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Motion : Langue française

mmSNCS-FSU1 décembre 2002

47 pour – 2 contre – 28 abstentions


a langue française et les langues européennes sont-elles vouées à devenir à la longue des langues mortes à l’image du latin ou du grec ancien ?

La crainte est légitime quand les signes alarmants se multiplient dans le domaine scientifique comme dans la sphère économique, et quand ils se manifestent non seulement dans les échanges internationaux mais au sein même des espaces nationaux.

Pour ce qui est des scientifiques, ils sont pressés d’adopter l’anglais comme langue unique, quand ce n’est pas comme deuxième langue nationale, au risque d’une marginalisation, voire d’une disparition, de leur langue maternelle.

Au demeurant, l’adoption dans le domaine scientifique d’une langue unique tend à restreindre à terme le pluralisme théorique et méthodologique. Les scientifiques français ou francophones et leurs collègues européens doivent-ils devenir les sous-traitants des écoles de pensée nord-américaines marquées pour la plupart par une approche empiriciste éminemment réductrice dont les affinités électives avec l’idéologie libérale dominante sont attestées ?

En France, plusieurs faits récents ont suscité l’inquiétude et provoqué la colère de la communauté scientifique :

 le rapport Attali commandité par M. Allègre pour la réforme de l’Enseignement supérieur en France, ne faisait aucune allusion à l’importance et au rôle de l’espace francophone international et, tout en insistant sur la nécessité incontestable du développement de l’usage de l’anglais, ne faisait aucune proposition pour la protection et la promotion de la langue française dans le pays et à l’étranger.

 les deux projets de réforme du Centre national de la recherche scientifique conçus à la demande de M. Allègre, faisait passer aux oubliettes toute référence aux obligations de l’organisme en matière de défense et de promotion de la langue française.

 la décision de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris et de l’Institut Pasteur voulant que lors de l’évaluation des chercheurs, leur activité scientifique ne soient prises en compte que leurs publications en langue anglaise.

 quand on sait, par ailleurs, qu’au CNRS, lors du recrutement ou des promotions des chercheurs, le jury d’admission, une instance nationale et pluridisciplinaire, avait tendance et a toujours tendance à agir dans le même sens au détriment des candidats relevant de disciplines ou des sous-disciplines pour lesquelles ce genre de critère linguistique n’a guère de sens ou n’en a pas du tout, comme c’est le cas pour une part des sciences du vivant et, sauf exceptions, pour les sciences de l’homme et de la société.

 quand on connaît les projets des directions de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) de faire rédiger en anglais les rapports d’activité et les projets de recherche.

Et à cette liste qui n’est malheureusement pas close en France pourraient s’ajouter des cas sinon identiques du moins comparables en Europe

Il faut s’en convaincre, l’abandon voulu ou subi du français et des langues européennes portera tort à toutes les disciplines scientifiques qui ne pourront plus, à terme, non seulement écrire mais également penser dans leur langue et leur culture d’origine et développer des connaissances en rapport avec les conditions historiques, sociales et culturelles de leur élaboration. Partant, seront rendues difficiles, voire impossibles, toute compréhension réelle et toute portée pratique de leurs contributions au savoir.

Adopter l’anglais comme langue unique, c’est contribuer paradoxalement, à l’enfermement des milieux scientifiques qui en usent, alors que l’on prétend grâce à eux dépasser les frontières et supprimer les ghettos.

Cet enfermement inéluctable a pour consé-quence d’élargir le fossé qui sépare en France et en Europe la communauté scientifique de la population scolaire, de la société civile, des responsables politiques, des associations et des citoyens. Veut-on ainsi creuser plus encore la fracture culturelle et instaurer une société à deux vitesses ?

Scientifiques soucieux de diffuser largement le savoir que nous avons acquis, nous ne voulons pas être coupés des jeunes générations, et de ceux qui partagent notre langue et, pour une part au moins, notre culture.

Heureusement, quelques petites victoires sont venues ces temps derniers justifier et encourager notre action militante. C’est ainsi que :

 les statuts du CNRS ont réaffirmé les missions de l’organisme de « développer l’information scientifique en favorisant l’usage de la langue française ».

 devant la fronde des personnels concernés, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris et l’Institut Pasteur sont revenus sur la mesure envisagée.

 suite à l’intervention du SNCS relayée par la FSU, de l’Académie des sciences morales et politiques et de nombreuses associations de défense de la langue française, le gouvernement français a récemment refusé à Londres d’entériner un accord européen supprimant l’obligation de traduire les brevets dans les langues officielles de l’Union européenne, obtenant avec l’appui des autorités allemandes que les traductions soient maintenues dans trois langues : l’allemand, l’anglais et le français. Un moindre mal qui ne fera pas l’affaire de nos collègues du Nord, du Sud et de l’Est de l’Union.

Pour réjouissantes qu’elles soient, ces petites victoires obtenues en France sont trop ponctuelles pour faire le compte. Reste à compléter l’inventaire de celles qui ont satisfait nos collègues européens.

Nous savons que la solution ne passe pas par le simple appel à la bonne volonté des scientifiques.

Les collectivités nationales doivent s’engager. Nous exigeons donc une véritable politique visant à promouvoir le français et les langues européennes dans notre domaine d’activité.

Ainsi, nous attendons des moyens budgétaires et des mesures pratiques pour permettre aux universités, aux organismes publics de recherche, à leurs laboratoires et à leurs personnels d’assumer leur mission vis à vis de leur langue

d’origine grâce à des mesures propres à défendre et à promouvoir nos langues européennes grâce :

 au renforcement de l’édition scientifique, des publications (ouvrages et revues), et des réalisations audiovisuelles notamment dans les langues de l’Union ;

 soutien linguistique des communications et des échanges lors des colloques scientifiques organisés en France et dans l’Union européenne ;

 à l’aide aux traductions dans un sens comme dans l’autre ;

 au renforcement des fonds européens des bibliothèques généralistes et spécialisées ;

 à la protection et au développement du français et des langues européennes dans les instances et dans les manifestations internationales ;

 à l’amélioration de l’accueil en France et en Europe des étudiants, des enseignants et des chercheurs étrangers (bourses, conditions d’hébergement, commodités administratives, mesures d’équité et de solidarité sociales) ;

 à leur formation dans les domaines de la langue et de la culture propres aux pays d’accueil ;

 au dégagement de moyens concrets à destination des unités d’enseignement ou de recherche invitant régulièrement des collègues étrangers pour des séjours de moyenne ou de longue durée.

C’est à ces conditions que sera préservée et accrue la capacité de la science française et de la science européenne à s’exprimer librement dans leur langue nationale et sera mieux garanti l’avenir de cette dernière dans le domaine scientifique et bien au-delà

Le Congrès mandate le Bureau national pour que soit menée une action intersyndicale et internationale en faveur de la langue française et des langues européennes comme langues scientifiques et pour que soient rendues publiques auprès des Gouvernements, des Parlements, des Académies et des médias notre position et nos revendications afin que s’engage dans chaque pays et dans le cadre des institutions européennes un débat approfondi et que nous obtenions à terme satisfaction.

Paru dans la VRS N°352 de décembre 2002



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