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SHS : reprise des hostilités

mmSNCS-FSU3 mars 2009

SHS : reprise des hostilités

Une dépêche de l’AEF en date du 27 février informe que la Ministre de
l’Enseignement Supérieur et de la Recherche a été saisie d’ «
irrégularités » dans le processus de désignation du directeur de
l’Institut des Sciences Humaines et Sociales. Dans un courrier du 2
février, Valérie Pécresse a demandé des « explications » à la Présidente
du CNRS, qui a répondu « ne pas avoir connaissance de la manière dont
les choses se sont déroulées » au sein du comité de sélection qui a
expertisé les candidatures.

Les irrégularités présumées sont longuement détaillées dans la dépêche
(texte ci-dessous), sur la foi des déclarations, en partie recoupées,
de deux candidats écartés par le comité de sélection. Rappelons que ce
comité avait été tardivement constitué à la suite de l’éviction
brutale de Marie-Françoise Courel de son poste de directrice du
Département SHS du CNRS à la fin de l’été 2008. Ancien adjoint de
Marie-Françoise Courel, Bruno Laurioux avait été chargé de l’intérim,
avant de se porter candidat et d’être retenu par les membres du comité
de sélection. À la faveur d’une inversion de classement, c’est lui que
la direction générale du CNRS avait nommé, à compter du 1er février
2008, directeur du Département SHS
(http://www2.cnrs.fr/presse/communique/1511.htm).

Ici tous les mots ont un sens : quel qu’ait été le déroulement des
travaux du comité de sélection, on notera que Bruno Laurioux n’a
jamais été désigné au poste pour lequel il s’était porté candidat –
celui de Directeur de l’Institut SHS. La dépêche AEF peut avoir valeur
de signal de transformations prochaines pour les SHS au CNRS. Le
caractère (national ou non), voire l’existence de l’Institut SHS
restent en suspens, à un moment où les Présidents d’Université, qui
perdront vraisemblablement la marge de manœuvre que leur aurait
apportée le décret sur la modulation des services des
enseignants-chercheurs, s’intéressent de nouveau au potentiel
d’emplois que représentent les chercheurs. Après la biologie et
l’informatique, l’entreprise sans cesse recommencée de démantèlement
du CNRS pourrait passer par les sciences humaines et sociales

On s’interrogera enfin sur le moment où cette nouvelle annonce est
publiée. Depuis la fuite, le 26 février, des prévisions d’emploi au
CNRS pour la période 2009-2013, la crainte du Ministère est de voir
s’opérer prochainement la jonction du mouvement des
enseignants-chercheurs avec celui des chercheurs qui, de plus en plus
nombreux, déclarent leurs laboratoires « en lutte » à l’approche de
l’assemblée des délégués de laboratoire du 12 mars.

Pour le secteur SHS du SNCS
Philippe Büttgen

Paris, Vendredi 27 février 2009, 15:43:27

CNRS: des irrégularités dans la désignation du directeur des SHS, selon Michel Wieviorka et l’historien Dominique Barjot

« Plusieurs éminents chercheurs m’ont saisie d’irrégularités qui auraient entaché la procédure de recrutement du prochain directeur de l’Institut des Sciences humaines et sociales du CNRS. » C’est ce qu’écrit Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, dans un courrier du 2 février 2009 que l’AEF s’est procuré adressé à Catherine Bréchignac, présidente du CNRS . « Il est à mes yeux indispensable que la recherche en SHS soit confortée par des procédures de nominations exemplaires et transparentes », indique la ministre qui demande des informations afin d’être rassurée sur les modalités de recrutement.

Le sociologue Michel Wieviorka, directeur d’études à l’EHESS, et l’historien Dominique Barjot, professeur à l’université Paris-IV Sorbonne, contestent en effet les conditions dans lesquelles s’est effectuée la désignation du directeur du futur Institut des sciences humaines et sociales du CNRS. Tous deux figuraient parmi les candidats à ce poste, finalement attribué à Bruno Laurioux, jusque-là directeur par intérim du département SHS (L’AEF n°108821).


DES « ANOMALIES » POUR DOMINIQUE BARJOT

« J’ai été traité de manière indigne », déclare à l’AEF Michel Wieviorka. Le président de l’association internationale de sociologie détaille également ses griefs sur son blog. Dominique Barjot, ancien directeur adjoint des SHS au CNRS puis directeur scientifique des SHS au sein de la MSTP au ministère, fait également part « d’anomalies ». « Si j’avais été battu par quelqu’un de la stature scientifique de Michel Wieviorka, je n’aurais pas protesté, mais je conteste les choix qui ont été faits », développe Dominique Barjot, qui est aussi secrétaire général du syndicat AutonomeSup LSH, membre de la FNSAESR-CSEN.

La direction du CNRS dit avoir répondu au courrier de la ministre: « Un search committee a établi un classement des candidats à partir duquel le directeur général a proposé un nom à la présidente ». Le CNRS affirme « ne pas avoir connaissance de la façon dont les choses sont déroulées au sein du comité ».


COMITÉ DE SÉLECTION DÉSIGNÉ TARDIVEMENT

La procédure de recrutement du directeur des SHS du CNRS a débuté en août 2008, avec la publication d’un appel à candidatures dans « Le Monde ». Au même moment, la directrice en exercice, Marie-Françoise Courel quittait ses fonctions, atteinte par la limite d’âge, selon le CNRS. Cette décision contestée avait déclenché la démission de tous ses adjoints, sauf de Bruno Laurioux (L’AEF n°100699).

La date limite pour le dépôt des candidatures était fixée au 30 septembre 2008, pour une prise de fonctions le 5 janvier 2009. Le comité de sélection (1) chargé de les examiner s’est réuni pour la première fois le 24 novembre.

« Il a été constitué bien après que les candidats se soient déclarés, ce qui laisse déjà planer un doute », pointe Michel Wieviorka. Il remarque que « parmi les dix membres de ce comité figure l’époux d’une adjointe de Bruno Laurioux, lui-même candidat ». Il dénonce également un « fort tropisme politique à droite » du comité de sélection, dont « 4 ou 5 membres sont connus pour leurs orientations de droite ».


MICHEL WIEVIORKA ÉCARTÉ EN RAISON DE SON ÂGE

La direction du CNRS assure en outre que « l’âge n’était pas un critère de sélection ». Pourtant, Michel Wieviorka rapporte que, le jour de son audition, l’une des membres du comité de sélection lui a indiqué que sa candidature ne serait pas prise en compte en raison de son âge (62 ans).

Depuis, le sociologue assure n’avoir reçu aucune notification officielle du rejet de sa candidature. Il estime que « le comité a mis en avant ce critère » pour l’écarter.

De son côté, Dominique Barjot affirme avoir « reçu un courrier du directeur général du CNRS ». Elle indiquait que « mon dossier était excellent mais que je n’étais pas retenu. C’est un peu court comme argument! » Par ailleurs, il révèle que l’un des membres du comité a « voulu monnayer sa voix contre l’obtention d’informations ». Il souhaitait obtenir les données d’évaluation des SHS en France dont Dominique Barjot dispose, suite à ses 5 ans passés à
la MSTP.


UN CANDIDAT SOLLICITÉ PAR LE COMITÉ DE SÉLECTION

« Il m’a été impossible de savoir qui avait déposé sa candidature à la date limite fixée. Ce qui est sûr, c’est qu’un candidat, François Queyrel, directeur d’études à l’EPHE, est entré en course après la date », rapporte Dominique Barjot. Tout comme Michel Wieviorka, il est convaincu que François Queyrel s’est déclaré candidat à la demande « d’un ou plusieurs membres du comité de sélection ». Contacté par l’AEF, l’intéressé explique vouloir « rester discret » et « ne pas s’exprimer pour l’instant ».

C’est finalement François Queyrel qui a été classé premier par le comité de sélection, devant Bruno Laurioux. La direction du CNRS explique avoir alors écarté François Queyrel parce qu’il avait déposé sa candidature « hors délais ». « En désignant Bruno Laurioux, nous avons donc respecté les règles. »

La direction précise que, parmi toutes les candidatures reçues, 5 ont été retenues pour une audition dont François Queyrel, Bruno Laurioux, et Michel Wieviorka.


DÉMANTÈLEMENT DES SHS AU CNRS

Michel Wieviorka juge que cette « farce est vraisemblablement passible des tribunaux ». « Il me reste deux mois pour un éventuel recours. Bien au-delà de ma personne, la recherche en SHS a été traitée dans cette affaire avec un rare mépris », déplore Michel Wieviorka. « Peut-être s’agit-il de créer les conditions de leur dénigrement avant de procéder à leur démantèlement? », s’interroge le sociologue. Pour Dominique Barjot, « en retenant François Queyrel, connu pour ses positions anti-CNRS, et Bruno Laurioux, un poids plume institutionnel, le comité de sélection a préparé la liquidation des SHS au sein de l’organisme ».

La direction du CNRS répond que Bruno Laurioux était un « très bon candidat », de part son parcours scientifique et ses « capacités à manager unestructure ».


(1) Il était composé de:

Marc Fumaroli, président du comité, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles – lettres Jean-Pierre Machelon, doyen de la faculté de droit de l’université Paris-Descartes

Lucien Jaume, directeur de recherche au CNRS

Maurice Godelier , directeur d’études à l’EHESS

Henri-Paul Francfort , directeur de recherche au CNRS

Lucien Bely, professeur des Universités

Jean-Claude Casanova, président de la Fondation nationale des sciences politiques

Monique Canto-Sperber , directrice de l’Ecole Normale Supérieure

Salvatore Settis, directeur de la Scuola Normale Superiore – Italie

Nicole Le Douarin, professeur honoraire du Collège de France

L’AEF a essayé de contacter plusieurs d’entre eux. Aucun n’a souhaité répondre à nos questions.



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