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Déclaration liminaire de la FSU au Comité technique du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (05/07/2012)

mmSNCS-FSU9 juillet 2012

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Comité
technique du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
du 5 juillet 2012

Déclaration
liminaire de la FSU

Déclaration
lue par les représentants de la FSU (SNCS, SNESUP, SNASUB, SNICS) au
Comité technique du MESR ouvert par madame la Ministre de
l’enseignement supérieur et de la recherche le 5 juillet 2012.

Ce comité technique ministériel s’ouvre dans une situation très
paradoxale. Le changement de majorité parlementaire qui a suivi
l’élection de M. François Hollande à la présidence de la République
pouvait nous laisser espérer qu’une politique gouvernementale
responsable et respectueuse des personnels de l’enseignement supérieur
et de la recherche allait rapidement remplacer la politique
destructrice poursuivie pendant des années par le gouvernement de M.
Fillon. Des mesures immédiates essentielles peuvent être prises, avec
une urgence proportionnée à la précipitation avec laquelle Mme
Pécresse, puis M. Wauquiez ont voulu rendre irréversibles leurs
dernières inventions.

Certes la circulaire Guéant a été abolie. Nous l’avons abondamment
combattue dans cette enceinte, ne boudons pas la satisfaction que nous
procure l’abrogation de ce texte qui, sous couvert de rigueur
réglementaire, était fait pour déclencher de la part des services
préfectoraux une sévérité délirante contre les étudiants étrangers.

Mais pour le reste, nous n’avons pour l’instant de votre part,
madame la ministre, que la promesse des assises de l’enseignement
supérieur et de la recherche, à l’automne prochain. Beaucoup d’entre
nous, les ayant appelées de leurs vœux, sont naturellement prêts à y
participer. Cependant la perspective de ces assises ne doit pas servir
de prétexte à ne rien faire d’ici là. Si les dispositifs destructeurs
qu’ont entrepris de mettre en place vos prédécesseurs ne sont pas
arrêtés les assises, aussi solennelles qu’elles soient, feront à la
communauté universitaire l’effet d’un paravent derrière lequel se
poursuivent les réformes de l’ancien gouvernement.

Vous avez annoncé le remplacement de la Loi relative aux libertés
et responsabilités des universités (loi LRU) par une nouvelle loi
recherche et université. Le plus tôt sera le mieux ! Les dispositions
statutaires applicables aux enseignants-chercheurs, qui ont été
profondément modifiées en 2008 et 2009, ne doivent pas rester marquées
par la logique de mise en concurrence, de classement et de soumission
hiérarchique, à laquelle les enseignants-chercheurs se sont fortement
opposés. Combinées au pilotage gouvernemental, elles génèrent une
inflation des tâches bureaucratiques, de temps passé en réunions, des
réponses aux appels à projets, des rapports d’évaluation, que subissent
les enseignants-chercheurs au détriment de leurs missions fondamentales
d’enseignement et de recherche. Une politique de gestion nationale des
carrières, revenant sur les pouvoirs exorbitants des présidents
d’université et l’individualisation renforcée des carrières, est
nécessaire. Une négociation doit s’engager pour, entre autres,
redéfinir les missions et le temps de service, développer et garantir
le droit à la recherche, refondre les procédures de recrutement,
abroger la modulation des services et l’évaluation prévue par le décret
du 23 avril 2009.

Comme l’a rappelé notre secrétaire générale Bernadette Groison
dans sa lettre au président de la République le 16 mai dernier, nous
demandons aussi l’abandon immédiat de la politique dite des «
investissements d’avenir » et de cette tarte à la crème de l’«
excellence » qui n’a rien à voir avec un critère d’évaluation sérieux.
Servir l’« excellence », ce n’est pas servir l’avenir, c’est seulement
arroser là où c’est déjà mouillé ! La recherche française étouffe, de
façon générale, sous un bombardement d’appels d’offres. Faute d’autres
moyens nous nous usons à y répondre, hélas nos projets de recherche
sont trop rarement retenus par les obscurs comités de sélection de ces
appels.

Sous couvert d’excellence, les structures supplémentaires mises en
place par l’ancien gouvernement sont en train d’effacer du paysage
littéralement huit siècles de liberté académique et de collégialité
dans la gouvernance des universités. Des chefferies se mettent en place
de haut en bas, sans aucune consultation des personnels. Des
engagements – y compris financiers – sont signés par des présidents
d’établissements publics sans consultation de leurs conseils
d’administration, en contravention avec le code de la recherche. Les
IDEX sont devenus des monstres qu’il faut sans délai supplémentaire
arrêter. Leurs promoteurs prétendent vouloir faire grand … Mais ils
font tout pour s’accaparer, dans de petites féodalités locales, les
moyens des EPST nationaux, à commencer par ceux du CNRS ! A rebours de
cette politique de mise en concurrence, de régionalisation, de
renforcement des pouvoirs locaux, la FSU rappelle son attachement à un
grand service public de l’enseignement supérieur et aux organismes de
recherche nationaux qui charpentent l’activité scientifique du pays. Il
faut cesser de penser les universités les unes contre les autres et
revenir à l’unité du service public de l’Université.

L’argument pour nous vendre les IDEX était une abondante
distribution de moyens nouveaux. Elles n’ont en fait distribué que des
problèmes d’organisation insolubles et la promesse d’un dirigisme
exacerbé. Les IDEX doivent être abandonnées. La réorganisation du
paysage universitaire – à moyens humains constants, au mieux, alors que
les charges ont augmenté – a déjà généré des difficultés
opérationnelles qui perdurent et que n’a fait qu’exacerber le recours
souvent complaisant à des cabinets de consultants privés forts coûteux.
Quelles que soient les nouvelles orientations à prendre, il n’est pas
possible de maltraiter encore les personnels sans prendre le risque de
porter la souffrance au travail à un niveau tristement inédit dans
notre secteur.

A l’ordre du jour du présent comité technique figure certaine
disposition de mise en œuvre de la loi du 12 mars 2012 relative à
l’emploi titulaire … Il est là encore paradoxal que nous devions
continuer dans le sens de l’application d’une loi qui n’a été conçue
par l’ancien gouvernement que comme un cache-misère de la précarité
organisée. Dans l’enseignement supérieur et la recherche, on s’achemine
pour l’instant, peut-être, vers la stabilisation, de quelques
centaines d’agents non titulaires, alors que nos organisations
syndicales estiment à plusieurs dizaines de milliers le nombre de
travailleurs actuellement précaires. La résorption de la précarité ne
pourra se faire que si d’une part on arrête son envolée et si d’autre
part on crée dans la fonction publique les emplois qui permettront
l’intégration des agents non-titulaires (ANT). Faute de ces créations
d’emplois, l’intégration des ANT se fera non seulement à dose
homéopathique mais aussi au détriment de la carrière des titulaires.

Pour en finir avec une précarité indigne dans nos métiers il faut
traiter le problème à la racine, c’est-à-dire en finir avec la
sous-dotation permanente des établissements en postes budgétés
(BIATOSS, enseignants, enseignants-chercheurs, ITA et chercheurs) et en
finir avec la « culture de projet » inepte qu’on nous a imposée depuis
2006. C’est cette nouvelle « culture » qui a fait multiplier non
seulement les emplois « post-doctoraux », devenus CDD « chercheurs »,
mais aussi les contrats à durée déterminée d’ingénieurs et de
techniciens. Il faut casser ce système de précarité institutionnalisée
qui découd la structure des laboratoires et entraîne déjà la
désaffection générale de la jeunesse pour les métiers de l’enseignement
supérieur et de la recherche.

L’Agence nationale de la recherche, l’ANR, aujourd’hui, par la
voix de sa directrice générale, se clame la grande orientatrice de la
recherche française ! Or il existe depuis 1945, un Comité national de
la recherche scientifique qui a toujours mission de procéder à
l’analyse de la conjoncture scientifique et de ses perspectives. L’ANR,
elle, opère, arbitre, programme même dans la plus grande opacité et
dans un état d’irresponsabilité totale vis-à-vis des personnels
concernés. Vous avez, madame la ministre, déclaré au début du mois de
juin que « Le précédent gouvernement [avait] donné [à l’ANR] des
missions bien trop larges sans lui donner les moyens. » Nous espérons
surtout que vous saurez donner à l’ANR des missions bien plus modestes
et réduire ses moyens ! Une réduction de voilure, ou la suppression
pure et simple de cette agence qui n’a en fait produit aucune valeur
ajoutée, est indispensable pour que la communauté scientifique retrouve
la liberté qu’elle n’aurait jamais dû perdre. Le transfert du budget de
l’ANR aux établissements en tant que masse salariale serait en outre la
solution pour commencer à créer les emplois nécessaires à la résorption
de la précarité dans la recherche et à l’université.

Vous avez, madame la ministre, déclaré au conseil scientifique du
CNRS que « les missions de [l’Agence d’évaluation de la recherche et de
l’enseignement supérieur], l’AERES, seront recadrées », c’est bien le
moins ! Nous espérons surtout que vous saurez restaurer le CNRS et les
autres établissements nationaux dans leur rôle complet d’opérateurs de
recherche, maîtres de l’évaluation de leurs laboratoires. La loi qui a
créé l’AERES permet de laisser le CNRS et les autres EPST faire évaluer
leurs unités de recherche par leurs instances scientifiques propres. Le
retour à une évaluation transparente, collégiale et contradictoire est
donc possible dès aujourd’hui. Cela ne dispensera pas d’une remise en
cause de l’existence de cette agence, tant le principe de l’évaluation
par les pairs est mis à mal par un mode de composition reposant
uniquement sur des nominations. Une évaluation dans laquelle la
communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche ne se
reconnaît pas ne sert à rien.

La FSU rappelle son opposition à une politique de primes qui se
fait au détriment des salaires et de l’emploi. Par exemple, la PES
honnie par la communauté en est quand même arrivée à peser plus de 13
M€ dans le budget annuel du CNRS , de quoi financer, en la supprimant,
déjà plus de 200 emplois !

Bien sûr il faudra des moyens supplémentaires. Nous savons quel
est le legs de l’ancien gouvernement et à quel point, par des cadeaux
fiscaux éhontés, il a plombé les comptes de la nation. Mais il y a bien
d’autres gisements à exploiter pour l’enseignement supérieur et la
recherche, notamment en stoppant certaines gabegies, comme des
déménagements à grands frais d’établissements qui peuvent couter
jusqu’à plusieurs centaines de millions d’euros. Le crédit
impôt-recherche(CIR) constitue un gisement de ressources possibles
encore plus important. Il coûte 5 milliards d’euros par an au
contribuable, avec des conditions d’éligibilité qui en font un
véritable cadeau aux professionnels de l’optimisation fiscale, au
premier rang desquels les banquiers. L’absence d’effet notable du
dispositif sur la compétitivité des entreprises françaises fait
sérieusement penser que ces 5 milliards, dans le champ de
l’enseignement supérieur et de la recherche, pourraient être bien mieux
employés.

Pourvu qu’on veuille bien remettre en cause les privilèges établis
par l’ancien gouvernement, il y a donc des milliards disponibles pour
l’enseignement supérieur et la recherche, simple question de volonté
politique. Les assises ne doivent pas servir de prétexte à différer la
restauration d’un budget décent pour l’enseignement supérieur et la
recherche publique. Comme le soulignait François Hollande dans son
discours aux Etats généraux de la recherche en 2004, « il faut
atteindre les 3% de la richesse nationale pour la dépense de recherche
». Il répondait par avance aux objections « On nous dira d’ailleurs que
c’est impossible ! C’est difficile sans doute (…) Mais les Britanniques
le font, les Américains le font, même les Japonais le font. Pourquoi ce
qui serait difficile, y compris pour des libéraux, ne serait pas
possible pour des Français ! Si nous perdons encore du temps, le retard
qui sera pris sera sans doute irrattrapable ». N’en prenons donc pas
davantage.

La FSU rappelle ses principales revendications :
–    abrogation de la LRU et du pacte pour la
recherche,

–    fermeture de l’ANR et de l’AERES,
–    abandon des processus dits d’excellence,
–    suppression de la politique des primes et
revalorisation des salaires,

–    mise en place d’un plan pluriannuel de
création d’emplois de fonctionnaires,

–    retour à une vraie politique de l’enseignement
supérieur et de la recherche avec gratuité et maillage national
correspondant aux besoins de la nation.

A Paris, le 5 juillet 2012.




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