Le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche à l’épreuve des réformes
Edito par Hervé Christofol et Chantal Pacteau
Les statuts contemporains de la Fonction publiques ont 40 ans. Pour cet anniversaire, ce sont des syndicalistes, des politiciens, des personnalités de la société civile qui ont organisé une conférence de presse le mercredi 6 juillet 2023. Du côté du gouvernement, aucune expression pour le célébrer et rendre hommage à ses plus de 10 millions de fonctionnaires en activité ou en retraite. Et pour cause, depuis le vote de la loi de transformation de la Fonction publique en 2019, les gouvernements du président Emmanuel Macron n’ont eu de cesse de promouvoir le recrutement par contrat et de restreindre le nombre de fonctionnaires sous statut.
Cette promotion du recrutement sur contrat se fait en dénigrant le statut du fonctionnaire qui serait rigide et démotivant. Or, le rappelle Gérard Aschieri, ce statut est « citoyen, indépendant, qualifié et responsable au service de l’intérêt général », selon la loi du 19 octobre 1946. Le statut est aussi attaqué avec la généralisation des méthodes RH du privé promues dans le « nouveau management public » et mises en oeuvre par une haute fonction publique dont la loi de 2019 facilite les allers-retours entre postes de direction dans le privé et le public. Julie Gervais, Claire Lemercier et Willy Pelletier illustrent par le récit comment ces changements managériaux, notamment ceux qui s’opèrent dans l’enseignement supérieur public, tuent les collectifs de travail. Face à ces offensives, des lieux de résistance existent, telles que les rencontres annuelles de la Convergence des services publics. Philippe Aubry y a participé cette année et nous en rend compte.
Dans l’enseignement supérieur et la recherche (ESR), la loi pour la recherche (LPR) a permis de nouveaux recrutements sur contrat mais le récent « rapport Gillet » va plus loin encore : non seulement il remet en cause les statuts des enseignants-chercheurs et des chercheurs, mais aussi il propose de modifier les missions des organismes de recherche nationaux. C’est ce qu’analysent Mary David, Jean-Michel Minovez et Alexandre Zimmer en centrant leur article sur le contrôle managérial et la poursuite de la dérégulation en cours. Quant à Claude Mirodatos, il fait un exercice de déconstruction de
l’idéologie du rapport à partir, entre autres, des schémas synoptiques qu’il contient.
Ces réformes incessantes de l’ESR entre 2004 et 2020 sont élaborées, pilotées et mises en oeuvre par des scientifiques, des administrateurs et des politiques, notamment pour remettre en cause les acquis de 1946, 1968 et 1984. C’est ce qu’expliquent les sociologues Christian Topalov et Joël Lallier. Parmi d’autres sujets de préoccupations brûlantes au sein de l’ESR : celui de la déréglementation en cours dans les formations de l’enseignement supérieur (Pierre Chantelot) ; celui de l’insertion professionnelle des docteurs en France et notamment de leur place dans la Fonction publique en dehors du monde académique (Florence Audier) ; et encore celui des inégalités territoriales de dotation entre universités et du recul de la démocratie universitaire exaspéré dans les établissements expérimentaux (Hervé Christofol et Michèle Artaud).
Finissons cette présentation du dossier par l’article qui l’ouvre, celui du secrétaire général de la FSU, Benoît Teste, qui rappelle le caractère structurant du « service public à la française » et combien, face aux crises, aux révoltes (comme celles de ces dernières semaines), il est plus que jamais nécessaire pour construire du vivre ensemble, réduire les inégalités, permettre à chacune et chacun de faire société et engager une transition écologique socialement juste.