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texte pour CONSEIL SYNDICAL NATIONAL du SNCS -FSU (17-19 novembre 2005)

mmSNCS-FSU20 octobre 2006

version mise a jour des positions SNCS présentées au CPESR de l’internationale de l’éducation en 1997


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· Les dépenses nationales et européennes de Recherche & Développement (R & D) : niveau des ressources, modes de financement, fixation des objectifs.

· Les secteurs publics de R & D civils : missions, statut des personnels et charte européenne du chercheur, gestion des moyens, méthodes d’évaluation.

· Les programmes-cadres de R & D Technologiques (PCRDT) européens et le Conseil Européen de la Recherche (CER) : objectifs, évaluation.

I – Les dépenses nationales et européennes de R & D.

1) Niveau des ressources :

Pour répondre aux inégalités sociales et aux déséquilibres écologiques croissants induits par la globalisation dérégulée des échanges économiques et financiers à l’échelle du globe, l’Europe (et en son sein la France) doit développer les activités de recherche-développement tant publiques que privées : elles seules sont en mesure de produire les connaissances scientifiques nécessaires à la préservation de l’univers physique, du monde vivant et des sociétés humaines. Adossée à des transformations sociales et démocratiques que le SNCS estime souhaitables, seule une recherche scientifique fondamentale au service d’un développement durable (chapitre 35 de l’agenda 21 établi par le sommet de la terre de Rio de 1992) pourra permettre de répondre aux défis du XXI eme siècle.

Les ressources consacrées à ces activités montrent qu’entre 1994 et 2001, les Etats membres de l’Union Européenne (UE) ne se sont pas donnés les moyens de rattraper leur retard :

Dépense intérieure de R&D USA UE JAPON RESTE DU MONDE TOTAL MONDE
1994 (% PIB) 169 (2.5 %) 125 (1.9 %) 70 (2.7 %) 75 (0.7%) 439 (1.8 %)
Chercheurs/actifs 0.8 % 0.45% 1% ? ?
2001 (% PIB) 282 (2.8 %) 186 (1.9 %) 104 (3.1 %) ? ?
Chercheurs/actifs 0.9 % 0.55% 1% ? ?

données OCDE, UNESCO, rapport européen d’indicateurs (en milliards de $ en parité pouvoir d’achat)

En Europe, le niveau des ressources affectées à la R&D est resté disparate : entre 1994 et 2001, pour le Portugal qui a bénéficié de fonds structurels européens, le niveau est passé de 0,6 % à 0.8 % du PIB alors que pour la Suède, il est passé de 3,3 % à 4.3%, la France avec 35 Geuros en 2004 stagnant toujours autour de 2.2% (dont moins de 1% pour les dépenses publiques).
Aussi, le Conseil européen de Barcelone de mars 2002, confirmant la stratégie dite de Lisbonne (mars 2000) qui vise à réaliser “ l’économie de la connaissance la plus dynamique et la plus compétitive du monde ”, s’était donné pour objectif de porter d’ici à 2010 l’effort européen de recherche à 3% du PIB de l’UE, 1/3 devant provenir du secteur public et 2/3 des investissements privés.
Pour ce faire, a été conçu un “ Espace Européen de la Recherche ” censé devoir mieux intégrer les efforts de recherche dans les seuls secteurs technologiques considérés comme clefs (STIC, bio et nanotechnologies, aéronautique et spatial, transports, énergies et santé). Il s’agissait entre autres de i) “ renforcer l’excellence par la mise en concurrence au niveau européen et par la collaboration transnationale des équipes de recherche ”, ii) “ stimuler l’investissement privé dans la recherche par l’application au niveau européen de formule de crédit d’impôt recherche ”, iii) “ créer des pôles d’excellence de haute visibilité donc de masse critique à même d’attirer les investissements privés ”, iv) “ lancer des plates-formes technologiques rassemblant à l’échelle européenne des entreprises et des institutions de recherche, le monde financier et les organismes réglementaires ”, v) “ favoriser le développement des carrières en aidant à garder les chercheurs en Europe et à y attirer les meilleurs chercheurs ” (communication 353 final de la Commission du 16 juin 2004).
Les 19.2 milliards d’euros du 6 eme PCRDT (FP6) n’ont financé sur 2002-2006 qu’un peu moins de la moitié des projets dits “ de très haute qualité ”, soit 10% des 28 000 propositions qui lui avait été soumises. Le PF7 devrait en financer le double et s’adjoindre un Conseil Européen de la Recherche (CER), agence chargée de financer des “ projets ” de recherche fondamentale, déposés par des “ porteurs de projets ” et évalués par des (ex)pairs nommés (cf. III).
Cette stratégie de Lisbonne, impulsée par la Commission, a résulté d’accords entre Etats membres qui ont mis au point la MOC (méthode ouverte de coordination) qui avait fait le succès des programmes européens passés (CERN, Ariane, Airbus, etc .). Cette méthode permet de dépasser i) les tensions entre le centre (Bruxelles) et des Etats membres indépendants ii) la subsidiarité (le niveau supérieur serait le plus à même de réaliser ce que les niveaux inférieurs ne peuvent …) et de décloisonner les problèmes (ainsi la formation tout au long de la vie est inséparable de la formation reçue initialement). C’est cette méthode qui est appliquée aussi dans le processus dit de Bologne (auquel est admise depuis peu le CSEE) qui vise à harmoniser les diplômes européens par des évolutions réciproques issues de coordinations, ceci afin de favoriser la mobilité des étudiants et de la main d’œuvre qualifiée grâce à une reconnaissance transnationale des diplômes. Ceci dit, cette MOC est aussi considérée comme pas assez opérationnelle puisque les objectifs de l’agenda 2010 sont loin d’être réalisés à mi-parcours (en 2005).
A cet échec relatif s’ajoute à 3 autres facteurs : i) la crise de l’union monétaire (banque centrale indépendante qui n’a pas su, pu ou voulu ni réduire le chômage ni impulser la croissance économique en s’accrochant à un pacte de stabilité strictement monétariste avec des déficits inférieurs aux 3% du PIB), ii) un élargissement précipité de l’Europe des 15 à 25 et iii) la panne institutionnelle due au rejet du TCE, rejet qui découle en partie des deux facteurs précédents mais aussi de son contenu faisant la part trop belle à une économie de marché “ où la concurrence est libre et non faussée ”, et ce aux détriment des questions sociales. Voici 4 facteurs qui signent ce que P. Pochet, Directeur de l’Observatoire Social Européen, appelle l’enlisement européen.

Afin de réaliser, non pas l’économie de la connaissance la plus compétitive au monde mais, une société de la connaissance assurant le meilleur épanouissement de tous et un développement durable préservant la biosphère, le SNCS considère que l’objectif de 3 % du PIB doit toujours être retenu pour 2010, dont au moins 1% consacré aux dépenses publiques de R&D (hors spatial et militaire pour la France, cf. ci-dessous). La réalisation de l’espace européen de la recherche devrait :
· promouvoir les recherches fondamentales au lieu de privilégier esentiellement l’innovation et le développement technologique
· se réaliser non par la mise en concurrence des équipes porteuses de projets mais par leur mise en réseau pour développer des coopérations librement choisies
· favoriser les échanges sur la base du volontariat au lieu de susciter des mobilités forcées qui indexent de fait les déroulements de carrière.

2) Modes de financement et fixation des objectifs

Concernant les modes de financement (% des activités de R & D financées par des ressources publiques et privées), le tableau ci-dessous montre qu’en Europe, le Royaume uni et l’Allemagne sont à des niveaux de financement voisins de ceux observés aux USA.

Chiffres 2001 USA JAPON UE FRANCE ALLEMAGNE UK
Financement public 32 % 26 % 41 % 46 % 32 % 30 %
Financement prive 68 % 74 % 59 % 54 % 68 % 70 %

données OCDE 2002

Jusque dans les années 1975-1985, les financements publics étaient principalement consacrés au développement général des connaissances et à leur transmission ainsi qu’au développement de technologies relevant du secteur public nationalisé. Avec la vogue des privatisations, les investissements du privé sont plus déterminés par la recherche d’un retour sur investissement élevé (parfois de l’ordre de 15%) plutôt que par des logiques économiques (recherche de nouveaux produits et de nouveaux procédés pour rester compétitives sur les marchés). Cela conduit à des financements privés chaotiques (- 600 Meuros en 2003 et + 300 Meuros en 2004 pour la France) qui sont corrélés aux délocalisations et à l’externalisation croissante des procédés. Conjugués avec la déréglementation des marchés et la mondialisation des échanges commerciaux et financiers, ceci exerce sur le secteur public de recherche des pressions visant à le soumettre au service de la “ compétitivité ” des entreprises. C’est surtout le cas en France, où le financement de R&D par les entreprises reste encore nettement insuffisant (54 %).

Le SNCS demande que les financements publics tant européens que français soient principalement consacrés aux recherches fondamentales et aux recherches de développement qui ne peuvent être laissées à la (dé)régulation du seul marché : il s’agit des secteurs qu’il faut soustraire à la marchandisation dans le cadre des négociations sur l’AGCS engagées à l’OMC : la santé publique, l’eau et la protection de l’environnement, les énergies, l’éducation/formation et la culture. En affirmant que la culture n’était pas une marchandise qui devait être abandonnée aux appétits du marché, l’UNESCO vient de consacrer la protection et la promotion de la diversité culturelle à travers le monde.
Le SNCS affirme qu’il doit en être de même avec les produits issus de la Recherche Fondamentale : ni les logiciels ni les découvertes ne sont brevetables, et encore moins le vivant.

Concernant la fixation des objectifs, de grandes distorsions affectent la part du financement public dévolu aux recherches militaires et aux recherches civiles :

Recherche publique USA JAPON UE FRANCE (*) ALLEMAGNE UK
Civile 31,5 17,7 40,4 7,6 12,8 4,5
Militaire 37,8 0,8 10,9 4,5 1,3 3,8

données OCDE 1997 (milliards de $ en parité pouvoir d’achat)
* : entre 2000 et 2005, les dépenses ordinaires (hors pensions) et d’investissement du ministère de la défense sont passées de 28 à 33 milliards d’euros courants (loi de programmation 2003/2008).

Ainsi, la France et la Grande Bretagne financent à elles seules 76 % des recherches militaires européennes. Dans ces deux pays, et même si c’est encore plus vrai pour les USA, les dépenses de recherche affectées aux programmes militaires sont manifestement excessives par rapport aux missions du secteur public de recherche. Elles sont même fortement contestables pour ce qui concerne les recherches sur la maintenance et le perfectionnement des armes nucléaires, après l’arrêt de la Cour internationale de La Haye de juillet 1996 et la résolution de l’A.G. des Nations Unies du 10 décembre 1996 appelant tous les Etats à négocier une convention sur les armes nucléaires pour un désarmement général et complet.
Quant aux recherches menées sur les drones et les robots guerriers, leur “ utilité sociale ” ne vise qu’à asseoir des dominations sans partage. Les dépenses consacrées à ces programmes seraient mieux utilisées si elles étaient investies dans l’aide au développement, notamment en Afrique qui frappe aux portes de l’Europe et dans les régions sinistrées par de récents cataclysmes (la Louisiane, le Guatemala, Cuba). L’attitude de l’OTAN qui prétend ne pas être en mesure de fournir une logistique de grande envergure pour porter secours aux populations du Cachemire pakistanais est particulièrement scandaleuse.
Concernant l’aide au développement de l’Afrique et le commerce des armes, faut-il se féliciter des efforts déployés par la Commission européenne qui sont rapportés par H. Sauper dans son film “ le cauchemar de Darwin ” ? Sur la base de certificats d’hygiène dûment contrôlés par des commissaires européens, la Commission accorde en effet des subsides à une industrie doublement lucrative : élevage et exploitation des perches du Nil au détriment des poissons qui faisaient vivre les pêcheurs du lac Victoria, avions cargo qui exportent chaque jour plus de 50 tonnes de filets de perches vers l’Europe et qui en importent des armes….

S’agissant du secteur de la paix et de la sécurité internationale, le SNCS demande qu’un transfert du financement public de la recherche militaire vers la recherche civile soit opéré dans les pays – notamment européens – où ce financement est excessif et contraire aux obligations internationales des Etats. Le SNCS revendique le lancement de programmes de recherche sur la construction de la paix, sur la reconversion des activités militaires et sur les problèmes de sécurité , de développement et de stabilité internationales.

II – Les secteurs publics de la R & D civils

1) Missions :

Le secteur public de R & D civil est nécessaire pour remplir des missions que les entreprises et les marchés ne peuvent prendre en charge :
· faire progresser les connaissances sur tous les terrains de la recherche (et pas seulement sur ceux “ régulés ” par les marchés),
· contribuer aux fonctions du système éducatif : transmission des connaissances et formation à (et par) la recherche de citoyens à l’esprit critique, ouverts aux démarches de progrès et d’innovation,
· jouer un rôle actif dans les activités culturelles de la société par la diffusion des connaissances et de la pratique des approches scientifiques dans le grand public.

Ces missions ne peuvent être remplies efficacement sans la reconnaissance d’une nécessaire professionnalisation des métiers correspondants, au sein d’institutions garantissant des conditions de travail très spécifiques : organismes de recherche et centres de recherche universitaires.

Le SNCS revendique la reconnaissance d’un véritable service public de recherche et des métiers de chercheur ou d’ingénieur de recherche et d’enseignant-chercheur dans tous les pays européens, ainsi que la garantie de conditions de travail adaptées à leurs missions.

2) Statuts des personnels et “ charte européenne du chercheur

Les politiques économiques et sociales appliquées par les gouvernements libéraux cherchent depuis longtemps, au nom de la “ compétitivité ” et de l’ “ excellence ”, à imposer aux salariés des contraintes de flexibilité, de mobilité forcée, de précarisation de l’emploi et de restriction des régimes de sécurité sociale et de retraite. Ces politiques rétrogrades sur le plan social sont également nocives pour la créativité des personnels de l’Enseignement supérieur et de la recherche qui souffrent de stress (“ publish or perish ”) alors qu’ils ont besoin de conditions de travail très spécifiques adaptées à leurs missions.

Un point spécifique concerne la précarité des doctorants et des post-doctorants.
Les mandarins libéraux considèrent encore les premiers comme des étudiants et les seconds comme des thésards ayant à prouver leur “ excellence ”. C’est tout simplement inacceptable et le signe d’une forme d’esclavage postmoderne : nombre de doctorants vivent encore sous le régime de libéralités, sans couverture sociale, accordées notamment par des fondations ; nombre de post-doctorants vivent d’expédients, la précarité de leurs CDD successifs les condamnant à errer de labos en labos entre 26 et 35 voire 40 ans et pour certains à s’expatrier aux USA (qui n’ont pas financé leurs formations). Sous la pression d’associations de jeunes chercheurs et de syndicats, la Commission a fini par proposer aux Etats membres de suivre sa recommandation du 11 mars 2005 sur “ la charte européenne du chercheur et un code de (bonne) conduite pour le recrutement des chercheurs ”. Les doctorants (“ chercheurs en phase de formation ”) ainsi que les ingénieurs de recherche et d’études sont clairement inclus dans cette charte puisque les chercheurs y sont définis comme des “ spécialistes travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes et de systèmes nouveaux et à la gestion des projets concernés ”.
Le SNCS reconnaît les avancées contenues dans cette charte tout en regrettant qu’elle ne soit pas aussi contraignante qu’aurait pu l’être une directive pour les Etats membres, même si la directive 1999/70 concernant l’accord cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée n’a pas suffit, notamment en France, à prévenir les abus découlant de l’utilisation de CDD à répétition ! Cela étant, le SNCS demande que l’intersyndicale Recherche-Enseignement Supérieur soit reçue régulièrement par le ministère pour suivre l’application effective de cette recommandation là où elle ne l’est pas, étant bien entendu que “ lorsque les chercheurs bénéficient d’un statut et de droits plus favorables, à certains égards, que ceux prévus dans la charte, les dispositions de cette dernière ne doivent pas être invoquées pour restreindre le statut et les droits déjà acquis ”.
Est-ce pour cette raison qu’il fallait être à Londres pour assister à une communication du commissaire européen chargé de présenter cette recommandation pour apprendre que le ministère organisait une réunion similaire une semaine après à Paris, mais sans y inviter les syndicats ? Cet indice s’ajoute à la fourberie d’un ministère qui, pendant des mois, a littéralement “ mené en bateau ” d’abord SLR puis les syndicats pour aboutir à la rédaction d’un avant projet de Loi Programme pour la Recherche, qui se situe aux antipodes des conclusions des Etats Généraux de Grenoble et ne retient que les seules propositions de France Biotech, du MEDEF, de “ DuNERF ” et de la CPU ! Cela en dit long sur la volonté réductrice que le ministère a du “ dialogue social ” : les seuls interlocuteurs qui comptent à ses yeux sont des institutions parmi les plus élitistes, la société civile et les syndicats n’étant que méprisés.

Le SNCS exige l’application de la directive 1999/70 sur les CDD et de la charte européenne du chercheur partout où elles ne sont pas respectées.
Le SNCS demande néanmoins que des améliorations soient apportées à la charte afin de créer en Europe, pour les métiers de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, de véritables statuts professionnels qui garantissent le droit des travailleurs scientifiques :
· à être recruté sur des postes statutaires stables au plus tard à BAC + 10, soit 1 à 2 ans après la thèse des doctorants qui désirent effectuer un stage post-doctoral de 1 à 2 ans maximum,
· à une stabilité d’emploi et un déroulement de carrière nécessaires à la réalisation de leurs programmes,
· au libre choix de leurs programmes de recherche sur le long terme,
· à la diffusion de leurs résultats et travaux sans restriction,
· à une mobilité volontaire entre les métiers de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, entre les divers organismes de recherche et les universités, entre leur poste habituel de travail et leurs partenaires nationaux et étrangers, sans que ces mobilités ne nuisent à leur carrière ni à leur reconnaissance professionnelle,
· à l’évaluation de leurs activités par des pairs dans des institutions démocratiques, c-à-d. où puissent siéger plus d’une majorité de collègues élus, seul gage d’évaluations contradictoires et transparentes,
· à un réajustement des salaires du secteur public sur ceux du privé afin de rendre les carrières de la recherche publique plus attractives
· à la reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives,
· à une rémunération correspondant à leur qualification et en rapport avec le coût réel de la vie des pays européens, afin d’exclure les métiers de la recherche du mode 4 de fourniture des services de l’AGCS ainsi que de la directive Bolkestein sur la libéralisation des “ services ”.

3) gestion des moyens :

Les ressources consacrées au secteur public de recherche civile sont attribuées sous trois formes : financements récurrents de base et crédits incitatifs affectés à des thématiques attribués aux institutions et laboratoires ainsi que des crédits contractuels attribués à des projets ciblés portés par des équipes de recherche. Pour que le secteur public de recherche puisse développer, au travers de ses organismes, des programmes de recherches cohérents, l’essentiel des ressources (70%) des laboratoires devrait provenir des financements récurrents et des crédits incitatifs et non sur la base de crédits contractuels.
Depuis plusieurs années, ces financements contractuels avec appel d’offres sur projets à court terme prennent une place de plus en plus grande, et les instances politiques ont toujours cherché à utiliser cette technique pour mettre le secteur public de plus en plus au service des entreprises Cette tendance lourde va évidemment empirer avec la mise en place de l’ANR qui vise à déposséder les EPST de tout rôle de programmation scientifique en les transformant en de simples agences mettant leurs moyens humains à disposition de campus de recherche, constitués autour de pôles de compétitivité régionaux ou (inter)nationaux. Ceci vise à “ harmoniser ”, c-à-d. à aligner l’organisation de la recherche en France sur le “ modèle ” libéral anglo-saxon en vigueur dans de nombreux pays européens, à l’image des appels d’offre de la plupart des programmes de recherche européens.
Si les personnels se révélaient impuissants à inverser cette évolution, les financements contractuels attribués à des porteurs de projets risquent de devenir à terme prédominants sur les crédits récurrents ou thématiques que les organismes ou institutions nationales affectent aux laboratoires (c’est déjà réalisé dans certains secteurs comme le SPI). Cela risque de renforcer l’individualisme et la fragmentation du milieu tout en diminuant le rôle des laboratoires, éclatés entre des équipes concurrentielles, mises en compétition pour obtenir des subsides. Un des moyens de recréer – à défaut de solidarité – au moins du lien social entre chercheurs sur leur lieu de travail, devrait être que les équipes versent 10 à 15% (ou à tout le moins le financement affecté à la ligne budgétaire “ consommables ”) de leurs budgets contractuels au laboratoire qui paye les fluides, l’électricité, le téléphone, etc. Ce ne serait que justice pour 2 raisons : si le contrat est accordé à l’équipe c’est sans nul doute en raison du “ prestige ” de ses chercheurs et de l’ “ excellence ” du projet soumis … mais aussi peut-être à l’aura qui entoure le laboratoire qui accueille cette équipe ! La seconde raison est qu’il vaudrait mieux que cet argent soit prélevé par les laboratoires plutôt que par les organismes (CNRS, INSA, universités, etc.) qui gèrent ces contrats mais dont c’est le rôle puisqu’ils payent des personnels ad hoc dont c’est la fonction.

Le SNCS demande que la plus grande partie des budgets publics de recherche civile ne proviennent pas de crédits contractuels, et que si des projets finalisés s’avèrent nécessaires sur certains points, ils soient établis par des instances scientifiques où figurent des représentants majoritairement élus par les communautés scientifiques.

4) Méthodes d’évaluation

Parmi les instruments utilisés pour évaluer les activités des travailleurs scientifiques et de leurs équipes de recherche, un seul permet véritablement de lui conférer toute son efficacité et sa transparence : même s’il n’est pas parfait il est le moins mauvais de tous, c’est l’évaluation par des pairs comportant une majorité d’élus. L’expérience montre que si les instances administratives nécessaires au fonctionnement des systèmes d’enseignement et de recherche sortent de leur rôle propre et cherchent à fixer les objectifs de recherche et à évaluer les résultats scientifiques, le système perd de son efficacité. Ainsi, la technique des “ comités d’experts ” nommés par les instances administratives ou politiques pour l’ANR, voire même scientifiques dans le cas de la future Agence Nationale d’Evaluation (ANE) et du CER européen, aboutiront à l’opacité des critères de choix (pour camoufler les raisons inavouables de telle ou telle orientation) et aux dérives du clientélisme ou même du népotisme (pour accaparer les ressources disponibles au bénéfice de clans ou de chapelles).

Le SNCS exige que l’évaluation des activités scientifiques soit transparente et objective, y compris concernant l’attribution des financements européens. Cela ne peut se réaliser efficacement que dans des instances où les scientifiques concernés sont représentés par au moins une majorité d’élus dont les appréciations, les jugements et les recommandations sont largement diffusés auprès de la communauté scientifique (cf. fable en annexe).

III – Les PCRDT européens et le Conseil Européen de la Recherche (CER)

Le SNCS considère que si la politique de recherche de l’Union européenne doit pallier les insuffisances de certaines politiques nationales (notamment des nouveaux Etats membres), elle ne devrait en aucun cas s’y substituer. Au lieu de chercher à appliquer le principe de subsidiarité, cette politique devrait promouvoir et soutenir les collaborations entre les Etats membres qui en seraient partie prenante dans le cadre de la MOC. Le principe de subsidiarité devrait au contraire jouer à plein dans la définition de cette politique.
La méthode utilisée par les PCRDT est celle du financement sur projets finalisés avec appel d’offres et sélection par comités d’experts opaques et instances politiques européennes. Dès le départ, l’objectif majeur de ces programmes a été présenté comme la volonté de produire des résultats scientifiques et technologiques capables de renforcer la compétitivité de certaines industries européennes à l’échelle internationale. Avec le 7 ème PCRDT (FP7 de 2007 à 20013), c’est encore plus vrai et les critiques émises par le passé par le SNCS sont toujours valables. Seules, 2 critiques semblent avoir été entendues dans la préparation du FP7 :
· La nécessité de simplifier et d’assouplir les procédures administratives et financières (notamment pour les PME), demandes unanimes du milieu qui ont été relayées par le rapport Marimon de juin 2004,
· C’est la Recherche et le Développement Technologiques (RDT) qui sont essentiellement financés au détriment de recherches fondamentales sans débouchés immédiatement visibles. Ces dernières sont insuffisamment soutenues alors que ce sont elles qui sont porteuses des découvertes (par définition non prévisibles) qui conditionnent les programmes de R&DT qui en découleront.

Pour le reste, les critiques émises par le SNCS en 1997 restent d’actualité :
· Ce n’est pas au secteur public européen de financer des recherches au bénéfice des entreprises, et s’il met en place des programmes finalisés, il ne peut prétendre à l’efficacité en fixant à l’avance une multitude d’objectifs,
· Un niveau élevé d’efficacité ne pourra pas non plus être atteint par l’utilisation de groupes d’experts nommés arbitrairement, travaillant dans le secret, et ne publiant aucune justification de leurs choix ni de leurs évaluations.

Le FP7 se situe dans la continuité du FP6, voire en accentue ses orientations : davantage tourné vers la compétitivité industrielle, sa raison d’être est de réaliser une meilleure “ articulation ” européenne des pôles de compétitivité nationaux. La France est de plus intervenue (note CLORA 33 du 18/03/2005) pour signifier que la cohésion européenne (via les fonds structurels qui stagneront vu le refus d’augmenter les contributions des Etats membres au budget communautaire) ne devrait pas se faire au détriment de l’excellence des 4 programmes du FP7 !
· Le premier programme du FP7 reprend les 7 priorités du FP6 (financées à hauteur de 61% du budget global du FP7, dont 28% pour les STIC), mais en rajoute 2 (Sciences Humaines et Sociales) qui, ignorées dans le FP6, recevront 1.7% du budget global du FP7. C’est dire à quel point les SHS sont considérées comme “ prioritaires ” !
· Le second est dévolu au CER qui sera financé à hauteur de 16% du budget global.
· Le troisième (“ressourceshumaines”) recevra 10% du budget et sera dévolu aux doctorants,aux bourses MarieCuriepour créerdestrajetsdecarrière(“career paths ”) et faciliterlamobilitéinternationaledes chercheurs: le rapporteurde la commission del’Industrie,dela Rechercheetdel’Energie rapportaitdevant le Parlement Européen (16/02/2005 ) :“l’Europedoit créer un véritable marché de la main d’œuvre pour les chercheurs ” et soulignait“l’importance primordiale de la reconnaissance mutuelle des titres dans ce contexte. L’objectifdoit être de développer parmi les chercheurs une culture misant sur le lien entre réussite dans la recherche et réussite sur le marché ” !
Ainsi l’aspiration légitime i) des étudiants et des doctorants à voir leur formation et leurs compétences reconnues à travers l’Europe, ii) des chercheurs à la coopération, aux échanges et à la mobilité volontaires, est dévoyée et instrumentalisée pour réaliser un marché du travail européen qui puisse être compétitif avec celui des USA.. Est-il besoin d’affirmer qu’il faudrait, pour freiner l’exode des “ cerveaux ” et d’attirer les meilleurs chercheurs y compris états-uniens, consacrer sûrement plus que le maigre 10% du budget du FP7 pour augmenter les allocations de recherche et les salaires, créer les emplois statutaires stables en nombre suffisant, assurer les cotisations à la sécurité sociale et aux pensions de retraite, ces droits (notamment pour les femmes désirant aussi être mères de famille) devant être gardés lors des mobilités effectuées d’un pays à l’autre ?

Pour répondre aux besoins collectifs des peuples qui ne peuvent pas être atteints par les seuls systèmes nationaux de recherche, le SNCS demande une réorientation de la politique européenne de recherche dans le sens d’une meilleure promotion des missions d’un service public de recherche, par exemple :
· L’amélioration des coopérations européennes entre systèmes d’enseignement et de recherche nationaux,
· Des programmes européens de formation par la recherche, d’échange d’enseignants et de chercheurs,
· De recherches sur l’identité culturelle européenne et sur l’histoire et la préhistoire européenne,
· Des recherches sur l’organisation de la paix et de la sécurité en Europe, et à l’échelle mondiale,
· Des programmes de renforcement des systèmes d’enseignement et de recherche chez les partenaires internationaux de l’Europe, etc.

Le SNCS demande que les programmes finalisés destinés à produire des innovations technologiques portent sur des domaines assez larges, et non sur des objectifs précis, qui deviennent vite obsolètes et bloquent les possibilités de découvertes en dehors de ces rigidités thématiques.

Le SNCS demande également que l’élaboration des programmes européens, l’attribution des contrat de recherche et l’évaluation des résultats soient effectués au grand jour, dans des instances comprenant des représentants élus de la communauté scientifique, qui pourraient être issus des instances nationales d’évaluation de la recherche.

Enfin, le SNCS revendique que les programmes de recherche européens ne soient réalisés que par des travailleurs scientifiques permanents des institutions de recherche publiques ou privées, recrutés sur la base de statuts négociés avec leurs organisations syndicales leur garantissant des droits et conditions de travail correspondant aux nécessités de la recherche. La recherche européenne ne pourra produire de résultats de qualité si elle s’effectue sur la base d’emplois précaires, sans conditions de travail ni perspectives de carrières satisfaisantes. Ne devraient pouvoir travailler à l’exécution des contrats européens, aux côtés de ces travailleurs scientifiques permanents, que des boursiers européens participant à ces programmes au titre de la formation par la recherche.

Mandat : les militants du SNCS défendront ces propositions bien sur auprès des ministères concernés, mais aussi au sein de la FSU, du CPESR et de l’IE ainsi qu’au sein de SLR et de l’ESSF (European Scientific Social Forum) qui a été créé lors du 3ème FSE de Londres. A l’image de SLR en France, l’ESSF se veut un lieu d’élaboration de politiques européennes de recherche alternatives, en réunissant des scientifiques et des acteurs de la société civile (thème particulièrement absent du présent document). L’ESSF a notamment entrepris un travail d’amendements du 7 ème PCRD qui ont été remis au Parlement Européen fin septembre 2005, travail auquel le SNCS n’a pas participé faute de mandat (et de militants ?). Il me semble souhaitable que le CSN se penche aussi sur cette question.

Propositions actualisées par L . Brossard (25/10/2005), représentant le SNCS au CPESR
(Comité Permanent de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche
auprès de l’IE et du CSEE)

PS : on peut trouver un forum de préparation du FP7 à http : //eurosfaire.prd.fr/7pc/forum/

Note : histoire de la star qui s’est jouée de l’opacité des experts ou “ publish and perish ”.

Il était une fois, dans un grand pays d’outre-atlantique, un laboratoire au nom prestigieux, le MIT de Boston.
Il ne devait pas tant sa réputation à sa grosseur (car certains croient que plus on est gros ou grands et plus on est visible) de son institution mais à la qualité des travaux qui en sortaient. Il était si bien auréolé qu’il était très “ visible ” à travers la grille de critères pas toujours pertinents de l’université de Shanghai.
Or voici que dans cette noble institution, fort respectée par ses pairs (elle l’est toujours), vint à travailler un doctorant (ou post-doctorant peut importe) qui cherchait à stabiliser son emploi précaire puisqu’il était encore trop jeune pour être permanent. Ce doctorant répondait au beau nom de Schön et la rumeur avait commencé à se répandre sur les qualités, voire l’ “ excellence ” de ce physicien expérimentateur. Pour parfaire sa réputation de star, il publia dans des revues insoupçonnables comme “ Science ” puis “ Nature ” d’abord un puis plusieurs articles. Ces articles furent “ référés ” par des “ experts ” opaques, mais désignés par des revues au dessus de tout soupçon (sauf mercantiles) et donc considérés dans le milieu comme intègres.
Ces articles firent grand bruit : en dopant par effet de champ soit en électrons soit en trous d’abord des hétéro-jonctions puis des fullerènes, cette star était en mesure d’y induire soit la supraconductivité soit l’effet Hall quantique, bref de quoi faire rêver tout physicien de la matière condensée.
Pour valider ces résultats supervisés par un patron de thèse intègre mais manifestement pas assez soupçonneux, nombre de responsables d’équipes (qu’on nomme dans certains cercles des “ porteurs de projets ”) donnèrent, deux ans durant à travers le monde, ces sujets de thèse à leur thésard. Las, ces doctorants, qu’ils soient japonais, européens ou même états-uniens, étaient incapables de reproduire ces résultats miraculeux et se désolaient de se voir si peu “ doués ”.
Au bout de 2 ans, le MIT – et c’est son honneur – finit par créer en interne une commission d’évaluation chargée d’élucider l’affaire. Le pot aux roses fut enfin découvert et la supercherie dévoilée : pendant 2 ans, un chercheur “ excellent ” avait réussi à truquer ses résultats et à déjouer les “ experts ”. La raison en est simple : outre l’ “ excellence ” des idées portées par ce doctorant, le système d’évaluation était trop opaque pour être efficace. Dit autrement, plus l’ “ excellence ” est là et moins d’opacité il faut dans l’évaluation.
Moralité : si le MIT avait joué son rôle de laboratoire en soumettant les travaux de cet “ excellent ” chercheur à la confrontation publique de ses pairs avant de l’autoriser à publier, pareille aventure aurait pu être évitée. Même s’ils en ont rêvé et même s’ils ont beaucoup appris à cette occasion, de nombreux jeunes doctorants n’auraient sans doute pas perdu leur temps …



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