Le démantèlement du CNRS est suspendu. Les menaces persistent : SNCS-HEBDO 08 n°20 du 3 juillet 2008
Depuis l’entrevue des organisations syndicales et des associations de la recherche et de l’université avec la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le 26 juin 2008, la communauté scientifique apparaît, à juste titre, aux yeux de nos concitoyens comme une des seules qui a fait reculer le gouvernement. Bien sûr, celui-ci n’a pas abandonné sa volonté de piloter les organismes de recherche et les universités, mais le CNRS a gagné un sursis.
Jean-Luc Mazet, secrétaire général du SNCS-FSU
La volonté de démantèlement du CNRS s’inscrit dans une série d’attaques faisant suite à la création des agences nationales : la loi LRU, la mission d’Aubert (mandat unique à l’hébergeur des unités mixtes), la réorganisation de tous les organismes de recherche. La série n’est pas terminée.
D’où partions-nous ? Un plan stratégique imposé par le ministère prévoyait le démantèlement du CNRS en structures à trois vitesses :
des groupes de disciplines placées sous la coupe d’organismes extérieurs (informatique, sciences du vivant) ;
des instituts créés par le CNRS dotés d’une double mission interne d’opérateur de recherche et d’agence de moyens (sciences de l’ingénieur, sciences humaines et sociales) ;
des disciplines rassemblées dans des « instituts nationaux », créés directement par le ministère.
Qu’avons-nous obtenu ? Le 26 juin, une déclaration de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche levait en principe les contraintes imposées à la direction du CNRS. Ces déclarations restaient sans valeur, tant qu’elles n’étaient pas traduites dans une modification du plan stratégique.
L’appel au blocage du Conseil d’administration (CA) devait alors être maintenu. Ce n’est que dimanche soir, après trois jours de pressions multiples et continues sur la direction du CNRS et sur le ministère, que nous avons pu prendre connaissance du nouveau texte.
Quelles sont les avancées ? Toutes les disciplines sont maintenues au CNRS. Elles sont organisées, à égalité de traitement, dans des instituts. La direction de l’organisme garde toute sa responsabilité dans la création de ces instituts et la répartition de leurs moyens. Ces instituts prendront leur part dans la coordination nationale avec des établissements partenaires du même champ disciplinaire. Les directeurs d’instituts s’appuieront sur des conseils scientifiques composés pour partie d’élus. L’unité du CNRS est préservée dans l’immédiat. L’organisme a gagné un sursis.
Fallait-il nier cette victoire ? La bataille s’est surtout appuyée sur la force et la détermination des manifestants, sur les mises en garde des directeurs d’unité. Mais, ne l’oublions pas, sans les prises de position de conseils du CNRS, celles de nombreux conseils d’université, nous n’aurions pas gagné. Dans ces conditions, bloquer le CA du 1er juillet nous aurait ramenés à la situation de blocage antérieure. C’était rompre le large front de résistance dont nous aurons besoin pour les luttes à venir. C’était transformer la victoire en défaite !
Les menaces sur le CNRS ne sont pas levées. Les élus syndicaux et les nommés au titre syndical ont voté contre le plan stratégique, car il recèle encore de nombreux dangers et complique la mise en œuvre de l’interdisciplinarité. Les élus (au CA comme au Comité technique paritaire) votent fréquemment contre des propositions de la direction. Cela ne peut pas suffire à justifier le blocage du CA, car les rassemblements devraient alors être permanents au CNRS.
Quelles sont les prochaines batailles ? La réorganisation concrète du CNRS sera discutée dès le mois de septembre. Cette réorganisation devra être négociée avec les organisations syndicales représentatives et soumise aux instances statutaires de l’organisme avant d’être votée par son Conseil d’administration. Plusieurs points devront alors être précisés. Les instituts garderont-ils toutes les missions des départements ? Quels seront leurs liens avec le Comité national ? Pourront-ils affecter des personnels à des unités ne relevant pas de l’organisme ? Les « missions nationales confiées par l’État » seront-elles l’occasion de les soustraire de la responsabilité de la direction du CNRS ?
Le contrat d’objectifs et de moyens devra prendre en compte des créations de postes, la résorption de la précarité, l’amélioration des carrières. La fonction d’agence de moyens des instituts et leur implication dans des partenariats devra servir d’argument pour transférer des crédits de l’ANR vers les organismes de recherche et vers les universités et non pour amputer encore les crédits de base des laboratoires. Sur tous ces points, la ministre a refusé de s’engager.SNCS-HEBDO 08 n°20 du 3 juillet 2008