VRS n° 398 11/2014
Le monde académique n’échappe ni à une moindre féminisation du milieu, ni aux « semelles de plomb » auxquelles sont confrontées les femmes. Qu’il s’agisse des organismes de recherche ou du monde universitaire, l’état des lieux révèle la nature et l’ampleur des inégalités en matière d’accès aux métiers et de progression de carrière dans l’enseignement supérieur et la recherche.
ÉDITO
Surdité du gouvernement face à la situation catastrophique de l’emploi scientifique
Le projet de budget 2015 de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR), comme les précédents, sanctuarise l’austérité budgétaire. La secrétaire d’État annonce une augmentation de 45 millions par rapport au budget initial de 2014, soit un budget total d’environ 23,05 milliards. Mais cette augmentation est ramenée à 36 millions par des transferts d’emplois et de moyens à l’ESR agricole. Avec une prévision d’inflation d’au moins 0,5 %, pour parvenir à un budget seulement équivalent à celui de 2013, il aurait fallu au moins 115 millions d’augmentation.
Après 10 ans de chute de la position française en matière de recherche, il convenait pourtant de rétablir la situation, avec au moins l’objectif d’atteindre 3 % du PIB pour la recherche d’ici 10 ans. C’est un objectif modeste que l’Allemagne vient de franchir. D’après les rapports Le Déaut et Berger de l’hiver 2012-2013, la réalisation de cet objectif, affiché par l’Europe dès 2000, suppose qu’on accroisse le budget de l’ESR d’au moins un milliard chaque année. On en est loin !
Aujourd’hui, après ces 10 ans où les gouvernements de droite ont conduit à un fort recul des dépenses de recherche publiques et privées, après la forte dégradation de la situation des établissements universitaires et de recherche, on peut au mieux admettre que la gauche a stabilisé au fond du trou les moyens de l’ESR.
S’agissant de l’emploi, la question n’est pas de le préserver mais d’investir massivement pour rattraper le retard et résorber la précarité dans l’ESR. Il n’y a pas de recherche sans scientifiques : pour passer de 0,6 % à 1 % du PIB, il faudrait donc accroître le potentiel humain d’au moins 65 % en dix ans. À l’heure actuelle, d’après le rapport 2013 sur l’« état de l’emploi scientifique » du ministère de l’ESR, les personnels de niveau post-thèse représentent 80 000 équivalents temps plein (ETP) au total, soit environ 55 000 si on exclut les non titulaires et les chercheurs du CEA et du CNES dont les activités sont directement militaires ou industrielles. Cela veut dire 35 000 chercheur.e.s, enseignant.e.s-chercheur.e.s et ingénieur.e.s et technicien.ne.s de plus en dix ans, soit 6 000 emplois de plus par an à créer.
Des redéploiements budgétaires sont nécessaires, à commencer par la transformation en emplois statutaires des crédits de l’ANR et de la part du « plan d’investissements d’avenir » (PIA) servant à payer les précaires. Tout aussi nécessaires, apparaissent la remise à plat du crédit impôt-recherche (au sujet duquel on ne compte plus les rapports officiels dénonçant son inefficacité) et la restriction de son enveloppe, avec transformation immédiate, dans la somme qui lui est consacrée, d’un milliard d’euros, puis à terme de 2 milliards afin de permettre les créations d’emplois indispensables dans l’ESR, et de redonner du budget de base aux laboratoires.
Face à un gouvernement qui maintient sa politique d’austérité dans notre domaine comme dans les autres et qui reste sourd aux revendications sur l’emploi scientifique très largement portées par la communauté (Comité national de la recherche scientifique, Conseil national des universités, Conseil scientifique du CNRS, directeurs d’unité, mouvement Sciences en marche, syndicats), il devient nécessaire d’amplifier le mouvement et de maintenir la pression pour sauver l’emploi scientifique.
Patrick Monfort, secrétaire général du SNCS-FSU
SOMMAIRE
Actualités
Dossier
CHERCHEUR.E.S, ENSEIGNANT.E.S-CHERCHEUR.E.S, À QUAND LA PARITÉ ?
- La place des femmes dans l’enseignement et la recherche une dynamique irrégulière et inaboutie
Catherine Marry 12 - « Le Poids des normes dites masculines sur la vie professionnelle et personnelle d’hommes du monde de l’entreprise »
rapport de l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (ORSE).
Note de lecture par Gérard Lauton 16 - Filles-garçons : des orientations fortement différenciées
Jean-Louis Auduc 17 - Doctorant.e.s : vers la parité ?
Henri Audier 21 - À l’Université : où sont les femmes ?
Interview de Dominique Faudot 22 - Une différenciation à faire évoluer
Michelle Lauton 25 - La parité au CNRS, dans un siècle ? …
Florence Audier 26 - … et dans les autres EPST … mieux ? 28
- Dans les organisations syndicales de l’éducation, des paroles aux actes
Christine Eisenbeis 29 - Comment la PES accentue les inégalités de rémunération femmes-hommes
Sophie Pochic 30 - Femmes de science d’hier et d’aujourdhui 33
- Les initiatives de l’UNESCO pour la parité académique 34
- Intégrer l’analyse du genre et du sexe dans les recherches.
- Quand ignorer le sexe des cellules nuit à la santé des femmes
Renée Ventura-Clapier 36 - Toujours aussi peu de femmes dans les métiers du numérique
Isabelle Collet 40
Zoom
- Tirole : les limites du modèle
Christophe Blondel 42
Hors champ
- Construction de l’esprit critique
Isabelle de Mecquenem 44