DERNIÈRE MINUTE

Recommandation du conseil scientifique du CNRS sur le projet de « CNRS key labs »

SNCS-FSU30 janvier 2025
Recommandation du conseil scientifique du CNRS du 28 janvier 2025

Sur le projet de « CNRS key labs »

Le Président Directeur général du CNRS a annoncé le 12 décembre 2024, lors d’une convention des directeurs et directrices de laboratoires, son projet de distinguer environ un quart des laboratoires, jugés « de rang mondial », auxquels serait apporté un soutien renforcé. Le dispositif envisagé prévoit en effet de concentrer, à l’horizon de quelques années, une part des ressources humaines de l’organisme sensiblement plus importante qu’actuellement sur les laboratoires distingués, dénommés « CNRS key labs ».

Le Conseil scientifique du CNRS n’a à aucun moment été consulté en amont de cette annonce. Le projet de « CNRS key labs » lui a été présenté le 27 janvier 2025 et a donné lieu à un échange à cette occasion avec la direction générale du CNRS. Par ailleurs, le Conseil scientifique a aussi pris connaissance des réactions que le projet a suscitées au sein du personnel du CNRS et parmi ses partenaires.

Le Conseil scientifique souhaite en préambule réaffirmer avec force que le CNRS doit continuer à jouer un rôle important et spécifique dans le paysage français de la recherche scientifique. Il considère cependant que la proposition de la direction du CNRS n’apparaît pas de nature à répondre de manière satisfaisante aux défis auxquels l’organisme est confronté.

Le Conseil scientifique s’oppose donc au projet de « CNRS key labs » qui lui a été présenté et souhaite relever les éléments suivants.

 

Sur la méthode d’élaboration

Le Conseil scientifique a déjà dénoncé le fait d’avoir été contourné par la direction du CNRS , à rebours de la disposition prévoyant que « l’ensemble des directeurs d’institut, sous l’autorité du président, participent avec le conseil scientifique … à l’élaboration de la politique scientifique du centre » (article R322-18 du code de la recherche). De fait, la consultation du Conseil scientifique aurait pu permettre à la direction de s’appuyer sur une expertise collégiale à toutes les phases de l’élaboration de ce projet : diagnostic (à quel(s) problème(s) les « CNRS key labs » sont-ils censés apporter une réponse ?) ; analyse stratégique (quelles options alternatives ?) ; étude d’impact (quelles conséquences prévisibles ?). Les membres étrangers du Conseil auraient en outre pu éclairer la réflexion en partageant leur expérience de politiques d’allocation des ressources dans leurs propres systèmes académiques, et les personnalités du monde économique leur lecture des enjeux du projet pour la recherche partenariale.

Le Conseil scientifique déplore en outre l’absence de concertation avec les partenaires du CNRS, en particulier les universités et les autres organismes nationaux de recherche, sur les objectifs poursuivis et les grandes orientations de la réforme envisagée. Ce faisant, le CNRS a pris le risque inutile d’abîmer ses relations avec ses partenaires.

 

Sur les impacts prévisibles de ce projet aux plans scientifique, organisationnel et humain

Le Conseil scientifique alerte sur les risques importants que comporterait la mise en œuvre de ce projet.

Le choix d’établir une liste restreinte de « CNRS key labs » parmi les unités mixtes de recherche (UMR) instaurerait une forme de concurrence institutionnalisée allant à l’encontre des dynamiques de collaboration que le CNRS devrait au contraire favoriser à toutes les échelles : entre sites au plan national, entre laboratoires, entre équipes. De plus, des travaux récents montrent que « les réformes structurelles menées au nom de l’excellence scientifique … tendent à renforcer les inégalités de genre, de classe et de race » .

En outre, cette décision accentuerait nécessairement les déséquilibres internes, en créant une dynamique inégalitaire et en renforçant les disparités entre laboratoires. Les unités non désignées comme « CNRS key labs » subiraient en effet inévitablement une perte d’attractivité et un déclin de leurs ressources au-delà des seules ressources allouées par le CNRS.

Cette décision est plus largement porteuse d’un risque majeur d’affaiblissement global du CNRS. De fait, la fragilisation des trois-quarts des UMR est susceptible de remettre en cause un maillage scientifique national hérité de l’histoire longue des institutions académiques et qui bénéficie à leur rayonnement et à leur attractivité. Le CNRS affaiblirait également sa capacité à favoriser l’émergence de nouveaux domaines de recherche ou de nouvelles approches disciplinaires, mais aussi et peut-être surtout pluri- ou interdisciplinaires.

Enfin, la mise en œuvre de ce projet aurait un effet délétère sur la qualité de vie au travail des chercheurs et chercheuses comme des personnels d’appui et de soutien à la recherche, en mettant à l’épreuve la cohésion des laboratoires et en sapant la motivation des personnels. L’instauration de ce label créerait de fait une discrimination entre laboratoires et engendrerait des tensions au sein des UMR – que ce soit pour rester « CNRS key lab », pour le devenir ou parce que ce label serait hors d’atteinte. Ces tensions affecteraient tous les personnels, y compris des autres tutelles, universités et écoles.

Conclusion

Le Conseil scientifique est pleinement conscient de la situation difficile de la recherche et de l’enseignement supérieur (ESR) publics en France, sur laquelle il a régulièrement alerté les pouvoirs publics. Il s’inquiète à cet égard vivement des arbitrages budgétaires en cours concernant l’ESR en général et le CNRS en particulier. Cependant, il considère qu’une mise en œuvre imposée par le haut du projet de « CNRS key labs » comporterait des risques majeurs pour le CNRS et pour la recherche publique plus largement. Par conséquent, le Conseil scientifique demande à la direction du CNRS d’expliciter le diagnostic l’ayant conduite à proposer la création de « CNRS key labs ». En prenant en compte ces éléments, le Conseil scientifique s’attachera à identifier, en dialogue avec la direction du CNRS et d’autres parties prenantes dans un esprit de collégialité, les meilleurs moyens de conforter la place et le rôle du CNRS aux plans national et international.

 

Diffusion
– M. Antoine PETIT, président-directeur général du CNRS.
– M. Alain SCHUHL, directeur général délégué à la science du CNRS.
– Mesdames et messieurs les membres du conseil d’administration du CNRS.
– Mesdames les directrices et messieurs les directeurs des Instituts du CNRS.
– Madame la présidente et messieurs les présidents de conseil scientifique d’institut.
– Mesdames les présidentes et messieurs les présidents de section ou de commission interdisciplinaire du Comité national de la recherche scientifique.



Nous contacter

SNCS-FSU
Campus CNRS d’Ivry-sur-Seine
27 rue Paul Bert
94 200 Ivry-sur-Seine

Tel : +33 1 49 60 40 34


NOUS ECRIRE



A decouvrir


  


A voir aussi

ADHESION

ARCHIVES

AGENDA

LIENS UTILES

Aller au contenu principal