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Universités : la Cour des comptes critique « l’empilement supplémentaire des labels et des structures »

VRS23 juin 2010

par Henri Audier


Nous avions analysé le texte de l’Élysée lançant le Grand emprunt comme : (i) un renforcement du pilotage de la recherche, à moyens constants, sur quelques priorités finalisées ; (ii) une volonté de faire exploser les structures actuelles, PRES et universités, pour en dégager la partie dite « d’excellence » ; (iii) à cette occasion, changer les modes de « gouvernance » pour marginaliser les universitaires élus.

Une petite évolution du ministère liée à un référé de la Cour des comptes
Le discours de Valérie Pécresse devant la CPU marquait une première hésitation sur la déstructuration du maillage universitaire par l’affirmation : « Ainsi ne peut-on imaginer un campus d’excellence sans une université en son cœur », concession qui n’a pas plu à l’Élysée.

Depuis, une petite évolution du ministère s’opère, notamment par le changement partiel de vocabulaire et de contenu sur les « campus d’excellence » et les laboratoires du même nom (ce qui sera traité dans un autre article). La cause ? Un rapport de la Cour des comptes. Fin février 2010, la Cour des comptes a adressé un référé au MESR sur la « politique de regroupements et de coopération dans l’enseignement supérieur ». Ce rapport, dont la presse a donné de larges extraits, a fait l’objet le 8 juin d’une séance de débat ouverte aux médias, devant les députés de la commission des finances de l’Assemblée. « Le moment est peut-être venu de s’assurer que, dans ce paysage très évolutif, avec une succession d’annonces, la ligne stratégique du gouvernement est bien claire », y a lancé le président de la 3ème chambre de la Cour des comptes.

La Cour demande « une clarification de la stratégie dans ses objectifs comme dans sa déclinaison opérationnelle ».
Pour la Cour, « après la mise en place de nouvelles structures en 2006, après l’opération campus, les mesures envisagées pour l’emprunt national recèlent un risque d’empilement supplémentaire des labels et des structures et de complexification des relations entre les acteurs ».

La Cour « estime nécessaire qu’en préalable au lancement des appels d’offres du grand emprunt, l’État mette désormais en cohérence les diverses initiatives législatives et financières majeures qui se sont succédé depuis quatre ans pour savoir où l’on va ; il lui revient de fixer une stratégie claire sur la politique de restructuration de la carte universitaire et les supports institutionnels qu’il entend privilégier au terme d’une période transitoire qui ne doit plus durer ». Malgré ce réquisitoire, interrogée par plusieurs députés sur la « cohérence et la lisibilité » de sa politique, la ministre toujours contente d’elle-même, a répondu que « tout ça est extrêmement cohérent ».

« Une recomposition plus large visant l’ensemble des établissements et des territoires »
La Cour prend position sur le fond, à savoir qu’il ne saurait y avoir d’excellence, sans se préoccuper « des plus fragiles » : « Une telle clarification est indispensable pour concilier l’émergence de sites d’excellence d’envergure internationale avec une recomposition plus large visant l’ensemble des établissements et des territoires, notamment les plus fragiles d’entre eux ».

« L’éparpillement et la juxtaposition de structures »
La Cour : « Alors que les dispositifs de regroupements et de coopération se sont multipliés, les modalités de leur rationalisation et leur articulation n’ont pas été définies » (…) conduisant à « la concurrence entre les structures en termes d’activités ainsi que de captation des financements » ainsi qu’à « la recherche de l’effet d’aubaine dans les dotations ».

Reprenant ensuite des critiques déjà formulées, notamment par une mission parlementaire (voir VRS 379 ), la Cour précise que « les relations entre les PRES et les RTRA sont faibles et généralement non formalisées : leur articulation mérite d’être mieux définie au cas par cas », (…) les RTRA devant être « des structures légères, concentrées sur leur objet et adossées aux stratégies d’établissement et (…) non « des structures de gestion de la recherche, voire d’offre de formation ».

« Les pôles de compétitivité et les PRES apparaissent pour l’instant peu articulés (…) Au moins pour les pôles mondiaux ou à vocation mondiale, les interactions avec la formation et la recherche mériteraient d’être pensées dans le cadre d’une politique de site, impliquant des relations institutionnelles croisées entre PRES et pôles de compétitivité. »

Pour la Cour, les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) doivent être au centre du dispositif
Dans son rapport, la Cour place les PRES au centre du dispositif universitaire pour « donner plus de lisibilité aux acteurs locaux » et propose trois orientations pour les PRES. Dans ce qui suit, l’auteur fera des commentaires personnels sur ce qu’il considère être un enjeu méritant un large débat.

1- La Cour propose de mettre fin aux « situations durables où les PRES constitueraient de nouveaux centres de coût sans que des mutualisations effectives se mettent en place et sans valeur ajoutée ». Sans correction rapide de la situation, ce type de PRES devrait être supprimé.

2- Comme seconde option, la Cour propose de « développer la possibilité de constituer des ensembles confédéraux pérennes sans objectif fusionnel, à la condition qu’ils soient en mesure d’exercer une réelle coordination stratégique de leurs membres aussi bien en matière de recherche que de formation, ainsi qu’une mutualisation de fonctions transversales significatives et une labellisation commune permettant de promouvoir une identité forte ».

3- La préférence de la Cour « favoriser l’évolution des situations les plus intégratrices, appelées à déboucher sur la création d’un nouvel établissement dans lequel se fondraient les membres ». Cette solution créera parfois des universités géantes, dont il est loin d’être prouvé qu’elles conduiront à une amélioration des prestations ou de la démocratie. Prétextant le Plan Campus, le ministère impose ces fusions à marche forcée (Strasbourg, Marseille, maintenant Lorraine). On ne peut faire localement des changements de cette ampleur sans étapes intermédiaires, sans débat approfondi et sans assentiment réel de ceux qui travaillent et étudient dans les universités concernées.

De vraies questions sur les régions
Tout au long de son rapport, la Cour pose de vraies questions. On peut être en désaccord avec ses solutions à condition d’en proposer d’autres. C’est le cas des régions à qui on ne peut demander de financer, sans avoir aucun rôle. Pour la Cour, « l’État doit accélérer la mise en place d’une stratégie territoriale partagée » et demande de généraliser des « schémas stratégiques territoriaux de l’enseignement supérieur » s’inscrivant « dans la durée et impliquer pour chaque région tous les acteurs nationaux et locaux intéressés ». Face à la pagaille actuelle qui permet à l’État de mieux piloter, la Cour propose d’associer les « grands organismes de recherche et les collectivités territoriales » à cette démarche et recommande aux régions d’avoir des contrats avec les PRES, notamment pour contribuer à clarifier les articulations entre les structures (voir plus haut).

Mais avec quelle démocratie dans les PRES ?
La Cour des comptes justifie les PRES notamment par « l’obligation d’œuvrer à l’utilisation efficiente [des moyens] et donc de s’attacher à la rationalisation des dispositifs et de l’accompagner d’une intensification de la mutualisation des compétences et des ressources permettant de mieux maîtriser les coûts ». Certes c’est son rôle, mais elle passe à côté des interrogations et même de la répulsion que certains ont pour les PRES.

La principale raison en est que les PRES apparaissent comme des superstructures, des boîtes noires, dans lesquelles se prennent les vraies décisions, décisions qui apparaissent donc échapper ainsi aux instances universitaires, donc à tout contrôle. Discuter et mettre en place un statut démocratique des PRES (le statut EPCS, que soutient la Cour, est répulsif car comportant très peu d’élus) est une condition pour une acceptation par la base. Faut-il en faire un préalable ou faut-il en même temps se battre pour démocratiser les PRES et pour en faire un élément majeur d’une structuration en réseau des universités ? Nous y reviendrons.



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