Accueillir en France les scientifiques étrangers ET investir massivement dans la recherche
Solidaire des chercheuses et chercheurs du monde entier, le SNCS-FSU dénonce toutes les attaques que subissent les libertés académiques depuis de nombreuses années. Aujourd’hui, ces attaques se généralisent partout dans le monde, y compris en France¹. La situation aux Etats-Unis d’Amérique est catastrophique, non seulement pour la recherche étasunienne mais aussi pour la recherche mondiale. En coupant dans les budgets, en fermant et réduisant les capacités des agences fédérales comme la NOAA, les NIH, la NSF, le NIST, la NASA …, c’est la recherche mondiale en sciences de l’environnement, du climat, de la santé, en sciences humaines et sociales… que l’administration Trump compromet, avec des conséquences globales pour l’humanité et ses milieux de vie.
Le SNCS-FSU soutient² ³ le mouvement Stand Up for Science. Il a appelé les organismes de recherche et les établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche à organiser l’accueil de scientifiques des États-Unis et la sauvegarde des données scientifiques menacées2,3. Cet accueil et cette sauvegarde doivent être mis en œuvre de façon inconditionnelle, par solidarité avec les scientifiques en danger ou dont les recherches sont menacées, et pour préserver ce bien commun que représente la recherche mondiale. Mais le SNCS-FSU veut souligner que les annonces faites par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et par le président de la République française, Emmanuel Macron, lors de la conférence « Choose Europe for Science » du 5 mai 2025, ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Comment pourra-t-on offrir aux scientifiques étatsuniens des rémunérations sinon équivalentes à celles de leur pays, du moins pas aussi scandaleusement basses que celles des personnels de la recherche publique en France ? Le SNCS-FSU s’oppose à la création ad hoc d’une nouvelle catégorie de personnel à part, très bien rémunérée et bénéficiant seule de bonnes conditions de travail. Le SNCS-FSU dénonce la philosophie des annonces de cette conférence « Choose Europe for Science » qui s’apparente essentiellement à une opération de communication et d’opportunisme pour attirer certains scientifiques dans des disciplines considérées en haut lieu comme « les plus stratégiques ».
Le SNCS-FSU demande au contraire d’améliorer les conditions d’exercice de la recherche en France en remontant l’ensemble des rémunérations de ses personnels et en améliorant leurs conditions de travail. Dans l’accord de 2020 sur les rémunérations et carrières dans l’enseignement supérieur et la recherche, le gouvernement s’était engagé à remonter les rémunérations des chercheuses et chercheurs au niveau de celles des hauts fonctionnaires de la catégorie A+, ce qui correspondrait à la moyenne dans l’OCDE des rémunérations des scientifiques. On ne peut plus attendre. La paupérisation des chercheuses et chercheurs en France ne touche pas seulement les personnels en activité, mais aussi les retraité-es. Le SNCS-FSU a depuis longtemps dénoncé la bombe à retardement que constituent dans notre métier les années blanches (rémunérées sans paiement des cotisations sociales) et les années travaillées à l’étranger, non prises en compte dans le calcul des annuités pour la retraite. Peut-on attendre du gouvernement qu’il résolve enfin ces questions des rémunérations et des retraites au moment d’attirer les scientifiques étrangers, dont les Étasuniens ?
Enfin, la France apparaît toujours en retard dans l’investissement pour la recherche et développement (R&D), lequel traine à 2,2% du produit intérieur brut (PIB), dont moins de 0,75% pour la dépense publique en matière de recherche. Ne serait-il pas temps d’annoncer les investissements urgents qui devraient permettre d’augmenter de 8 milliards d’euros le budget de la recherche publique en France pour qu’il atteigne enfin 1% du PIB ? La France s’était engagée au niveau européen à ce que cet objectif soit atteint… en 2010 ! En regard, les 100 millions d’euros « supplémentaires » promis par le président de la République pour l’accueil des chercheuses et chercheurs étrangers ne représentent qu’une insignifiante goutte d’eau qui ne peut pas rendre attractifs les métiers de la recherche.
Le retard d’investissement dans la recherche de la France, et plus généralement de l’Europe, est gigantesque par rapport aux investissements des Etats-Unis, du Japon, de la Corée du Sud, de Taiwan et de la Chine. La Commission européenne doit aujourd’hui accompagner son discours en investissant dans la recherche fondamentale sans hésiter, à l’occasion de la préparation du prochain Cadre financier pluriannuel 2028–2034, au lieu de suggérer l’intégration du financement de la recherche et de l’innovation dans un nouveau « Fonds européen pour la compétitivité ». La tendance à réduire l’ERC ou à le faire disparaître au profit des seuls investissements dans l’industrie et la R&D doit être enrayée.
Les discours officiels rappellent l’importance de la recherche pour l’avenir de la France et de l’Europe. La communauté scientifique attend plus que des discours. Il est temps de rattraper les années de réduction budgétaire et de dégradation des conditions de travail que nous avons traversées depuis vingt ans si l’on veut garder en France les chercheurs de notre pays et accueillir correctement les chercheuses et chercheurs venant d’ailleurs. Les discours gouvernementaux seront en phase avec ce que réclame la communauté scientifique quand le budget de la recherche publique sera à la hauteur des enjeux et quand les personnels seront rémunérés à la hauteur de leur qualification et de leur investissement pour une recherche publique au service du bien commun.
¹ La Vie de la Recherche Scientifique (La VRS), numéro 440 – Liberté académique : résister à la délégitimation du savoir
² Communiqué du SNCS-FSU du 5 mars 2025 – Le SNCS-FSU appelle à rejoindre le mouvement Stand Up For Science et à participer à toutes les manifestations le 7 mars
³ Communiqué du SNCS-FSU du 24 mars 2025 – Le SNCS-FSU dénonce les attaques menées par l’administration Trump contre les scientifiques et la science