Lettre ouverte à M. Eric Besson (16/07/2010), en réaction à l’arrestation intempestive d’un mathématicien
Les détails de l’arrestation ici: http://images.math.cnrs.fr/spip.php?page=forum&id_article=722
1, place
Aristide
Briand – 92195 Meudon Cedex
Tél. :
01-45-07-58-70
sncs@cnrs-bellevue.fr
SNESUP-FSU
78, rue
du Faubourg
Saint-Denis – 75010 Paris
Tél. :
01-44-79-96-10
sg@snesup.fr
Meudon, le 16
juillet 2010
Monsieur Eric
BESSON
Ministre de
l’immigration, de l’intégration,
de
l’identité nationale et du
développement solidaire
101, rue de
Grenelle
75323 Paris Cedex
07
Monsieur
le ministre,
Nous
avons appris avec effroi qu’un de nos collègues,
scientifique, a été arrêté
en
gare de Bordeaux le jeudi 24 juin 2010, plaqué à
terre, fouillé et menotté.
Est-ce parce que ce collègue est
mathématicien ? Est-ce parce qu’il est
Indien ? La faute grave dont il était coupable est
d’avoir laissé son
passeport à l’hôtel et de
n’avoir sur lui qu’une carte
d’identité indienne. Il
a d’ailleurs proposé aux agents (gardiens de la
paix ?) qui l’arrêtaient
de venir avec lui à
l’hôtel, pour leur prouver sa bonne foi,
mais c’est à l’hôtel de police
que les agents l’ont gardé toute la nuit en
garde à vue.
Cette
affaire nous rappelle le cas de cette professeure
brésilienne, arrivée le 10
avril 2009 pour rendre visite à des amis et
établir des contacts avec des
instituts de recherche et d’enseignement, retenue
à l’aéroport dans des
conditions indignes, puis renvoyée au Brésil sans
même avoir pu communiquer
avec l’ami venu la chercher. Dans le dossier des pourtant
nombreux papiers
qu’elle a présenté aux
autorités, il manquait une attestation
d’hébergement
validée par une mairie ou une préfecture, alors
que ses amis l’avaient
simplement écrite, de toute bonne foi, sur une feuille libre.
Ces
histoires sont scandaleuses, elles ne sont pas rares. Autour de nous,
nous
voyons nos étudiants expulsés –
aujourd’hui, deux étudiantes comoriennes de Pau
sont menacées – , ou bien aux prises à des
formalités kafkaïennes pour obtenir
des titres de séjour, de même pour nos
collègues invités pour des périodes
plus
ou moins longues de collaboration scientifique. Les fonctionnaires
titulaires
de nationalité étrangère –
ce qui est relativement fréquent dans les métiers
de
l’enseignement supérieur et de la recherche
– sont en butte à de graves
tracasseries administratives lorsqu’ils doivent renouveler
une autorisation de
séjour de 10 ans, risquant de ne pouvoir assumer leurs
missions ! Pensez-vous
vraiment que vous allez
« faire aussi de l’Europe et de la France
des terres d’accueil pour les
chercheurs étrangers les plus
performants », comme le prônait votre
collègue, ministre de l’enseignement
supérieur et de la recherche, dans son
discours du 7 octobre 2008 au Collège de France ?
Nous
sommes pareillement choqués lorsque vous arrêtez
des personnes au faciès, et
lorsque vous expulsez des étrangers sans papiers ou lorsque
vous leur refusez
des titres de séjour alors que leur vie, leur famille, leur
travail est en
France. Nous nous élevons contre cette politique du chiffre
que vous imposez à
vos préfets. Le nombre des étrangers
expulsés est-il pris en compte dans leur
« prime aux
résultats » (« Le
Monde » du 28 juin
2010) ?
Quelle
image de la France le gouvernement veut-il donc donner ?
Pour
nous qui sommes
attachés à’une France
ouverte, qui coopère avec tous, notamment pour faciliter les
échanges
scientifiques, nous
ne pouvons admettre
que ce qui s’est passé le 24 juin 2010 ou dans un
passé récent se reproduise et
devienne la règle aux yeux de nos collègues et
étudiants étrangers.
Les
bureaux nationaux du SNCS et du SNESUP
s’élèvent vivement contre ces
dérives qui déshonorent notre pays.
Nous
vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre,
l’expression de notre très haute
considération.
Patrick
Monfort
Stéphane
Tassel
Secrétaire général du SNCS-FSU
Secrétaire
général du SNESUP-FSU
Copie :
Mme
Valérie Pécresse, ministre de
l’Enseignement Supérieur et de la Recherche