Thème 3 : Sciences et société: des rapports ambivalents, à clarifier d’urgence
Texte préparé par Philippe Mussi, Anne Lefebvre-Schull, Philippe Walter, Thierry Chanelière, Claude Mirodatos, Christophe Blondel, Jean Dubessy et Bernard Fontaine.
Texte préparé par Philippe Mussi, Anne Lefebvre-Schull, Philippe Walter, Thierry Chanelière, Claude Mirodatos, Christophe Blondel, Jean Dubessy et Bernard Fontaine.
À l’heure où les moyens de communication n’ont jamais été aussi développés, on observe un retour du relativisme, voire du négationnisme dont de multiples avatars se manifestent sous la forme d’informations contrefaites, notamment lorsque la société est sollicitée pour exprimer sa vision du monde des sciences. Ainsi lors d’élections nationales, ou plus fréquemment lors de divers sondages et/ou émissions participatives se confrontent la société et la science (généralement par le truchement de ses représentants les plus médiatisés) dans des rapports complexes, ambivalents et souvent contradictoires. Dans une époque où l’information scientifique foisonne, des courants contraires s’affrontent comme le recul du rationalisme ou, à l’opposé, une demande multiforme de sciences participatives où les citoyens pourraient se mêler directement des choix des scientifiques, c’est-à-dire participer eux-mêmes à l’élaboration de démarches scientifiques sur une large gamme d’amateurisme plus ou moins éclairé. On doit en effet promouvoir la raison comme moyen de cohésion sociale qui précisément transcende les clivages. Il est crucial que la société dans son ensemble en prenne conscience et qu’elle soit considérée comme telle par le politique mais aussi par les professionnels de la recherche eux-mêmes, selon des modes de fonctionnement à définir avec précision pour éviter toutes dérives et illusions sans lendemain.
Un autre angle d’approche tout autant crucial fait que la confiance en la science s’émousse. Sous la pression du capital, lui-même relayé par le politique, la démarche scientifique tend à montrer à la société une seule de ces facettes : l’innovation. Ainsi l’innovation entre-t-elle en grandes pompes dans l’appellation du ministère ESR du gouvernement Macron. Cette dernière au lieu d’être un lien fort en termes de besoins exprimés par les citoyens auxquels répondent les scientifiques est désormais dévoyée par une dynamique consumériste qui consiste à créer une spirale sans fin de besoins largement artificiels sans lien direct avec le bien-être des consommateurs. La technologie apparait comme incontrôlée, car elle répond prioritairement à une logique mercantile. De là à perdre confiance dans les scientifiques dans leur ensemble, il n’y a qu’un pas. La réalité est heureusement plus contrastée comme l’illustrent les scandales sanitaires à répétition si on prend la peine de l’analyse. Les découvertes sont certes exploitées avec une motivation directement économique pouvant aller jusqu’à la mise en danger du consommateur, mais on oublie souvent que les lanceurs d’alerte sont aussi des scientifiques dont les moyens d’analyse et de détection ont décuplé. La succession des scandales n’est sans doute pas étrangère à l’affinement des seuils de détection. Cette facette du scientifique est parfois occultée par l’image de « l’apprenti sorcier » qui relaie celle tout autant réductrice du « chercheur campé dans sa tour d’ivoire » pourtant largement analysée et combattue par notre réflexion syndicale.
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