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Distribuer le Crédit d’impôt recherche (CIR), c’est arroser le sable. SNCS Hebdo 15 n°8 du 5 mai 2015.


Le SNCS a été auditionné le 4 mai par la commission d’enquête sénatoriale sur la réalité du détournement du CIR de son objet et de ses incidences sur la situation de l’emploi scientifique et de la recherche de notre pays. Le SNCS a rappelé la plus grande importance qu’il porte au développement de la recherche, publique et privée. Il considère que les aides de l’Etat à la recherche industrielle doivent s’inscrire dans un besoin affiché du pays, être transparentes, évaluées et avoir un effet d’entraînement sur le financement des entreprises dans leurs propres recherches. Elles peuvent prendre la forme de programmes thématiques, d’aides à l’investissement (prise en charge des intérêts), d’aides remboursables en cas de succès, ou même d’aides fiscales ciblées (PME, pôles de compétitivité).

Mais le CIR, tel qu’il fonctionne depuis 2006, doit être profondément réformé dans son fonctionnement (transparence, contrôle des dépenses éligibles, évaluation des actions de recherche) et le montant total du crédit largement réduit. Il doit être conditionné pour partie à l’embauche des jeunes docteurs dans le secteur de la R&D privée. Créé en 1983 par Hubert Curien pour un montant de 500 millions de francs, il était basé sur la croissance des investissements de recherche des entreprises. Plafonné très bas, il ne servait donc de facto qu’aux PME. Avec les réformes de 2004 et 2006, le CIR (1) est devenu la niche fiscale la plus onéreuse et la plus inutile (6 milliards).

Patrick Monfort, secrétaire général et Henri Audier, membre du bureau national du SNCS-FSU


SNCS Hebdo 15 N°8 – PDF

Le panégyrique habituel mais totalement faux du CIR, fait par « L’Observatoire du CIR »

Compte tenu de l’opposition à cette niche (syndicats, instances scientifiques, Cour des comptes, et même OCDE), le lobbying d’officines para-patronales reste la seule arme pour défendre le CIR, pour induire les médias et les parlementaires en erreur. C’est le cas de « L’Observatoire du CIR d’ACIES Consulting Group » (2) dont les conclusions ont été largement reprises par l’AEF et la presse grand public (3).

ACIES part de chiffres exacts : « Les dépenses de recherche des entreprises [DIRDE] sont évaluées à 24,75 milliards pour 2007 et 30,07 milliards pour l’année 2012. Ces chiffres sont de 1,80 milliard et 5,33 milliards respectivement pour les dépenses de l’Etat liées au CIR ». ACIES en déduit des conclusions majeures : « Le CIR a contribué à un effort annuel supplémentaire de R&D des entreprises chiffré à 5,3 milliards entre 2007 et 2012. (…) Le CIR s’accompagne ainsi d’une augmentation des dépenses de R&D des entreprises supérieure à sa propre croissance, selon un ratio 1,51 en 2012. (…) En 2012, 1 305 entreprises ont embauché des jeunes docteurs. L’effectif des chercheurs en entreprise a progressé de 22 % entre 2008 et 2012, soit 28 000 emplois. (…) L’intensité en R&D de l’industrie française est supérieure à celle de l’Allemagne et figure parmi les plus élevées d’Europe». Nous allons montrer que ces conclusions sont toutes fausses .

La dépense de recherche des entreprises s’accroît moins que le CIR

En traduisant les données d’ACIES en euros constants 2012, la phrase citée ci-dessus devient : « Les DIRDE sont donc évaluées à 27 milliards (euros 2012) pour 2007 et 30,07 milliards pour l’année 2012. Ces chiffres sont de 2 milliards (euros 2012) et 5,33 milliards respectivement pour les dépenses de l’Etat liées au CIR ». En euros constants, la DIRDE s’est donc accrue de 3,07 milliards, le CIR de 3,33. C’est l’Etat qui a entièrement payé la croissance de la DIRDE : il n’y a aucun « effet de levier » du CIR sur l’investissement des entreprises dans leur propre recherche.

Dans l’évolution de la DIRDE, la France fait plus mal que des pays sans CIR

Les dernières données de l’OCDE montrent que la France, avec 1,44 % du PIB consacré à la recherche des entreprises (DIRDE) est en 15ème position mondiale (4). Elle se situe loin derrière Israël (3,49 %), la Corée (3,26), le Japon (2,65), la Finlande et la Suède (2,28) ou encore l’Allemagne (2 %).

Pour chaque pays, entre 2007 et 2013, la DIRDE a été mesurée en monnaies constantes et comparables, tel que rapporté par l’OCDE : voir la référence (4) pour les sources précises et le tableau comparatif des résultats. Dans cette période, des pays ayant une très forte DIRDE voient leur effort stagner, voire baisser, tout en restant très largement devant nous : la Finlande (difficultés de Nokia), le Japon ou la Suède. Avec une croissance de 15,6 %, la France se trouve dans un paquet de pays qui font soit légèrement mieux qu’elle, soit un peu moins bien, mais qui ont un CIR très faible ou nul : Danemark (+ 8,7), Etats-Unis (+ 9 %), Israël (14 %), Autriche (+ 17,6 %), Allemagne (+ 20 %), Pays-Bas (+ 24 %). Elle est plus largement distancée par la Corée (+ 71 %) ou Taipei (64 %) : le CIR n’a pas joué de rôle dans l’effort français, comme l’illustre la figure comparant les DIRDE de la France, de l’Allemagne et de la Corée.

D’après les mêmes sources, l’Allemagne, sans CIR, a un volume de recherche des entreprises qui est exactement double de celui de la France (4), alors qu’ACIES affirme le contraire.

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La croissance affichée du nombre de chercheurs en entreprise est imaginaire

Pour que cette (modeste) croissance de la DIRDE soit vraie, encore faut-il que les déclarations fiscales le soient. Dans le dossier 2013 sur « L’état de l’emploi scientifique en France », il est affirmé « qu’entre 2000 et 2010, le nombre de chercheurs du secteur public, en équivalents temps plein (ETP), a crû à un rythme annuel moyen de 1,25 % [incluant les CDD]. Dans la même période, le secteur privé a connu une croissance de 72,7 % soit un rythme annuel de 6,6 %. » Or, si le nombre de chercheurs dans les entreprises augmente beaucoup plus vite que celui du secteur public pendant 10 ans, les dépenses de recherche des entreprises et celles de la recherche publique restent dans un rapport pratiquement constant pendant la même période.
La défense du ministère affirmant que cette croissance de 72,7 % a été compensée par la baisse de 50 % des moyens de travail de chaque chercheur nous semble irrecevable. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas utilisé, sauf globalement, les chiffres du nombre de chercheurs qui nous semblent imaginaires (5).

D’autres aspects négatifs du CIR, comme la part très excessive dont bénéficient les grands groupes ou la part finalement modeste des enjeux industriels sont abordés dans les divers articles de la référence (1), qui synthétise les analyses du SNCS-FSU depuis 2008 ou la référence (6) qui résume les critiques des médias. On peut aussi sourire avec la référence (7) : « Le Crédit d’impôt sur le nombre de chiens. Conte immoral »



(1) Le CIR, la niche fiscale la plus onéreuse et la plus inutile, 2015, https://sncs.fr/Le-CIR-la-niche-fiscale-la-plus‎ ;
(2) L’observatoire du [CIR], Cahier N°3, Novembre 2014 – ACIES ; www.acies-cg.com/…/lobservatoire_du_cir_cahier_3_nov_2014_0.pdf‎ ;
(3) Par exemple, 20 Minutes du 04/11/2014 ;
(4) Effort de recherche : la France toujours dans la médiocrité, 2015, https://sncs.fr/Effort-de-recherche-la-France;
(5) Combien de chercheurs en entreprise ? La grande patouille, 2014, https://sncs.fr/Combien-de-chercheurs-en ;
(6) Une idée qui progresse : supprimer le CIR pour les grands groupes, 2013, https://sncs.fr/Une-idee-qui-progresse-supprimer
(7) Le Crédit d’impôt sur le nombre de chiens. Conte immoral, 2011, https://sncs.fr/Le-Credit-d-impot-sur-le-nombre-de


Patrick Monfort



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