Intervention au Conseil d’administration du CNRS du 28 mars 2013. Par Lise Caron et Daniel Steinmetz, élus SNTRS-CGT et Patrick Monfort, élu SNCS-FSU
Déclaration Elus – CA CNRS Mars 2013 – version PDF
La ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche a décidé de présenter son projet de loi lors du Conseil des ministres du 20 Mars 2013. La Ministre n’entend ainsi tenir aucun compte de la multiplication des prises de position qui en demandent l’abandon. Jusqu’à aujourd’hui, aucune instance nationale ne s’est prononcée positivement sur ce projet. La ministre n’a même pas jugé utile de présenter le projet au Comité Technique du MESR avant sa présentation en Conseil des ministres !
Le projet de loi entérine voire renforce les dispositions de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités dite LRU et le Pacte de la Recherche hérités des gouvernements précédents. Or, ces dispositions visent à exacerber la concurrence entre établissements, équipes et personnels au nom de la recherche d’une soi-disant « excellence » et à les mettre au service de la compétitivité des entreprises par un discours qui draine l’ensemble des personnels et des établissements de l’ESR vers le « transfert ».
Au lieu de mettre les UMR au cœur du dispositif de recherche, le projet les affaiblit en continuant la mise en place des structures pilotées par les Investissements d’Avenir. Pire, il aggrave la situation en tentant de mettre en place un nombre restreint de mastodontes ou « communautés d’universités et d’établissements » dans lesquelles les relations avec les organismes de recherche pourraient conduire à les y inclure. De plus, le projet de loi sur l’Acte III de la décentralisation précise que dans le cadre des orientations du plan national, la région définit un schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation qui détermine les principes et les priorités de ses interventions. Une telle mission risque de conduire à un pilotage de la recherche par les régions.
Concernant l’évaluation, rien dans le projet ne permet d’affirmer que le Haut Conseil à l’Evaluation sera une rupture avec l’évbureaucratique de l’AERES. En indiquant que l’évaluation des unités de recherche est conditionnée à l’accord de leurs tutelles, le projet de loi ouvre le retour de l’évaluation vers une AERES bis, et des conflits entre le CNRS et les universités. Après les dérives technocratiques de l’évaluation sanction de l’AERES, le CNRS doit non seulement retrouver sa mission d’évaluation, mais aussi, il doit pouvoir s’appuyer sur le Comité national de la recherche scientifique pour l’évaluation de toutes ses unités de recherches. L’évaluation de la recherche est une mission nationale qui doit être confiée à des instances d’évaluation majoritairement élues, reconnues par la communauté scientifique.
Aucune programmation des moyens et des emplois n’est inscrite dans le projet. Sans les moyens à la hauteur nécessaire, il ne sera pas possible de prendre les mesures indispensables pour résorber la précarité, relancer l’emploi scientifique, assurer le fonctionnement des établissements et des laboratoires.
L’Etat doit favoriser les coopérations d’études stables et durables entre la recherche publique et les entreprises et non organiser le transfert de l’activité de R&D des entreprises vers les laboratoires des EPST. Ceux-ci ont vocation à assurer la cohérence nationale de l’effort de recherche publique que ne peuvent prendre en charge les universités. C’est pourquoi ils doivent avoir les moyens garantissant la liberté de lancer et de maîtriser des programmes de recherche à long terme dans le cadre d’une politique nationale de recherche.
Pour toutes ces raisons, le SNTRS-CGT et le SNCS-FSU demande l’abandon de l’actuel projet de loi et une véritable négociation permettant l’élaboration d’une réforme répondant véritablement aux ambitions et aux besoins de la recherche publique.