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Universités : les mensonges de Sarkozy. (13/03/12)

mmSNCS-FSU14 mars 2012

Sur le site de Libération : http://www.liberation.fr/politiques/01012395521-universites-les-mensonges-de-sarkozy

Par THOMAS PIKETTY directeur d’études à l’EHESS et professeur à l’Ecole d’économie de Paris.

Au palmarès des mensonges les plus éhontés du quinquennat qui s’achève, l’enseignement supérieur et la recherche occupent une place à part.«Priorité des priorités», «grande cause nationale», «effort financier sans précédent» : les superlatifs n’ont pas manqué pour expliquer au pays et convaincre les médias que le pouvoir en place avait fait de l’investissement dans le capital humain un axe central de sa politique. Pourtant les universitaires n’ont cessé de manifester, et s’apprêtent selon toute vraisemblance à voter massivement pour l’alternance. Alors, qui a raison ? Les enseignants-chercheurs sont-ils d’irréductibles gauchistes, des ingrats incapables de reconnaître quand la droite mène enfin une action positive et leur accorde des moyens supplémentaires ? Ou bien Sarkozy a-t-il de nouveau menti avec un tel aplomb que beaucoup d’observateurs s’y sont laissé prendre ? La vérité oblige à dire que nous sommes une fois de plus dans ce second cas de figure, celui du président affabulateur.

Reprenons le fil des lois de finances et des documents budgétaires. En 2012, le budget total de la recherche et de l’enseignement supérieur sera de 25,4 milliards d’euros (soit un peu plus de 1,2% du PIB). Sur ce total, la moitié ira aux formations supérieures et à la recherche universitaire (12,5 milliards d’euros). Cette somme représente la totalité des moyens allant aux universités et aux diverses écoles et instituts, quel que soit leur ministère de rattachement. L’autre moitié ira aux aides étudiantes (2,2 milliards) et aux divers organismes de recherches : CNRS, ANR, Inra, Inserm, mais aussi recherche spatiale, nucléaire, etc. (10,7 milliards).

En 2007, la répartition globale était très proche, et le budget total de la recherche et de l’enseignement supérieur atteignait 21,3 milliards d’euros, dont 10,7 milliards pour les formations supérieures et la recherche universitaire. Sur cinq ans, la progression est donc de 19,2% pour le total, et de 16,8% pour la part concernant les universités et écoles. Il faut bien sûr retrancher l’inflation, qui entre janvier 2007 et janvier 2012 s’élève à 9,7%. La croissance réelle atteint alors péniblement 7%-8% sur cinq ans, soit à peine plus de 1% par an. On peut se consoler en notant que c’est légèrement mieux que la croissance du PIB sur la même période. Mais si l’on ajoute à cela que le nombre d’étudiants a lui-même progressé d’environ 5% (passant de 2,2 à 2,3 millions), alors la conclusion est claire. Au cours du quinquennat 2007-2012, malgré les discours, l’investissement dans le capital humain a presque stagné en France. Les rares moyens nouveaux ayant en outre été concentrés sur quelques pôles et au travers d’appels d’offres de plus en plus complexes et bureaucratiques (l’inflation sur le nombre de sigles a largement dépassé celle des budgets : Pres, Labex, Idex, Equipex…), avec au passage la création de structures gigantesques et sans doute ingouvernables (les Idex parisiens atteignent les 100 000-150 000 étudiants chacun, quand Harvard, MIT, Stanford en alignent moins de 40 000. S’imagine-t-on vraiment que cela nous permettra de monter trois fois plus haut dans les classements ?), pas étonnant que les budgets de base aient quant à eux franchement baissé. Pas étonnant non plus que les universitaires, qui a priori savent compter et ont vu autour d’eux les baisses de crédits et les suppressions de postes, et qui souvent ont fait le choix de revenir de pays beaucoup plus rémunérateurs pour eux (ou de ne pas y partir), en aient plus qu’assez de se faire traiter d’ingrats et de nantis.

En tout état de cause, ce n’est pas avec ce type de quinquennat que nous allons rattraper notre retard sur les pays les plus avancés. En attribuant les moyens des organismes de recherches aux étudiants (ce qui est douteux), on arrive péniblement à une dépense totale de l’ordre de 10 000 euros par étudiant en France, quand les Etats-Unis dépassent les 30 000 euros. A ce rythme, il faudrait plusieurs siècles pour combler un tel fossé ! Que l’on ne s’y trompe pas : c’est grâce à cet investissement dans leurs campus que les Etats-Unis conservent leur suprématie économique et leur influence intellectuelle et culturelle, en dépit des failles de plus en plus évidentes de leur modèle politique et social hyperinégalitaire. Pour que la France trouve sa place dans le XXIe siècle, nous devons enfin faire le choix du capital humain et fixer des priorités budgétaires claires. Avec 6 milliards d’euros, on peut augmenter de 50% les moyens de toutes les universités et écoles – et cela nous préparera bien plus efficacement pour l’avenir que les 6 milliards dépensés chaque année pour subventionner les heures supplémentaires, ou bien les 6 milliards de recettes annuelles perdus en ISF et en droits de successions. Il est plus que temps que la campagne s’empare de cette question avec des engagements précis.



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