DERNIÈRE MINUTE

Contribution de la FSU aux Assises de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (04/10/2012)

mmSNCS-FSU4 octobre 2012

Contribution FSU Assises ESR – Version PDF

Dans un contexte mondial marqué par une crise économique, sociale et environnementale majeure, la recherche et l’enseignement supérieur devraient jouer un rôle considérable dans les réponses à apporter aux besoins. Pourtant, de réforme en réforme, depuis plus de 10 ans en France, les chercheurs et enseignants-chercheurs sont détournés de leurs missions : la part du financement de base de l’État diminue, la démocratisation de l’enseignement supérieur a marqué le pas, la recherche est toujours plus canalisée par les objectifs d’une « Stratégie nationale de Recherche et d’Innovation » décidée par le seul gouvernement et la course aux appels à projet conduit à une explosion de l’emploi précaire ; les personnels sont de moins en moins associés à l’ensemble des décisions prises dans les établissements. C’est pourquoi la FSU demande l’abrogation du « Pacte pour la Recherche » et de la loi LRU et leur remplacement par une tout autre loi.

Restructuration à marche forcée

La politique dite « d’excellence », autour des « initiatives d’avenir » du Grand Emprunt, vise à placer les établissements et les personnels sous la pression d’une concurrence permanente. Marquée par la dissociation entre les deux missions principales des enseignants-chercheurs – l’enseignement et la recherche -, par la mise à l’écart de collègues de toutes catégories, y compris au sein d’un même laboratoire, cette politique détruit le maillage territorial de la recherche et de l’enseignement supérieur. Les « Initiatives d’Excellence » (Idex) constituent un aboutissement de cette politique : elles entendent imposer la concentration des moyens sur un tout petit nombre de conglomérats.

Cette politique de pôles « d’excellence » multiplie les déserts scientifiques et universitaires dans le pays. Elle s’appuie sur un pilotage autoritaire de la recherche par le gouvernement et ses agences (Stratégie Nationale de Recherche et d’Innovation, Agence Nationale de la Recherche). Elle conduit, au nom de l’utilitarisme et de la valorisation à court terme des travaux, à l’éviction de nombreuses thématiques scientifiques – notamment en Sciences humaines et sociales – et à l’exclusion massive de collègues d’unités de recherche.

Une idéologie de compétition stérilisante se substitue à l’exigence de coopération. Les dénis de démocratie et l’opacité sont érigés en règles.

Un financement d’Etat insuffisant

Les financements d’État sont insuffisants. De nombreux emplois sont gelés dans les organismes de recherche et les universités, notamment du fait de la gestion de la masse salariale dévolue aux établissements (passage aux RCE) et d’un abondement insuffisant de celle-ci par l’État.

La relation des personnels aux réalités de la recherche et de l’enseignement s’en trouve altérée. Les effets nocifs de ce système qui leur est imposé au mépris de toutes les libertés scientifiques et pédagogiques sont manifestes :

 modification du rapport au temps (temps d’étude, temps de recherche, plus généralement temps de travail) par la « culture de projet » ;

 formatage du travail scientifique selon des priorités qui sont loin d’être toujours celles des chercheurs ;

 véritable gâchis pour les productions de la pensée, à quoi s’ajoute l’abandon de projets innovants dû à l’absence de continuité dans les projets mis en place ;

 développement d’une politique de formations liée à des considérations budgétaires et non pédagogiques ;

 aucun moyen supplémentaire apporté à la recherche par l’ANR, car celle-ci s’est nourrie de la réduction de crédits des laboratoires ;

 multiplication des injonctions contradictoires pour les services administratifs et techniques et leurs personnels;

 explosion du nombre des précaires.

Enfin, les financements régionaux se substituent sans transparence aux financements nationaux insuffisants, notamment en termes de construction et de rénovation de bâtiments, de soutien à la recherche ou à l’enseignement (bourses de mobilité). Les différences de politiques et de moyens des régions conduisent à aggraver des inégalités territoriales en matière d’enseignement supérieur et de recherche.

Une précarité galopante

La « culture de projet » (ANR, projets européens…) et la course aux financements propres (formation continue, développement de l’apprentissage) se traduisent par une augmentation massive du nombre d’emplois précaires de toutes catégories (post-docs, contractuels administratifs ou techniciens, etc.). Cela crée des situations humaines très difficiles pour les contractuels obligés de chercher sans cesse de nouveaux contrats, et en multipliant les contrats, parfois avec des employeurs différents pour une même mission ou un même type de travail, on exclut nombre de personnels de toute mesure de titularisation. Cela induit en outre une difficulté à assurer la continuité du service public, et une perte d’énergie à tous les niveaux : recrutements multiples à organiser, formation de collègues successifs aux mêmes tâches, etc

Le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche et les dangers de la régionalisation

À la veille d’une nouvelle loi de décentralisation, les régions rappellent que leur effort financier en matière d’enseignement supérieur, de la recherche et d’innovation (853 millions d’euros en 2010) est, à lui seul, supérieur à celui consenti par l’ANR. Les exécutifs régionaux revendiquent à présent l’exercice de responsabilités nouvelles. S’appuyant sur leur réussite pour l’immobilier des lycées, elles veulent d’ores et déjà expérimenter une prise de compétences sur l’université, notamment dans la perspective du Bac-3/Bac+3, sur les projets de recherche et sur le logement étudiant. Elles revendiquent en outre, comme pour l’apprentissage, le transfert intégral de la formation professionnelle et de l’orientation sous leur responsabilité. Or les préoccupations régionales, souvent à court terme et intimement liées au tissu socio-économique local, ne peuvent remplacer les analyses nationales de conjoncture et de prospective en vue du développement des connaissances ou de l’organisation de l’enseignement supérieur sur le territoire. La régionalisation compromet la garantie apportée par des diplômes nationaux délivrés après habilitation.

Des personnels écartés de la vie démocratique, la collégialité bafouée

Avec des Conseils d’administration limités à 30 membres, un mode de scrutin accordant une prime majoritaire à la liste des enseignants arrivée en tête dans les CA, les pouvoirs exorbitants accordés par la loi LRU aux présidents d’universités, c’est la vie démocratique des établissements d’enseignement supérieur qui est mise en cause. La pluralité des opinions ne peut plus s’exprimer dans les établissements. De plus, de nombreuses structures comme les PRES ou les FCS ne comportent aucune représentation élue des personnels et des étudiants, alors qu’elles sont amenées à prendre des décisions modifiant en profondeur l’organisation de l’enseignement supérieur et de la recherche au niveau local (Idex, par exemple).

Pour refonder les politiques d’enseignement supérieur et de recherche, s’appuyer sur quelques principes

Une refondation des politiques d’enseignement supérieur et de recherche est cruciale pour le futur de nos sociétés. La recherche dans tous les domaines est indispensable pour élargir le champ des connaissances et préparer l’avenir. La recherche fondamentale doit être soutenue, développée, et les interactions entre recherche fondamentale et recherche appliquée doivent être encouragées. Le lien entre recherche et formation est fondamental, car la recherche fait de l’enseignement un processus réactif et critique, et en retour l’enseignement est l’une des sources du dynamisme de la recherche. L’exercice des libertés scientifiques, dans le respect des contraintes éthiques et d’une évaluation des collectifs de travail (laboratoires, équipes), doit garantir un élargissement de toutes les connaissances et doit permettre leur transmission à tous les niveaux de formation supérieure.

La recherche doit participer à la sortie de crise en concevant et en mettant en œuvre des alternatives aux actuels modes de vie et de développement, aux modèles de production et de consommation qui mettent en cause l’avenir de l’Homme. À cette fin, à côté des recherches fondamentales qui suivent leur propre dynamique, des plans de recherche publics doivent être débattus avant leur mise en place pour concourir à la formulation d’une réponse adaptée aux besoins de tous aujourd’hui et demain. Ces plans pourraient porter notamment sur la santé, les énergies, la politique de la ville, le vivre ensemble, l’agriculture, le fonctionnement des écosystèmes et des agro-systèmes, la pollution, une réorientation de l’activité humaine vers les domaines les plus respectueux de l’environnement… Pour répondre aux objectifs d’une formation des enseignants au niveau Master, il faut une politique ambitieuse de recherche en éducation (épistémologie, didactiques des disciplines, histoire, sociologie…). Les grandes orientations et les limites éthiques doivent être définies en toute transparence, avec la participation de la communauté scientifique et à l’issue de débats publics et démocratiques associant l’ensemble des parties prenantes. Cette ambition suppose une large diffusion de la culture scientifique.

Le développement de l’enseignement supérieur est une nécessité, pour que tout bachelier – ou toute personne en reprise d’études – soit en mesure d’y accéder et d’y réussir, d’y préparer sa vie personnelle et professionnelle, tant pour participer au développement économique du pays que pour son épanouissement personnel. Un des enjeux est de permettre à tous d’aller jusqu’au plus haut niveau d’étude possible, de combattre toutes les sélections et discriminations, d’augmenter le nombre de diplômés pour atteindre dans un premier temps l’objectif de 50% d’une classe d’âge diplômée au niveau licence. La France affronte un grave problème de démocratisation, la part des étudiants issus des couches populaires diminuant avec la durée des études. De plus, si certaines disciplines littéraires sont déjà sinistrées, c’est massivement que les étudiants se détournent des disciplines scientifiques et technologiques, si bien que pour mettre en œuvre une autre politique industrielle la France risque de manquer de chercheurs, de techniciens et d’ingénieurs… et d’enseignants pour le 1er et le 2nd degré. Les filles sont particulièrement peu nombreuses sans les filières scientifiques, et de moins en moins nombreuses du L au D. La formation continue et la VAE sont insuffisamment développées. En ce sens, si l’on ne peut qu’approuver l’annonce du gouvernement de donner priorité à l’École comme au premier cycle du supérieur, c’est l’ensemble de l’Université (du L au D) qui doit faire l’objet de mesures de rattrapage à la hauteur nécessaire pour assurer une réelle démocratisation et répondre aux besoins sociaux.

Tant dans le domaine de la recherche que de l’enseignement supérieur, des coopérations internationales, européennes et nationales pourraient être multipliées, notamment pour permettre aux jeunes issus des milieux défavorisés ou des pays du Sud de poursuivre des études universitaires ou de se confronter régulièrement à des chercheurs de tous pays.

La FSU propose

Nous faisons ci-dessous quelques propositions, qui sont loin d’être exhaustives :

 soutenir la recherche dans tous les domaines, aider les recherches sur des thématiques émergentes et sur l’éducation ;

 abroger les dispositifs d’Excellence (Idex et autres) et développer les coopérations librement consenties ;

 réorganiser l’enseignement supérieur et la recherche pour favoriser la vie démocratique, avec des conseils élus sur scrutin de liste à la proportionnelle, du laboratoire au conseil d’établissement

 consolider le maillage territorial des formations et de la recherche ;

 assurer – par le processus d’habilitation – la qualité des formations conduisant à un diplôme national (Licence, Master, Doctorat), seul à même de garantir la qualification du lauréat ;

 développer le lien avec la recherche dès le niveau Licence ;

 mettre en place un plan d’alignement des moyens des Licences sur ceux des classes préparatoires aux Grandes Écoles ;

 diversifier les parcours de formation en premier cycle tout en rapprochant les contenus de formation;

 réhabiliter et refinancer les cursus universitaires technologiques et professionnels, favoriser l’accès des filles aux filières scientifiques ;

 utiliser des méthodes pédagogiques diversifiées permettant le développement de l’autonomie et l’exercice de l’esprit critique ; développer le travail en petits groupes

 former tous les enseignants de la maternelle à l’enseignement supérieur ;

 mettre en place un véritable recensement des précaires pour élaborer une loi permettant de résorber toute la précarité et d’éviter son renouvellement ; dans l’attente, éviter tout plan de licenciement de précaires ;

 soutenir un plan pluriannuel de recrutement dans l’ESR (Universités, écoles, organismes de recherche), visant les personnels titulaires de toutes catégories, avec un minimum de 6 000 emplois par an ;

 améliorer les carrières de tous les personnels et augmenter les traitements ;

 garantir un financement d’État pérenne et suffisant aux formations, aux services communs et aux laboratoires, notamment par une redistribution à la MIRES, d’une partie du Crédit Impôt Recherche et des crédits de l’ANR, qui devra être supprimée. ;

 permettre à chaque enseignant-chercheur et chaque chercheur d’exercer son activité de recherche ; mettre en place des conditions d’accès à la recherche pour les enseignants qui le souhaitent ;

 supprimer l’AERES et restituer l’évaluation des unités mixtes de recherche aux instances scientifiques des organismes (CoNRS p. ex.) ; créer un système d’évaluation collégiale des autres collectifs de travail, par des pairs majoritairement élus, prenant en compte les spécificités des disciplines et des situations collectives et individuelles ;

 améliorer les conditions de vie et de travail des étudiants (bourses ou allocation d’études, logement).

Former dans le supérieur (université, BTS, CPGE …) et soutenir la recherche sont un investissement et non une dépense. La FSU demande que soient proposées des formations dans tous les secteurs à l’université et que la recherche soit développée dans tous les domaines.



Nous contacter

SNCS-FSU
Campus CNRS d’Ivry-sur-Seine
27 rue Paul Bert
94 200 Ivry-sur-Seine

Tel : +33 1 49 60 40 34


NOUS ECRIRE



A decouvrir


  


A voir aussi

ADHESION

ARCHIVES

AGENDA

LIENS UTILES

Aller au contenu principal