Karcher pour la recherche : SNCS-HEBDO 06 N°24 du 9 octobre 2006
Entre deux descentes télévisées de police en banlieue, Nicolas Sarkozy a eu le temps de lire son discours sur la recherche et l’enseignement supérieur lors de la convention de l’UMP (le 4/10/06). Que ses fans se rassurent, c’est vraiment du Sarkozy.com
Henri Audier, membre du bureau national du SNCS
Quel fantastique numéro que ce très long constat qu’il fait de la situation, avec toutes les petites ficelles du populisme ordinaire. C’est un peu le best-of de ce qui se dit dans le milieu, même quand cela relève de forces antagonistes, des syndicats à l’UNI, la droite universitaire. Une pseudo-synthèse des critiques qui traînent au café du commerce, même quand elles procèdent d’énoncés contradictoires. Un ramassis de données souvent exactes, parfois fausses quand elles servent à justifier la solution proposée. Un condensé de lieux communs, de fausses évidences et de larmes de crocodile. C’est aussi le pillage des problématiques des partis de gauche sur la ségrégation sociale, le taux d’échec, la critique des grandes écoles ou la nécessité de formation tout au cours de la vie, mais pour en donner des solutions inversées. « Ah, il y avait pensé, il connaît bien ! » : le but de ce fatras « impressionniste » est que chacun puisse trouver quelque chose qu’il ait pu dire à un moment, un problème qui le touche, afin qu’il absorbe tout le texte avec sympathie, puisque le locuteur a fait preuve d’écoute et d’empathie. À défaut d’une réflexion originale sur les solutions à tirer de ce constat contradictoire, la proposition centrale de Sarkozy est le pastiche de ce qu’il croit être le modèle américain : un système d’universités indépendantes et en compétition, l’État ne gardant que l’évaluation nationale et la reconnaissance des diplômes nationaux, solution qui ne fera qu’accentuer les maux qu’il dénonce. L’appel au privé et aux fondations, sous le vocable élégant du philanthropisme, est glorifié et récompensé : à la phrase consensuelle « les conseils d’administration des universités sont pléthoriques », succède « les principaux financeurs n’ont droit qu’à un strapontin ». C’est la recherche qui va être l’arme pour renforcer à l’extrême la hiérarchisation des universités. Pour cela, Sarkozy puise largement dans les propositions de Pouletty, de « Du Nerf », ou de la CPU.
La première orientation-phare est « la création de campus de recherche de niveau mondial autour de nos universités et de nos grandes écoles déjà en pointes sur le sujet » : on retrouve là les 4 ou 5 pôles d’excellence de « Du Nerf », avec une mention spéciale pour le plateau de Saclay, cher à Pouletty et son IET, qui avaient conduit les États généraux à proposer des PRES maillant tout le territoire et faisant coopérer les établissements.
La deuxième est le renforcement du pilotage, car selon Sarkozy « l’État n’a pas réellement la possibilité de concentrer nos efforts de recherche sur des priorités nationales » ; l’ANR est certes pour lui « un progrès », mais « n’a pas de marges de manœuvre sur l’affectation des personnels ».
La troisième mesure est de transformer « nos grands organismes de recherche en agences de moyens, chargées de financer des projets sur des bases pluriannuelles en fonction de priorités nationales ». Dans ce cadre, « les universités pourront se doter d’une politique de recherche en gérant seules les unités de recherche actuellement partagées avec le CNRS ou les autres organismes nationaux ». Et pour être sûr qu’il n’y aura plus d’organismes, les universités « seront libres de créer ou de supprimer des postes ; elles pourront choisir leurs enseignants et leurs chercheurs permanents, parmi des candidats qualifiés à l’échelon national ; elles pourront les rémunérer comme elles le souhaitent. »
La quatrième mesure est la précarité : pas de plan pluriannuel de l’emploi et rien sur les créations de postes. Si quelques génies pourront être recrutés jeunes, « ceux qui n’ont pas fait leur preuve » bénéficieront « d’un contrat stable et digne de jeune chercheur, d’une durée de trois à cinq ans ».
« Un effort de la nation de 5 milliards de plus pour les universités en 5 ans. » Bravo ! Mais on ne connaît pas le périmètre de l’inflation et si derrière la « nation », il s’agit du budget de l’État, des philanthropiques sponsors privés, ou des régions puisque « l’idée est de donner aux régions la compétence de droit commun en matière d’amélioration de la condition étudiante ». Et le budget 2007 est là pour dire que ce n’est que demain qu’on rasera gratis ! Par contre pour la recherche, c’est très clair : 4 milliards de plus en 5 ans, incluant l’inflation et le crédit d’impôt, c’est exactement la programmation du « Pacte pour la recherche » voté par la seule UMP et préparé, création de l’ANR incluse, par un certain Sarkozy, alors ministre des Finances de Raffarin. Avec ça, on est certain de tomber à 2 % du PIB rapidement. Pour les 3 %, vous vous êtes trompé de programme. Lisez vous-même ! Vous avez aimé Sarkozy-policier ? Vous adorerez Sarkozy-chercheur !