Un ouvrage collectif à chaudement recommander : « Université en crise »
Par Henri Audier
La longue lutte du premier semestre 2009 a été, au-delà de sa générosité, de son inventivité et de sa justesse, trop souvent schématique dans ses mots d’ordre, notamment par la longue liste des « abrogations » et des « retraits » demandés, trop souvent sans contenus alternatifs.
La trentaine d’articles de « L’Université en crise » (La Découverte, MAUSS) se situent à l’opposé des simplismes et des manipulations. Pour une fois on parle scientifiquement de la science. On peut parfaitement être en désaccord avec telle ou telle position, mais ce n’est pas irritant : c’est dans sa globalité, dans la complémentarité des articles et des contradictions existant entre eux, comme de la pluralité des thèmes abordés, que réside la richesse de ce livre. Après l’avoir lu, on se sent, sinon un peu plus « intelligent », du moins un peu plus apte à discuter du sujet.
Certes, il pourrait être déploré que les organisations qui ont mené l’action, du moins des représentants de celles-ci, n’aient pas été sollicitées. Pas plus de représentant d’instances scientifiques qui auraient pourtant fourni d’autres problématiques et élargi le spectre disciplinaire. Mais peu importe, car les éléments de ce livre permettra à chacun d’améliorer ses analyses et ses propositions, dans la limite des sujets traités.
Plus grave, du fait même de leur positionnement SHS, les auteurs de ces articles ou réflexions scientifiques sur l’Université n’abordent la recherche qu’à la marge et qu’au travers de ce qu’ils connaissent bien (ce n’est pas un reproche), à savoir le SHS, même si plusieurs articles sur le sujet sont remarquables et ont une portée générale (tout ce qui concerne évaluation, bibliométrie, etc.). Mais les problématiques de l’organisation nationale ou européenne de la recherche, les liens entre la production des connaissances et leur transmission dans la diversité des disciplines, le débat sur la production des connaissances et leurs retombées, celui sur les relations recherche entre publique et recherche privée, conditionnent largement la vue que l’on peut avoir sur les universités dans l’immédiat et surtout pour l’avenir.
Cela ne serait sans conséquences si le groupe initiateur de ce livre s’en était tenu là. On ne peut pas approfondir tous les sujets dans un même ouvrage. Mais une partie de ce groupe a pris l’initiative d’un appel, « refonder l’Université », dont le caractère partiel dans l’approche en fait un texte qui devient partial et dangereux, ce qui divisera nécessairement notre milieu (voir l’article : « un appel à froidement décommander« ).