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« Accompagner l’autonomie des universités ou brader le CNRS aux universités » : SNCS-HEBDO10 no09 du 16 juillet 2010

mmSNCS-FSU16 juillet 2010


Le discours de la nouvelle direction du CNRS est centré sur la tâche d’accompagnement confiée à l’organisme pour aider les universités à devenir autonomes. Le SNCS s’oppose à cette politique, qui dépouille le CNRS de ses missions de structuration de la recherche dans tous les champs disciplinaires. À vouloir aider à toute force l’université, le CNRS brade à la fois ses personnels et son patrimoine, sans que la recherche en sorte renforcée, ni à l’université ni ailleurs. Nous en avons une illustration, avec la construction autoritaire du grand OSU de Marseille. Le sort de l’Observatoire de Haute-Provence est ainsi scellé dans le seul but de donner un peu plus de pouvoir à quelques mandarins, le tout sans renforcer la recherche. Nous publions ci-dessous un texte émanant de nos syndiqués. C’est malheureusement cela, la « restructuration » !

Patrick Monfort, secrétaire général du SNCS-FSU

L‘Observatoire de Haute-Provence (OHP) est une unité de service et de recherche (USR) propre au CNRS, qui met en œuvre des moyens nationaux, pour la recherche en astronomie et en physique de l’atmosphère. Depuis deux ans, l’OHP, profitant de son emplacement exceptionnel a développé une activité en écologie, en créant l’O3HP, observatoire de la chênaie pubescente. Il a évolué fortement vers l’interdisciplinarité à la fois en astronomie et en instrumentation. Il collabore avec de nombreuses unités, dans la région marseillaise et au-delà.

À l’heure où les classements sont à la mode, force est de constater que l’impact des recherches à l’OHP est bon, par exemple dans le classement de Trimble et Cena, de Berkeley, peu suspects pourtant de sympathie pour la recherche française. L’OHP est donc, de par sa vocation nationale, un élément du patrimoine du CNRS, avec des agents qui sont, à une exception près, tous du CNRS.

Dans le cadre de la préparation du contrat quadriennal, l’OHP s’est doté d’un projet de recherche transdisciplinaire et cohérent, qui permet d’assurer les différents services d’observation, d’exploiter au mieux les mesures prises sur le site, de développer de l’instrumentation originale en mettant en interface un grand éventail de disciplines allant de l’astronomie à l’écologie, avec des projets phares comme une plate forme interdisciplinaire sur le solaire, l’étude de flux entre la forêt et l’atmosphère, etc. Ce projet a été discuté avec plusieurs unités et fédérations de recherche auxquelles l’OHP est lié, et a rencontré une large adhésion.

Tout irait donc pour le mieux dans un monde scientifique raisonnable si n’était apparu dans le paysage un projet de grand « Observatoire des sciences de l’univers » (OSU) à Marseille, à la fois structure de type universitaire en forme d’UFR dérogatoire et sorte d’État dans l’État, censé fédérer les différents laboratoires des sciences de l’Univers et de l’environnement. Que représentent les structures actuelles à côté des grands plans de l’INSU, et de ceux qui prétendent représenter la future université ?

Il ne s’agit plus de fédérer, mais de piloter les recherches. Le directeur de cette future mégastructure de 800 permanents doit pouvoir dominer les directeurs de laboratoires qui deviennent des adjoints, qui n’auront plus qu’un pouvoir résiduel. Comment faire dans le contexte actuel ? tout simplement en transformant l’OHP et ses 50 ITA en agence d’intérim, en charge de soutenir les projets élaborés dans les autres laboratoires.

L’OHP devient un « site » du futur OSU et, sur place, il y aurait un « gestionnaire de site » dont on ne sait quelles seraient ses attributions. Plus besoin de projet de recherche, juste un soutien aux projets portés par les autres laboratoires. Plus de dimension nationale, juste un site régional. Et pour venir installer quelque chose à l’OHP, on sera prié de venir avec ses ITA et de payer son écot.

Les ITA de l’OHP ? Ils travailleront dans une grande UMS de l’OSU, pilotés par son directeur, et ils serviront d’appoint pour les projets des UMR de l’OSU : cela est très motivant, et on peut supposer que certains iront travailler sous des cieux plus cléments pour la recherche. Mais on obtient comme cela un pilotage efficace des UMR, au cas où elles voudraient se mettre à travailler entre elles et prendre des initiatives qui n’auraient pas la bénédiction du superdirecteur de l’OSU.

Les chercheurs ? On les décourage déjà de venir : petites phrases, coups de téléphone. Les réfractaires pourront « rester » sur le site, mais en « mission » depuis un autre laboratoire : qui est volontaire ?
On peut supposer aussi que ce site en expansion va finir par péricliter, n’ayant plus d’initiative, ce qui permettra à terme de le fermer, avec d’excellentes raisons, le tout en garantissant aux collectivités territoriales que les « agents qui le désirent » pourront rester sur place.

Et la recherche dans tout ça ? Si l’on commence à parler de projet de recherche, alors l’INSU se fâche. Cela va à l’encontre de ses décisions. Le projet élaboré par l’unité, on ne veut même pas le lire. Il n’est pas acceptable par l’Université de Provence, dont on sait qu’elle va disparaître dans la fusion des trois universités. On s’étonne que certains continuent à le porter ! On rassure les collectivités territoriales pourtant intéressées par l’OHP !

Et la valorisation, pourtant chère au cœur de nos dirigeants ? Le projet de l’OHP contient une composante importante de recherche appliquée, et des liens pour développer l’industrie en Haute-Provence ! Inutile, on est dans l’affichage, dans les grands projets au profit des majors, pas dans la collaboration effective sur des projets d’avenir efficaces.

Très curieusement, grâce à ce tour de passe-passe avec l’UMS, on s’affranchit aussi de l’évaluation du projet d’USR par l’AERES. Pourtant il paraît que l’AERES donne une recommandation, qui n’entrave en rien la politique des organismes : craint-on que le jugement de l’AERES soit bon ?

On pourrait parler longuement de la construction de l’OSU de Marseille, menée comme une entreprise militaire où les chercheurs et les ITA sont considérés comme de la chair à canon, et leurs directeurs comme des sergents censés se mettre au garde à vous à la moindre injonction de la hiérarchie. Où les opinions divergentes sont jugées « inacceptables », où les menaces sont courantes envers ceux qui n’ont pas encore appris à marcher au pas cadencé.

Et surtout où l’on affiche beaucoup d’interdisciplinarité mais où l’on fait bien attention à rester dans son pré carré. La mer, elle est pour les océanographes, dans le cadre d’un institut « unique » d’océanographie, le MOI (Mediterranean Institute of Oceanography, in English, it’s better) : tout le monde sait que les écologues n’ont pas besoin d’étudier les écosystèmes marins et qu’il n’y a aucun rapport de la mer avec le continent !

Le grand OSU de Marseille se révèle, après plus de deux ans et demi de travaux préparatoires, être aussi une entrave à la volonté de l’INEE de créer un Institut méditerranéen de la biodiversité et d’écologie marine et terrestre (IMBE) à Marseille. La « gouvernance » de ce futur OSU, pilotée de fait par l’université, nie pour le moment les spécificités d’un tel établissement (en particulier le besoin d’une station biologique côtière proche des chantiers utilisés depuis des décennies) dont la nécessité est pourtant reconnue, y compris par l’ancienne direction de l’INSU. La nouvelle direction de cet institut ne s’est pas encore prononcée. Qu’en sera-t-il dans ce contexte où les termes de « science » et de « prospective » ne servent apparemment qu’au décorum du discours ?

Ainsi on n’hésite pas à brader le patrimoine du CNRS, et à transformer ses personnels en intellectuels intérimaires, afin de satisfaire la mégalomanie de quelques hobereaux qui regrettent le bon vieux temps du mandarinat.

Il serait temps, à Marseille comme ailleurs, que le CNRS ne brade pas ses personnels et son patrimoine dans le seul but de donner des gages. Ce n’est pas en démantelant une unité de recherche comme l’OHP ou en enterrant un siècle et demi de recherche en écologie côtière en fermant sans solution de remplacement opérationnelle la station marine d’Endoume que l’on va aider les universités à monter une vraie politique de recherche.

Il faut que cessent les menaces et intimidations envers nos collègues, et il faut que cesse cette grande braderie du CNRS au détriment de la recherche. Il faut que les projets novateurs portés par les personnels de la recherche (chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs et techniciens), que ce soit l’OHP ou l’IMBE, soient soutenus sous tous leurs aspects.

SNCS HEBDO 10 n°9



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