champs à 60 qu’à 40.
Le SNCS propose donc de dédoubler au moins les CSS en surcharge. Si on veut augmenter le nombre d’expertises, augmentons le nombre de CSS sans augmenter leur nombre de commissaires ! Pour rappel, dans le passé de l’Institut, la règle était plutôt de travailler à 9, 10, 11, voire 13 CSS !
Le SNCS propose que toutes les CSS continuent de fonctionner à 30 membres maximum, ce qui a l’avantage de faciliter les débats avec un effectif optimal où tous les membres peuvent s’exprimer et où tous les dossiers peuvent être examinés par le même collectif de travail.
Le SNCS s’oppose à l’instauration d’un suppléant pour chaque membre de CSS, mesure lourde et complexe à mettre en place, où les rôles de chacun ne sont pas définis, où la reconnaissance du suppléant est inexistante et, surtout, où le collectif de travail des CSS, absolument indispensable pour une évaluation équitable et de qualité, est rompu.
Le SNCS s’oppose au recours systématique à des experts extérieurs qui contrevient au collectif de travail. L’évaluation d’une candidature n’a pas besoin d’un expert pointu du sujet mais nécessite plutôt la connaissance des attentes de l’Institut et de sa politique scientifique. Les chercheurs présents dans le jury d’une CSS sont capables d’appréhender la qualité d’un dossier. Même s’il n’est pas précisément dans leur thématique, cela reste dans leur domaine de compétence, sauf cas tout à fait exceptionnels.
Le SNCS demande de revoir urgemment la notion de lien d’intérêt qui doit être circonscrite aux liens professionnels (liens d’autorité ou de subordination), intellectuels (publications, brevets et autres productions communes), et bien sûr personnels plutôt que de considérer automatiquement comme lien d’intérêts l’appartenance à un même centre de recherche (regroupant plusieurs centaines d’agents) voire même à une même ville ou région. Ceci n’a (plus) aucun sens, cette « bonne intention » affichée a des conséquences délétères sur la qualité de l’évaluation et doit être corrigée.
Les mesures que veut prendre la direction, si elles se réalisaient, mettraient plus à mal des instances parmi les plus importantes de notre Institut, celles qui, au plus près des équipes, travaillent à soutenir la qualité de nos recherches. L’enjeu est de taille.