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9 octobre 2020 – Financiarisation des Recherches – Une fiction ?

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FINANCIARISATION DES RECHERCHES – UNE FICTION ?

9 octobre 2020 – 6h30 : Mon iCompanion déclenche la séance matinale de formation à mon nouveau métier. La rééducation est intensive. Pour débuter la journée, mon niveau d’adaptation à « l’économie des connaissances » est testé.

– 22 Août 2015 : La bourse mondiale des recherches atteint sa cote maximale de 162.876.

J’ai eu une carrière plutôt réussie. En témoignent, ma cote personnelle maximale de 7.108, atteinte le 5 janvier 2017 au second marché de la bourse des recherches, et mon facteur h de 143 (j’ai participé à 143 projets ayant engendré chacun plus de 143 millions d’Euros de profit). Mais il y a un mois, ma cote est passée sous la barre des 1.000. J’ai été immédiatement débarqué de mon poste de MR (Missionnaire de Recherche) et transféré de l’AMRS (Agence de Missions pour la Recherche Scientifique qui a remplacé le CNRS en 2008) à la CEB.

– 6 Décembre 2015 : Dissolution de l’AERES au motif que les 3 marchés (projets, chercheurs, brevets) de la bourse mondiale des recherches régulaient parfaitement l’offre et la demande. Création de la CEB (Commission d’Evaluation en Bourse) destinée à rassurer la population sur les risques de spéculation abusive. Y sont affectés les MR sur le déclin jouissant d’encore un peu de crédibilité.

Cette nouvelle ne m’avais pas étonné. C’est ce que j’avais prédit lors d’une réunion syndicale en 2014. Mais on ne m’avait pas cru. On y parlait des suicides de chercheurs travaillant sur des projets à court terme. Douze ingénieurs sous-traitant des projets du CNES s’étaient suicidés en moins d’un mois. L’AMRS prétendait qu’ils étaient « fragiles ». Nous avions alors tenté d’alerter nos collègues. « Cela ne se produisait pas du temps où les chercheurs étaient responsables de leur programme de recherche, bâti sur le long terme » voulions-nous leur dire. « Halte au stress » titrions-nous sur le tract. Malheureusement, certains de nos collègues soucieux de se faire bien voir de la hiérarchie nous avaient dénoncés. Plus d’accès aux imprimantes, interdiction de se connecter aux réseaux. Sachant que quand on ne peut pas régler un problème, le mieux est de le supprimer, l’AMRS en a profité pour supprimer son service social et la médecine du travail. «Comme ça il n’y a plus de différence avec les Universités !» se réjouissait ce jour là Claude Agrèlle.

– 15 Mars 2016 : La CEB a déclaré une amnistie générale sur les délits d’initié datant d’avant sa création. Une mesure de bon sens quand on constate les risques financiers induits par tous les procès en cours. La CEB a annoncé de plus réfléchir à un système de gestion des risques.

Mais l’amnistie est arrivée trop tard pour C. Chobret qui avait dû démissionner en 2007 de la direction de l’INSERM à cause de complications dans une histoire de brevet. Pour mon ex, l’amnistie fut une bonne nouvelle teintée d’amertume. Lorsque le 20 septembre 2013, AL’AXA avait annoncé la commercialisation du iCompanion, j’avais immédiatement lancé une procédure de divorce. J’ai eu du flair car prétextant qu’un produit similaire à l’iCompanion allait être validé aux EU, les actionnaires d’AL’AXA avaient exigé la commercialisation du brevet sans attendre les résultats des contrôles éthiques que mon ex voulait finaliser. Elle qui est une forte tête avait refusé et s’est retrouvée accusée «d’entrave au libre développement de la concurrence» ! Il faut savoir faire des choix dans la vie : sa carrière ou la famille. J’ai sauvé ma position en divorçant. Mon ex n’a pas gagné sa bataille contre AL’AXA, mais a évité la prison. Depuis ça va mieux entre nous. Nous avions divorcé à l’amiable et ça ne nous empêche pas de passer clandestinement des nuits virtuelles furtives. Les enfants ne semblent pas en souffrir.

– 10 Mai 2017 : Création du quatrième marché à la bourse mondiale des recherches, le marché des dérivés. Sa création fait suite au scandale provoqué par les propos alarmants du président d’ADENTIS qui menaçait de fermer le dernier labo pharmaceutique de France: «Les recherches deviennent de plus en plus longues et coûteuses. C’est à croire que les chercheurs, malgré la précarité imposée, n’ont pas encore totalement assimilé les exigences de l’économie des connaissances. Les projets deviennent de plus en plus risqués. On ne peut plus parier qu’on pourra découvrir la molécule qui soignera telle maladie.» Le scandale avait même pris de l’ampleur quand un agitateur avait fait remarquer «que depuis longtemps les labos ne cherchaient plus à guérir les malades. Trop risqué, ça signerait la fin des recherches et des profits». Pour prémunir le risque, le quatrième marché permet aux opérateurs des 3 marchés précédents (projets, porteurs et connaissances) de s’assurer auprès d’assureurs de risques en leur transférant ces derniers. C’est là qu’on peut vendre des produits financiers (sans les posséder) ou les acheter (sans avoir les liquidités nécessaires pour les payer). C’est le règne des « hedge funds », de la spéculation – protection contre les risques. Des « relations de couverture » permettent de « couvrir » les actions, c’est-à-dire de les « protéger » (hedge). De même qu’on peut acheter des « call » (ou de vendre des « put ») d’options dérivées de produits qui peuvent être des actions, de même on peut grâce aux « warrants » parier à la hausse ou à la baisse sur ces actifs sous-jacents (vitalité de telle équipe ou de tel porteur de projets de recherche). De même, grâce aux « certificats », on peut miser sur telle thématique ou tel projet de recherche (avenir du solaire, technique de dessalement de l’eau de mer, centrales éoliennes, maladie d’Alzeimer, etc.).

Je n’ai jamais rien compris à tout cela et je ne pense pas être le seul. Mais quasiment toutes les thématiques (sauf l’archéologie, pas assez rentable) avaient été touchées par cette maladie, du boson de Higgs à la grande unification, des cellules souches pour régénérer les os et les tissus aux alimédicaments marchandisés par la biopiraterie des connaissances ancestrales des indiens d’Amazonie, etc. Je connais même un ancien patron qui s’est reconverti et a fait la fortune de son équipe en jouant avec des « Bear à barrière désactivante » qui se valorisent quand le sous-jacent se déprécie. Le sous jacent en question était la supraconductivité à effet de champ à température ambiante, en laquelle il ne croyait pas du tout. Il y croyait d’autant moins qu’il avait été referree d’articles publiés par le postdoc. d’une équipe concurrente (délit d’initié non condamné).

– 30 Janvier 2019 : La bourse des recherches s’effondre. Le déclencheur est la perte de 50 Milliards d’Euros due aux placements trop risqués sur le marché des dérivés d’un trader, ancien postdoc. de physique de la matière condensée. La crise prend de l’ampleur à mesure que l’on constate que, contrairement aux chiffres officiels, le rythme de production de connaissances avait chuté de moitié en dix ans.

Pas étonnant. À force d’individualiser le travail de recherche, de réprimer tout libre-arbitre des chercheurs, de soumettre par la précarité, on stérilise la coopération, l’imagination et l’envie.

– 9 Octobre 2020 – 6h35 : Vous avez échoué au test. Votre indice d’adaptation à l’économie des connaissances est de 67. Il vous reste deux semaines de formation pour atteindre l’indice 1.000, seuil obligatoire pour rejoindre les collaborateurs de la CEB.

Saloperie de iCompanion. Impossible de le tromper. Tous les syndiqués que je connais qui ont subi cette rééducation ont fini par déchirer leur carte, ou à perdre leur emploi. C’est du harcèlement électronique.


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SNCS-FSU – SECTION MIDI-PYRÉNÉES
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 La fin du CNRS – Une fiction ?

 Marchandisation des connaissances – Une fiction ?


Les auteurs de ce texte remercient sanG d’Encre


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Secrétaire de section Midi-Pyrénées

Dimitri Peaucelle - Secrétaire de section SNCS Midi-Pyrénées



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