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Les enjeux du 4 mars : la ministre, la CPU, les UMR et le CNRS

VRS29 février 2008

Par Henri-Edouard Audier


Après l’annonce de la réunion des DU du 4 mars, la ministre Valérie Pécresse a répondu le 19 février à une question écrite à l’Assemblée, qui lui avait été posée en… novembre 2007. La réponse de la ministre a certes pour but de calmer le jeu à la veille du remaniement ministériel. Centrée sur le CNRS et très pesée, elle a le mérite (involontaire) de faire le point entre ce qui est acquis, en mal comme en bien, mais aussi de monter qu’une série de problèmes majeurs restent ouverts, laissant le pire toujours possible. Pour comprendre les enjeux quant à la place des organismes, et voir les ambiguïtés de la déclaration de la ministre, il faut d’abord commenter la position de la CPU.

La CPU : un pas en avant, trois pas en arrière

La CPU a fait un communiqué le 20 décembre 2007 sur les UMR [site CPU]. Pour le lecteur pressé, la CPU a fait un pas en avant en reconnaissant les UMR. Mais l’analyse du texte montre que la CPU poursuit son action pour marginaliser le rôle des organismes. L’analyse doit se faire « en creux », à savoir tout ce qui n’est pas dans le communiqué. Celui-ci étant très court, ces absences sont délibérées. Si la CPU cite (une fois) le terme « organisme de recherche » en parlant de la recherche, c’est en quelque sorte pour prendre acte, « pour autant » que le gouvernement déciderait de les maintenir.

Les UMR ne sont plus le résultat d’un partenariat entre un organisme et une université, ce qui obligerait la CPU, d’une manière ou d’une autre, à parler de la politique nationale des organismes. Le caractère « mixte » s’arrête à la procédure de nomination du directeur. L’UMR n’est plus que définie que comme une entité résultant du contrat université/ministère (et donc acceptée par ce dernier), qui naît avec ce contrat et, quatre ans après, meurt avec lui. La CPU ne parle donc nulle part comment devrait se négocier, avec les universités, le rôle qu’on attend d’un organisme dans la politique scientifique d’une UMR, a fortiori d’une université ou d’un site. Cette absence laisse comme seul rôle aux organismes d’apporter des crédits, des chercheurs et des ITA pendant 4 ans à un projet. C’est la définition d’une agence de moyens.

Dès le début du communiqué, les UMR sont qualifiées « d’unité mixte » (non « de recherche »). Elles sont définies comme des sortes d’entités d’enseignement et de recherche. La conséquence de tout cela est que « la CPU demande enfin que la gestion de l’UMR soit systématiquement confiée à l’établissement hébergeur ». Et comme pour la LOLF, il faut parler en coûts complets, il ne manque qu’une seule phrase au texte CPU : « tous les salaires des personnels seront payés par l’organisme hébergeur ». Bref, la CPU souhaite toujours prendre le contrôle des UMR, voire de ses personnels.

La ministre : un pas sur place, un pas de côté

La ministre s’inscrit sans aucune concession dans le Pacte pour la recherche et la LRU. « La loi de programme sur la recherche du 18 avril 2006, la loi relative aux responsabilités et libertés des universités du 10 août 2007, la création de l’Agence nationale de l’ANR et celle plus récente de l’AERES ont profondément modifié l’environnement scientifique du CNRS ».

Même pour l’évaluation, où la loi permettait à l’AERES d’habiliter le Comité national pour évaluer les unités, la ministre en reste à une interprétation restrictive de la loi : « la création de l’AERES doit conduire le CNRS à repenser les missions de ses instances d’évaluation. Le Comité national contribuera à l’évaluation des unités de recherche par sa participation aux comités de visite organisés par l’AERES et pourra recentrer son action propre sur l’évaluation des personnels ainsi que sur la conjoncture et la prospective ».

Une réponse qui vise à calmer le jeu. Il est clair que la ministre veut calmer le jeu en reprenant à son compte une partie des propositions de la direction du CNRS, qui avait déjà exploré tous les trous de souris que laissait l’ANR à l’organisme. « Ces évolutions [ANR, LRU] ne remettent bien évidemment pas en cause la nécessité d’un CNRS, opérateur global pluridisciplinaire et national de la recherche, mais elles appellent une clarification des missions de l’organisme et une inflexion de sa stratégie, qui devra être perceptible dans le plan stratégique « horizon 2020 » en cours d’élaboration. Le développement de la part des financements de la recherche sur projets, à travers la création de l’ANR, mais aussi des programmes cadres européens, laisse au CNRS toute sa place pour anticiper l’avenir et développer la recherche « à risque », relever les défis à long terme et fédérer les compétences nécessaires aux projets fortement pluridisciplinaires. Le CNRS pourra agir en tant qu’opérateur dans ses unités propres de recherche ou, en responsabilité partagée, dans ses unités mixtes de recherche (UMR), et en tant que financeur, par appels d’offres, dans le cadre de grands programmes interdisciplinaires ».

Les questions graves que la ministre laisse ouvertes

Quels moyens de l’organisme versus ceux venant sur projets extérieurs ? Tout le monde est d’accord, y compris l’ANR et la CPU, pour que le CNRS garde un rôle d’opérateur dans les disciplines à appareillages lourds et finance du gros équipement. Mais de quels moyens disposera le CNRS pour mener de recherches « à risques », « à long terme », « pluridisciplinaires » ou pour financer des programmes ? Année après année, les crédits de base diminuent. Il conviendrait de les accroître de 20 % par an pour que les établissements et les laboratoires retrouvent une marge de manœuvre importante quant à la possibilité de mener une politique scientifique sur le moyen terme.

L’attractivité de l’ANR, et la dépendance des laboratoires qui en résulte, c’est les CDD. La faiblesse des organismes et des universités, c’est le blocage de l’emploi statutaire. Sans création d’emploi, pas de développement à terme du potentiel, pas de temps supplémentaires pour que les enseignants-chercheurs puissent faire plus de recherche, pas d’amélioration de l’encadrement en licence. Laisser exploser le nombre de CDD sans avenir, c’est détourner les étudiants des carrières de recherche.

Une réponse qui reste compatible avec la position de la CPU. Le CNRS reste « un opérateur de recherche dans ses UPR ou, en responsabilité partagée, dans ses [souligné par l’auteur] UMR ». Y aurait-il des UMR dont le CNRS aurait la gestion et d’autres pas ? Si oui, sur quelle base et dans quelle proportion ? On retombe là sur les discussions de ces derniers mois, suscitées par des propositions de la direction du CNRS.

Et sur quelle base les organismes et universités vont-ils « co-opérer » dans les UMR ? « Le renforcement des responsabilités des universités […], la création des PRES […] conduit le CNRS à refonder ses partenariats. La coopération avec les universités et les écoles devra se faire sur la base d’une responsabilité partagée des UMR, dans le cadre du contrat quadriennal unique des universités, élaboré sous l’égide du ministère ». Ce n’est pas que la réponse soit scandaleuse. C’est surtout qu’elle ne donne aucune réponse (renvoyée à la mission d’Aubert) à la question, restant par là même compatible avec la position CPU, notamment en donnant une place centrale au contrat université/ministère. Ce n’est pas un procès d’intention mais une analyse de texte.

Ambiguïté aussi sur les personnels. Le passage sur les personnels se veut rassurant : « Concernant la gestion des personnels, il paraît souhaitable d’harmoniser les carrières des chercheurs et des enseignants-chercheurs qui exercent dans les mêmes structures [???], de favoriser la fluidité des missions (accueil d’enseignants-chercheurs en délégation au CNRS, participation de chercheurs à l’enseignement sur la base du volontariat) et de renforcer les incitations à la mobilité entre les chercheurs et les enseignants-chercheurs lors du changement de corps ». Va-t-il y avoir une gestion différente des chercheurs dans les UMR et les autres ? La phrase en italique n’est peut-être qu’un truisme. Mais, il eut été tellement plus simple de (ré)affirmer que les corps de chercheurs et d’ITA resteront de la responsabilité des organismes, y compris pour leur gestion.Les enjeux du 4 mars



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