Économie et science : affinités électives ou connexions mortelles ? : SNCS-HEBDO 07 n°20 du 11 octobre 2007

VRS11 octobre 2007

Dans son édition du lundi 8 octobre, Les Échos, journal économique et financier, titrent : « Christian Bréchot démissionne de l’Inserm ». L’article se termine par : « La BNP et AXA, qui soutiennent Metagenex, ont finalement obtenu la tête de Christian Bréchot, dont la démission devrait être annoncée au Conseil des ministres de mercredi ». En quoi cette affaire est-elle exemplaire de l’évolution actuelle de la recherche scientifique ?

Le bureau Inserm du SNCS


Encore une fois, la logique économique affronte la logique scientifique. Et ce sont les tribunaux qui sont appelés à régler le différend ! Gageons que les milieux financiers mieux préparés, mieux introduits imposeront leur loi à la recherche scientifique. Elle devra être rentable ou disparaître et ne pas faire la fine bouche sur de vulgaires considérations d’éthique. Il s’agit d’un conflit d’intérêts bien sûr, mais d’un conflit entre l’intérêt scientifique et l’intérêt économique, entre l’éthique biomédicale et les intérêts financiers.

L’affaire Metagenex est paradigmatique de l’évolution de la recherche. C. Bréchot malgré tous ses efforts a été terrassé par le monstre qu’il a lui-même créé et nourri avec sa politique de valorisation à tout prix, d’inféodation des crédits des laboratoires aux demandes économiques, d’assujettissement à une politique ministérielle qui remplace science par innovation et portée scientifique par impact économique.

Ici, c’est le directeur de l’Inserm qui est confronté aux milieux d’affaires. Quand un « simple » chercheur se trouve aux prises avec cette machine, est-ce que les remous remonteront jusqu’aux ministères ou rempliront les colonnes des journaux ? On peut en douter !

Ce que l’on en sait

Au départ, cinq chercheurs de l’Inserm – dont C. Bréchot et son épouse P. Paterlini-Bréchot – prennent des brevets à partir d’un travail réalisé dans le laboratoire qu’ils dirigent (Brevets Inserm, AP-HP, Paris V). Leur méthode vise à séparer, par filtration, des cellules circulantes de plus grandes tailles que les cellules d’origine sanguine. Parmi ces « grandes cellules », on peut trouver des cellules cancéreuses, ou des cellules d’origine fœtale chez les femmes enceintes. Objet de brevets et de publications depuis 1999, le procédé appelé Islet pourrait être utilisé pour suivre l’évolution d’un traitement anticancéreux, ou pour identifier les anomalies chromosomiques ou les maladies génétiques sans avoir à recourir à l’amniocentèse. Une start-up, Metagenex, a été fondée par les inventeurs pour « développer et valider la méthode ».

C. Bréchot a cédé ses parts lors de son accession à la direction de l’Inserm, en février 2001. De 2004 à 2006, il remplace progressivement le système de valorisation de l’Inserm par une société de droit privé, Inserm-Transfert, qui abondera au capital de Metagenex. En juillet 2006, cela ne suffisant pas, des investisseurs privés, Axa et BNP, apportent au projet 2,5 millions d’euros et prennent la majorité.

Un conflit s’ouvre alors entre les chercheurs disant nécessaire de procéder, avant toute exploitation, à une validation sérieuse du procédé et la direction de Metagenex pressée de le commercialiser, d’autant plus qu’un test similaire vient d’être validé aux États-Unis. La direction de l’Inserm refuse de signer l’avenant de cession de la licence exclusive des brevets.

Le comité d’éthique de l’Inserm et le comité consultatif national ont donné un avis général sur l’importance de la validation des tests diagnostiques et la nécessité de soumettre leur commercialisation à un contrôle, ainsi que sur les règles qui devraient régir les relations entre inventeurs et actionnaires, mais se considèrent incompétents sur le cas particulier.

Face à ce qu’ils considèrent comme une attaque, les dirigeants de Metagenex accusent le directeur général de l’Inserm de conflit d’intérêts. À leur demande, les ministres de la Recherche et de la Santé ont saisi l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) et l’IGAENR (Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche). Au vu du rapport de la commission, les représentants des deux ministères, G. Bloch (DGRI) et D. Houssin (DGS), demandent instamment à la direction de l’Inserm de céder les brevets. C’est alors que C. Bréchot démissionne, pour « pouvoir traiter librement des problèmes posés par l’affaire Metagenex ».SNCS-HEBDO 07 n°20



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