Monthubert dans La Tribune

mmSNCS-FSU28 janvier 2009

La Tribune.fr – 28/01/2009

Enseignement supérieur et recherche : se défendre et proposer

Par Bertrand Monthubert, mathématicien, secrétaire
national du PS à l’enseignement supérieur et à la recherche.

 

Depuis
plusieurs semaines, le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche se
rebelle : IUT en grève, front très large hostile à la réforme de l’accès au
métier des enseignants, motions en nombre contre le projet de décret
transformant le statut des enseignants-chercheurs, protestations de présidents
d’universités contre la dotation budgétaire prévue par l’Etat, lettre ouverte
de la conférence des présidents d’universités à Nicolas Sarkozy, motion unanime
du Conseil national des universités, prises de positions des instances
scientifiques d’organismes, moratoire des expertises, et maintenant appel à la
grève reconductible pour le 2 février…

 

Comment
interpréter une telle levée de boucliers, alors que Nicolas Sarkozy et Valérie
Pécresse ne cessent de se féliciter des milliards d’euros qui inonderaient ce
secteur ? Bien que le président se soit engagé à augmenter le financement de
l’enseignement supérieur et de la recherche de 1,8 milliards par an (hors
"plan campus"), c’est le secteur qui supporte les plus fortes
annulations de crédits en 2008 (450 millions) ! Les budgets 2008 et 2009
stagnent en euros constants, exception faite des sommes pré-affectées pour
combler le retard en matière de retraites. Plus de mille emplois seront perdus
en 2009.

 

Quant
au très contesté "plan campus", même les parlementaires UMP doutent
que les sommes réellement débloquées soient celles qui ont été promises. Le
seul financement en très forte croissance est le crédit-impôt recherche des
entreprises, sans qu’on ait la moindre étude fiable montrant l’efficacité de ce
dispositif pour la recherche privée.

 

La
"réforme" Libertés et responsabilités des universités (LRU), passée
dans l’urgence à l’été 2007, loin de répondre aux problèmes existants, en crée
de nouveaux, ce qui avait conduit le parti socialiste à voter contre cette loi.
Le contexte budgétaire aggrave cette situation. A la réception des dotations
pour 2009, et des prévisions pour 2010 et 2011, et en raison des transferts de
charges de l’Etat vers les universités induites par la mise en place de la loi
LRU, la réalité telle que les universités la vivent est toute différente : de
nombreuses universités vont voir leur budget baisser en 2009.

 

Alors
faut-il s’étonner de la crise des IUT ? Alors qu’auparavant les IUT (qui font
partie des universités) bénéficiaient d’un budget qui leur était directement
attribué, prenant en compte leurs spécificités, dorénavant, c’est leur
université de rattachement qui en dispose et peut donc décider des crédits
alloués aux IUT… et éventuellement les raboter pour améliorer à la marge le
financement d’autres filières encore plus sous-financées.

 

Le
passage en force systématique du ministère a conduit à des protestations très
larges contre le projet de réforme de la formation des enseignants, contre la
reconnaissance des diplômes profanes des instituts catholiques comme diplômes
nationaux et contre le projet d’un nouveau statut des enseignants-chercheurs.
Ce dernier, sous couvert de "modulation", prévoit d’augmenter
fortement le service d’enseignement des universitaires qui seraient moins bien
évalués en tant que chercheurs.

 

Personne
n’est dupe : la décision finale, qui est l’apanage du président d’université,
serait prise à n’en pas douter en fonction des tâches d’enseignement à assurer
et non de la qualité de la recherche. Et ce, alors que la qualité des processus
d’évaluation se dégrade. Non content de considérer l’enseignement comme une
sanction, le gouvernement traite la recherche universitaire comme une variable
d’ajustement.

 

La
"réforme" des organismes de recherche se fait sans la moindre
concertation, alors que les instances scientifiques et les organisations
représentatives ont fait nombre de propositions. Ils sont progressivement
privés des moyens structuraux et financiers pour mettre en œuvre une politique
scientifique dans la durée. Les UMR (Unités mixtes de recherche) entre
organismes et universités sont mises en cause, et dans leur nombre, et dans
leurs possibilités d’action. Le vieux projet de la droite de casser le CNRS est
en marche. Cela converge vers une prise en main directe du pouvoir politique
sur les orientations de recherche, laquelle est explicitement revendiquée par
Nicolas Sarkozy, en contradiction avec les pratiques des grands pays de
recherche.

 

Pour le
parti socialiste, cette situation est insupportable à la fois du fait du
profond mépris du gouvernement à l’égard de tous ceux qui ont à cœur de faire
fonctionner les laboratoires, les universités et les organismes, et aussi en
raison de la gravité de ses conséquences pour l’avenir du pays. Nous voulons
proposer un avenir à nos universités, nos laboratoires publics et privés et
ceux qui en font partie. Cet avenir, il doit être construit collectivement,
notamment au travers des batailles qui se mènent aujourd’hui. C’est pourquoi le
parti socialiste a décidé d’initier une convention sur l’enseignement supérieur
et la recherche.

 

Nous
souhaitons organiser ce processus largement ouvert en lien avec les autres
partis de gauche, et en interaction avec toutes les associations et syndicats.
Tout d’abord, un audit de la situation réelle et concrète sera réalisé. Que
sont devenues réellement les sommes promises ? Quelles sont les conséquences
des réformes : pôles de compétitivité, plan campus, plan licence, emplois et
précarité ? Ensuite, il s’agira de définir un programme d’action, au niveau
européen, national et local. Le niveau européen, d’abord, car les élections
européennes doivent permettre de redéfinir la politique conduite en matière de
recherche. Il faut que le parlement européen se saisisse de ce dossier dont il
a été trop souvent écarté.

 

Ensuite
le niveau national, dans la perspective d’une alternance politique
indispensable. Il ne faut pas que l’absence d’une perspective d’alternative
soit un frein pour les luttes actuelles. Le niveau local enfin, car la gauche,
majoritaire dans les conseils régionaux et généraux, peut y mettre en œuvre une
politique ambitieuse, sans toutefois se substituer à un Etat défaillant.

 

Quels
seraient les objectifs de cette convention ? D’abord, redonner au savoir la
place qui doit être la sienne dans une société moderne, ce qui suppose la
liberté d’initiative scientifique des chercheurs et des institutions
d’enseignement supérieur et de recherche, dans le cadre des institutions
nationales et locales, mais aussi élever le niveau de formation, en
garantissant le cadre national des diplômes, et faciliter l’accès à ceux-ci
pour les étudiants en difficulté sociale.

 

Simultanément,
redéfinir l’action de l’Etat en faveur de la recherche privée, prendre en
compte la diversité des attentes de la société (santé, environnement, villes,
etc.) et mettre en place un débat permanent entre scientifiques et citoyens.
Ensuite, favoriser la coopération entre les établissements de recherche et
d’enseignement supérieur, entre leurs personnels, et réduire la bureaucratie
dont ils souffrent de plus en plus. Enfin, offrir les statuts qui permettent à
la fois qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes, et qu’ils attirent la jeune
génération, ce qui passe par la réduction drastique de la précarité.

 

Depuis
les états généraux de la recherche de 2004, les tentatives de lancer une
nouvelle étape de réflexion ont échoué. Et pour cause : le gouvernement s’est
moqué de ceux qui avaient conduit ce travail, en prenant le contre-pied de
leurs propositions. Dès lors, à quoi bon s’user à nouveau s’il n’y a pas de
débouché politique ? C’est ce que le parti socialiste veut offrir aujourd’hui :
un débouché à la réflexion collective, qui se traduira par une action au niveau
des parlements européen et français, et des collectivités territoriales qu’il
dirige avec ses partenaires. Et un programme ambitieux pour la recherche et les
universités, dans la perspective des prochaines élections qui devront conduire
au pouvoir une équipe tournée vers notre avenir collectif.

 



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