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Les abus engendrés par l’absence de création de postes et le financement par contrats. SNCS Hebdo 13 n°11 du 7 octobre 2013.

mmSNCS-FSU7 octobre 2013

40% des personnels de l’Inserm en CDD, pénurie de postes au recrutement, déclin des inscriptions en thèse…

Qui pilote maintenant la recherche biomédicale en France ? Les Agences et Associations, les Fédérations de recherche, capables de fournir, via des financements contractuels, des salaires pour des personnels taillables et corvéables à merci.

Françoise Cavaillé, membre du Bureau national Inserm du SNCS-FSU
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Le nombre des personnels recrutés par contrat à durée déterminée s’est accru de façon dramatique ces dernières années. C’est une situation qui est explosive : les personnels recrutés depuis le démarrage de cette inflation(1) sont maintenant remerciés, peu d’entre eux pouvant bénéficier des mesures de « CDIsation » ou de examens « réservés »(2).

Malgré l’accroissement de l’effort de recherche menée par les chercheurs(3), les derniers gouvernements n’ont pas autorisé l’augmentation des effectifs des Organismes de recherche : au contraire, ils ont programmé insidieusement leur diminution en ne remplaçant que les départs en retraite, ignorant les autres (décès, passages dans d’autres structures…). A l’Inserm, la diminution des postes d’ITA a été minorée en 2013 par la transformation de postes budgétaires de chercheurs, aboutissant à une diminution de leurs effectifs ! Le peu de postes mis au concours au regard des effectifs des personnels sous contrat est une source de malaise profond. Nombre de laboratoires, inquiets de devoir se séparer des collègues employés en CDD du fait des 5 ans fatidiques, cherchent à obtenir que soit débloquée la rigidité de la réglementation de l’emploi précaire. Des sociétés privées vont même maintenant jusqu’à proposer de servir de prête nom(4) pour introduire des personnels en CDI dans les laboratoires. Evidemment le financement de ces « CDI » dépendra des contrats obtenus par les laboratoires pour payer la société écran… Nous allons, si cela se mettait en place, vers une amplification de la catastrophe sociale que constitue déjà le recours massif aux CDD à l’Inserm.

Ceci amène à une réflexion à la fois sur les causes de l’inflation des personnels sous contrats et sur les moyens d’y remédier.

Le contexte : les laboratoires sont sous la pression constante d’évaluations multiples, la pression d’être classés dans les « excellents » pour non seulement continuer d’exister, mais aussi être financés. Les créations concomitantes de l’AERES et de l’ANR ont engendré un élitisme forcené. Les classements de l’AERES ont servi de repère aux pourvoyeurs de contrats. La publication à tout prix et l’accroissement des moyens nécessaires pour y parvenir, mènent les chercheurs à la chasse aux contrats avec fatalement la demande de financement de personnels pour répondre à l’augmentation des tâches. Les laboratoires de recherche de l’Inserm, de par la finalité « recherche médicale » bénéficient du soutien de nombreuses associations et Agences, dont certaines disposent de fonds très importants (ANR, INCA, AFM, ARC, Ligue contre le Cancer…). Un chercheur ne peut plus maintenant développer un sujet de recherche s’il n’est pas subventionné par un contrat, ce qui oblige à formuler des demandes de financement, parfois avec des acrobaties peu éthiques. L’Etat n’a pas suivi, par un accroissement général du financement des laboratoires et du nombre de postes, la réalité des besoins des laboratoires. Il a laissé s’instaurer, dans le service public de recherche, une situation qui échappe à son contrôle. Ceci est particulièrement dommageable, en premier lieu pour nos collègues en situation précaire.

A la suite d’une tardive prise de conscience l’Inserm vient de diffuser une  » CHARTE  » pour le recrutement et l’encadrement des CDD, avec une annexe qui réglemente le processus de renouvellement des CDD après 3 ans. Le SNCS, qui a voté contre ces textes(5) a affirmé que, s’il était nécessaire d’établir des règles de bonne conduite dans les laboratoires, cela commençait par ne plus recruter de personnels sous contrats, sauf pour assurer temporairement un remplacement ou une soudure pour le passage d’un concours, et par l’établissement d’un plan pluriannuel de l’emploi titulaire vigoureux capable de résorber la précarité. La durée des CDD limitée à 5 ans, garantit à l’Inserm qu’aucun CDD n’arrivera plus à 6 ans, ce qui imposerait une transformation du CDD en CDI. Le SNCS considère qu’il est inadmissible de se permettre d’employer une personne sur une telle durée sans qu’un débouché ne soit possible/prévu et ou recherché. Toutefois, le SNCS s’oppose à un droit de regard, autre que purement administratif et réglementaire sur le renouvellement d’un contrat au bout de 3 ans : ce n’est pas du ressort de l’administration de décider qui aura ou non la possibilité de se présenter à un concours pendant cette période supplémentaire, fléchant ainsi à l’avance les futurs recrutements.Le SNCS demande, depuis des années, que le recrutement des chercheurs se fasse au plus près de la thèse. De fait, on commence à noter une diminution des inscriptions en thèse des étudiants de nationalité française dans le domaine de la Santé(6): conscients qu’après leur thèse, ils devront effectuer un post doctorat, de préférence à l’étranger, avec probablement encore plusieurs années de CDD à leur retour, et peu de chances d’être recrutés, les jeunes hésitent à s’engager dans cette voix. Le rajeunissement des âges de recrutement pourrait être obtenu en mettant au concours des Chargés de Recherche 60% de postes pour les CR2 au lieu des 40% actuels(7). Ce n’est pas la seule mesure à prendre : au CNRS, où cette règle est appliquée, l’âge moyen des recrutements en CR2 est de 31,6 ans (32,7 pour l’INSB), contre 33,6 ans à l’Inserm(8). C’est un état d’esprit à changer et cela n’aura lieu que si le nombre de recrutements possibles augmente. Il y a un effet boule de neige pervers de la pénurie de postes : ce sont les plus « gros » dossiers qui sont jugés recevables et l’âge au recrutement augmente d’années en années. En outre, le salaire des chercheurs recrutés devient souvent inférieur à ce qu’était leur rémunération comme post doctorant. Il faut revaloriser les carrières pour que le statut reste attractif : la liberté qu’il donne (moyennant évidemment un financement public à la hauteur) de développer des recherches sans se soucier de « rentabilité » est un bien incommensurable.

L’Etat doit immédiatement augmenter le nombre de postes de titulaires de la fonction publique dans les Organismes de recherche.


1. 2005, création de l’ANR (Agence nationale de la recherche)

2. Loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 dite Loi Sauvadet

3. 39 % d’augmentation des publications en 5 ans pour l’Inserm

4. Le portage salarial, miroir de la crise de l’emploi des docteurs, Art dans « LE MONDE SCIENCE ET TECHNO » 24.06.2013

5. CTC de l’Inserm des 27 fev et 19 sept 2013

6. Rapport 2013 du MESR, L’état de l’emploi scientifique en France

7. Décret n°84-1206 du 28 décembre 1984, modifié en 2007

8. Bilans sociaux 2011 du CNRS et de l’Inserm



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