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9 Octobre 2015 – Marchandisation des connaissances – Une fiction ?

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MARCHANDISATION DES CONNAISSANCES – UNE FICTION ?

9 octobre 2015 – 6h29, mon iCompanion me réveille en douceur. La chambre est baignée d’un halo bleu parme. Après une minute précise de musique ambiante, les hauts parleurs enchaîneront avec « mon programme d’information personnalisé ». Ah ! Les médias traditionnels en ont pris un coup. La démultiplication des sources d’information par Internet ont rapidement rendu désuètes les chaînes de diffusion d’une information commune pour tous. Avec les nouvelles capacités d’interprétation des signaux cérébraux, les iCompanion, descendants directs des smart phones de 2008, font pour vous la recherche dans les bases d’information de celles qui correspondent à vos pensées du moment.

Je me souviens qu’à l’apparition de ces nouvelles fonctionnalités, en 2013, des activistes dénonçaient la supercherie. Selon eux, dès lors que les bases de données étaient contrôlées par les vingt familles les plus hyper riches, les iCompanion ne feraient rien de plus que les médias existants. Pire, ils détruiraient les quelques journaux encore indépendants. Aujourd’hui je sais que ces spéculations sous-estimaient la réalité. La faute à la marchandisation des connaissances.

– 6 Décembre 2010 : Au nom de “l’économie des connaissances”, les gouvernements des EU, de l’UE, de la Russie, de la Chine et du Japon se sont alignés sur les recommandations de l’OMC et du CERI de l’OCDE et ont adopté des lois libéralisant totalement les secteurs de la Recherche et de l’Enseignement supérieur. Le premier effet fut une forte augmentation du PIB dans ces pays. Non pas que cela fît croître la production. C’était uniquement dû au transfert du secteur public au secteur marchand. Puis très vite, la désorganisation totale qui en avait résulté aidant, une bourse mondiale des recherches fut créée. Arguant de la croissance du PIB, les libéraux étaient toujours aux commandes.

– 15 Mars 2011 : La bourse mondiale des recherches est hébergée au MIT et organise deux marchés parallèles. Le premier cote les projets, le second les chercheurs. Expliqué par M. Jacques Attila, premier président de la bourse, cela fonctionne ainsi : «les chercheurs les mieux côtés (donc forcément les meilleurs) sont automatiquement affectés aux projets les mieux côtés, ce qui est le bon sens même. La cotation se faisant en continu (à l’image du CAC 40), l’affectation est forcément temporaire. En bourse, les « research boys », mandatés par des transnationales, pilotent le marché de la main d’œuvre intellectuelle. Cela permet de décider en toute impartialité et objectivité de “what you need is what you get” en lissant ou moyennant la subjectivité des acteurs économiques. Cela nous économise la main d’œuvre chère payée qui s’épuisait dans les réunionnites des commissions d’évaluation.»

– 20 Septembre 2011 : Un troisième marché est crée. Il cote les connaissances. À l’issue d’un projet, quelque soit l’avis du scientifique qui en est le porteur, les actionnaires ont le choix entre verser les résultats au domaine public et perdre leur investissement, ou mettre les résultats sur le troisième marché. Dans ce cas, un brevet est attribué. Son contenu précis est connu et ne peut être utilisé que par son actionnaire majoritaire. Les autres actionnaires siègent en “comité d’évaluation” qui redistribue les profits réalisés par l’exploitation des connaissances.

– 10 Mai 2012 : Il ne faut pas croire que les brevets ne concernent que des procédés techniques. Toutes les disciplines sont cotées. La société CPS (Communication du Président Sarkozy) est devenue il y a peu majoritaire dans le brevet n°2012-324 de la catégorie « littérature francophone ». Depuis le Président parle constamment d’une société “libergalitaire”, concept créé par un porteur de projet de la MSH et qui est devenu le slogan d’un nouveau show-pol. Les opposants politiques sont systématiquement traînés en justice par CPS s’ils prononcent ce mot qui ne leur appartient pas.

– 23 Mars 2014 : La cote du brevet n°2013-760, celui à l’origine du iCompanion, a encore doublé en trois mois. Le président du groupe AL’AXA, l’unique actionnaire du brevet, et ce depuis le début, se félicite de sa politique de recherche. «Nous avons été visionnaires en lançant ce projet pluridisciplinaire sur : les risques majeurs pour l’homme et son environnement (il faut bien connaître ce qu’on va assurer!) ; la théorie [sic] financière pour le fonctionnement des marchés (pour prédire comportements chaotiques surtout après les affaires des « subprimes » et de la Société Générale) ; les systèmes d’observation, d’écoute et d’information [flicage] ; les théories [re-sic] sur le comportement des consommateurs [toujours aussi peu dociles dans le choix de leur alimentation vis à vis des OGM] ; la sociologie des organisations [surtout les rebelles]».

À l’époque de la phase projet sur le iCompanion, j’étais un Mercenaire de la Recherche zélé et bien côté. J’ai fait partie de l’équipe pluridisciplinaire à l’origine de cette horreur. Le responsable du projet régnait en dictateur paranoïaque. Chaque spécialiste état isolé des autres au maximum pour empêcher que quiconque ait une vision globale. Le résultat est un interprétateur des signaux cérébraux qui « lit » les idées et donc détecte aussi tout mensonge ou omission. Du moins, c’était le résultat recherché par AL’AXA et qui a beaucoup plu aux militaires et aux services d’ordre. Ils dépensent des sommes folles pour l’utilisation de cette fonctionnalité. Les entreprises de com’ étaient intéressées par la chose également. Mais AL’AXA a gardé le monopole des emplois civils et se fut le iCompanion.

Ce que personne ne soupçonne et qu’il est interdit de savoir, c’est que les fonctions du iCompanion sont réversibles. Il « écrit » aussi les idées. Mieux que la télévision qui bloquait la réflexion en saturant le temps de matière grise disponible. Il imprime au cerveau pendant le sommeil des thèmes, des sujets, que la personne gardera à l’esprit toute la journée. Idéale pour la publicité, cette fonctionnalité couplée à la lecture des esprits est également employée pour sonder les opinions, pour tester des réactions possibles de la population aux réformes, pour imposer les thèmes de campagne d’une élection…

6h30, la musique s’est tue. Les informations vont commencer. Mon iCompanion change de couleur et passe au rouge. Est-ce en solidarité avec mes pensées anti-libérales ou bien pour me mettre en condition pour un sondage d’opinion ? Je me dis que c’est fou comme l’interaction homme-machine a progressé alors que les solidarités homme-homme ont régressé en raison du chacun pour soi.



 Risques de prolifération des connaissances libres, le gouvernement prend des mesures. Aucune réunion scientifique de plus de trois chercheurs n’est dorénavant autorisée si elle ne se fait pas en présence d’un Missionnaire de le Recherche de classe exceptionnelle assermenté.

 Le « trou » des services sociaux, la commission dirigée par Mme Pasirot rend son rapport. Les personnes âgées sans emploi à plein temps verront leurs remboursements médicaux réduits de moitié.

 Suite à une plainte, les gendarmes de la bourse des connaissances ont découvert que le brevet n°2012-583 sur la datation des fossiles était totalement vide. Encore une de ces affaires de bluff « renifleur ». Les milliers de fossiles analysés par l’entreprise détentrice du brevet sont dorénavant suspects. La côte des deux seuls chercheurs encore en activité dans ce domaine a quintuplé en 24 heures.

En voilà deux qui auront leur remboursement médical à 100%…


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SNCS-FSU – SECTION MIDI-PYRÉNÉES
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 La fin du CNRS – Une fiction ?

 Financiarisation des Recherches – Une fiction ?


Les auteurs de ce texte remercient sanG d’Encre


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Dimitri Peaucelle - Secrétaire de section SNCS Midi-Pyrénées



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