Quelle nouvelle organisation du travail dans la recherche publique ?
Edito du dossier par Maud Leriche et Boris Gralak
L’organisation du travail dans la recherche publique a été profondément bouleversée ces dernières années et s’est accompagnée d’une transformation radicale, toujours en cours, des conditions de travail du personnel de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR). Le processus s’est engagé à la fin du siècle dernier avec l’arrivée du réseau internet et des outils numériques et, depuis vingt ans, avec un sous-financement chronique de la recherche et la généralisation des appels à projets. Paradoxalement, l’enjeu majeur de la transition écologique n’a encore eu que très peu d’impact sur l’organisation du travail, si ce n’est l’introduction timide du télétravail entre 2016 et 2019 afin de réduire les déplacements entre le domicile et le lieu de travail.
Ces transformations se sont soudainement accélérées en mars 2020 avec l’irruption de la pandémie de la Covid-19. Le télétravail a été imposé à toutes et tous du jour au lendemain et, en quelques semaines, le personnel de la recherche a appris à utiliser massivement la visioconférence et de nouveaux logiciels numériques collaboratifs. Cette période a été une expérience grandeur nature d’une nouvelle organisation du travail et de nouvelles pratiques dans la recherche. Si les avantages induits en termes de gain de temps de déplacement et de commodité individuelle rendent impossible tout retour à la situation antérieure, il y a un revers à la médaille, tel que la dégradation de certaines conditions de travail et des missions de formation.
Enfin, avec la situation géopolitique et la hausse des coûts de l’énergie, la réduction de la consommation d’énergie s’impose et l’État demande aux établissements de l’ESR une baisse de 10 % de la consommation d’énergie d’ici 2024. Cette réduction de la consommation d’énergie, qui aurait dû être engagée et préparée depuis bien longtemps, exige une réflexion d’ensemble sur nos pratiques et le fonctionnement des structures dans la recherche.
Pour le SNCS-FSU et le SNESUP-FSU, ces transformations doivent d’abord contribuer au progrès social et au bien-être au travail pour toutes et tous dans l’ESR, sans dégrader les conditions de travail et les missions de recherche et de formation. Il est en particulier essentiel d’identifier et prévenir les risques engendrés par cette nouvelle organisation du travail : délitement des collectifs de travail, nouvelles sources d’inégalité, sédentarité, santé mentale, droit à la déconnexion… La nouvelle organisation du travail doit être élaborée en concertation très étroite avec les organisations syndicales et en associant les instances représentatives du personnel, notamment en santé, sécurité et conditions de travail.
Dans ce dossier, des syndiqué·es du SNCS-FSU et du SNESUP-FSU font part de leurs analyses des facteurs décisifs de transformation du travail dans l’ESR : la visioconférence, le télétravail, les nouveaux outils numériques et le financement par appels à projets. Les risques introduits par cette nouvelle organisation du travail sont également abordés, avec les actions de prévention qui pourraient être menées. L’Institut de Recherche de la FSU présente les instances d’hygiène, santé, sécurité et conditions de travail et les changements qui interviendront à l’occasion des élections professionnelles de 2022. Deux collègues étrangers apportent un éclairage sur la situation en Europe à travers la santé mentale dans l’ESR et les activités pédagogiques numériques, et des collègues en France présentent leur expérience sur la nouvelle organisation du travail dans l’ESR. Enfin, deux collègues du collectif labos 1point5 présentent leurs réflexions sur des moyens d’actions visant à réduire l’empreinte carbone de la recherche publique française.