La création des instituts présage-t-elle la fin de la priorité environnement au CNRS ? : SNCS-HEBDO 08 n°8 du 30 avril 2008
Alors que le CNRS réfléchit à la création d’instituts et donc à la fin des départements scientifiques, des pressions de lobbys sectoriels internes ou externes à l’organisme agissent pour le découper en fonction de soi-disant intérêts disciplinaires qui ne sont en fait que des intérêts de « groupes ». Dans ce « cafouillage », le plus jeune des départements scientifiques du CNRS, « EDD : environnement et développement durable », risque de passer à la trappe !
Patrick Monfort, membre du bureau national du SNCS
Le département EDD a été créé en 2005 à la suite de nombreux épisodes et soubresauts. Rappelons brièvement que le Contrat d’action pluriannuel de 2002, sous la direction générale de Geneviève Berger, avait confié la priorité environnement à l’INSU (Institut national des sciences de l’univers) sous réserve que le décret de l’INSU soit modifié afin de séparer l’imbrication de celui-ci avec le département SDU du CNRS. Des freins internes à l’INSU ainsi que de sa direction de l’époque ont empêché la création de l’INSUE.
En 2005, le directeur général, Bernard Larrouturou, accepte dans sa réforme la création d’un département interdisciplinaire, le département EDD, malgré quelques résistances. La volonté de la communauté scientifique concernée permit au CNRS d’afficher enfin une forte priorité dans le domaine de l’environnement en lui donnant les moyens nécessaires de son existence.
À la suite de la nomination de la présidente Catherine Bréchignac et du directeur général Arnold Migus en janvier 2006, la partie la plus néfaste de la réforme « Larrouturou » dénoncée par le SNCS est abandonnée. Les périmètres des départements scientifiques dont la création du département EDD sont maintenus par la nouvelle direction.
Asseoir un nouveau département scientifique sur la thématique des sciences pour l’environnement était un pari pour le CNRS d’autant plus que d’autres organismes comme l’INRA se positionnent aussi sur cette thématique. Le CNRS qui est, de par son spectre disciplinaire, le seul organisme de recherche pouvant prétendre couvrir la plupart des questions environnementales dans un cadre interdisciplinaire, allait-il réussir ce pari audacieux ?
Deux ans et demi après sa création, le bilan de ce département est très positif. Une prospective interdisciplinaire a été rédigée par le conseil scientifique de département qui comprend les principaux domaines des sciences pour l’EDD. En s’appuyant sur lui, le CNRS a mis en place une politique scientifique qui a permis l’identification et le développement des recherches sur ces thématiques dans des unités appartenant à différents domaines (SHS, chimie, SDV, ingénierie, informatique, physique, SDU). Des programmes interdisciplinaires copilotés par plusieurs départements ont ainsi vu le jour. De petites équipes travaillant sur ces domaines ont pu être aidées en tant que point d’émergence dans des unités tournées vers d’autres domaines scientifiques. L’animation scientifique menée par le département EDD a permis le rapprochement autour de questions sociétales de disciplines très éloignées.
La dynamique créée par EDD qui a permis à une communauté scientifique de se reconnaître dans les sciences pour l’environnement doit-elle être cassée à l’occasion d’une nouvelle réforme ? Une fois de plus, les mêmes lobbys agissent pour remettre en question cette dynamique qui a permis une démarche novatrice.
En deux ans et demi, la communauté scientifique des sciences pour l’environnement a su se structurer au sein du CNRS et faire reconnaître une nouvelle discipline en pleine émergence qui justifie pleinement l’existence du département EDD et la création possible d’un Institut des sciences pour l’environnement du CNRS.
Les questions de recherche inspirées par les débats de société autour des problématiques environnementales (cf. Grenelle de l’environnement) nécessitent l’émergence d’un champ disciplinaire nouveau fortement intégré. La dilution d’EDD au sein d’un ou plusieurs instituts fondés sur des disciplines traditionnelles ou son pilotage par un organisme extérieur seraient une grave erreur de la part du CNRS comme du ministère de la Recherche. Cette faute pourrait in fine coûter la crédibilité du CNRS comme du gouvernement, de la part de la société qui attend beaucoup de ces questions.SNCS-HEBDO 08 n°8 du 30 avril 2008