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Un rapport de la Cour des comptes sur l’ANR. I – La petite grenouille qui enfle, qui enfle : comment fabriquer un monstre bureaucratique piloté de près. (05/04/2011)

mmSNCS-FSU5 avril 2011

Par Henri Audier


Le dernier rapport de la Cour des comptes sur l’ANR (Agence nationale de la recherche lancée en 2005 pour financer des recherches « sur projets ») est à la fois très conformiste et totalement explosif. Très conformiste parce qu’il ne s’interroge ni sur l’opportunité de l’ANR, ni sur son coût réel exorbitant, ni sur l’absence totale de démocratie par rapport aux scientifiques, pas plus que sur son rôle dans la démolition des organismes et des universités. Explosif parce qu’il démontre que l’ANR est devenue un monstre bureaucratique (1) contrôlant toute la recherche et que ses décisions récentes « sont appelées à changer fondamentalement la nature de l’agence, initialement conçue par le législateur comme une structure légère ». Explosif aussi parce que le rapport révèle que l’ANR impose ses orientations en faisant financer, de facto, ses propres contrats pour 75 % par les organismes et universités et parce qu’elle oblige la recherche à fonctionner sur CDD : 15 000 déjà il y a deux ans, des CDD pour les 2/3 sans avenir.

Un établissement sans aucun élu, qui concentre tout (ou presque)

La Cour souligne l’immense étendue du pouvoir de l’ANR : « favoriser des innovations industrielles, faire émerger des ruptures en matière de connaissances, apporter des réponses aux questions sociétales posées par les pouvoirs publics, préparer les structures de la recherche aux programmes communautaires, soutenir la plus large proportion possible des équipes de recherche publiques et privées, accélérer le renouvellement des thématiques de recherche dans les laboratoires ». Encore faudrait-il citer aussi la prospective thématique, le financement de colloques, la représentation de la France dans les instances et organisations européennes, la mise en œuvre du Plan campus, les Instituts Carnot et, last but not least, son rôle d’opérateur dans le Grand emprunt : 18,9 Mds€. Sans parler de ses 15 000 CDD. Le tout sans aucun élu : on ne risque pas l’overdose de démocratie.

L’ANR est toujours plus encastrée dans le pouvoir

Quel rôle pour l’ANR : organisme technocratique ou bras armé du ministère ? D’après la Cour des comptes, « le ministère insiste, quant à lui, sur le rôle prioritaire que devraient jouer les cinq regroupements disciplinaires récemment constitués sous forme d’alliances. Il les place au cœur des instances de concertation chargées de décliner les orientations de la stratégie nationale de recherche et d’innovation [SNRI] en actions programmatiques opérationnelles. » Et dans les faits, le pouvoir d’orientation qui était dans les mains de l’ANR, passe très directement au pouvoir via les Alliances, l’ANR en devenant le bras armé.

De plus les programmes « blancs » de l’ANR sont déclinés en disciplines plus ou moins soutenues financièrement. De plus, « il sera mis en place un nouvel indicateur en 2011 sous la forme d’un ratio mesurant la part des crédits du programme “blanc” affectés aux thématiques prioritaires de la SNRI arrêtée en 2009 ». Compris ?

L’ANR devient son propre opérateur, donc un super-organisme

Si l’ANR devient plus subordonnée encore au pouvoir, elle gagne en financement qu’elle gère puisqu’à son propre financement qui s’est stabilisé autour de 800 millions, s’ajoute son rôle d’opérateur du Grand emprunt, avec toute « l’indépendance scientifique » que l’on a récemment vue pour les Labex (2).

Mais un pas décisif est franchi par la transformation de l’ANR, qui distribuait des contrats dont la gestion était assurée dans les établissements, en une ANR centralisant dorénavant en son sein la gestion de ses contrats. Le rapport souligne que la croissance de l’ANR doit beaucoup aux « unités support ». « Ces équipes, hébergées par les organismes publics de recherche, étaient chargées de l’organisation matérielle des appels à projets, de la gestion des financements et du suivi des projets sélectionnés. Prévu dès la phase de conception de l’ANR, ce dispositif a permis à l’agence de conserver, jusqu’à mi-2009, une structure légère composée de moins de 80 personnes, dont plus de 50 % de personnels scientifiques ». En quelque sorte, si l’ANR était l’opérateur pour le Grand emprunt, elle n’était pour ses propres contrats qu’une agence décentralisant dans les établissements la gestion de ses contrats.

Pour la Cour, « la décision a été prise, à l’été 2009, de supprimer d’ici 2012 le recours aux unités supports. Pour justifier cette décision, l’ANR a mis en avant le fait que “certaines unités supports ne respectent pas le principe d’indépendance vis-à-vis de la structure dont elles relèvent administrativement”, fait état de « la confusion des informations scientifiques propres à l’organisme et celles issues des projets ANR ». (…) « L’ANR a considéré qu’un dispositif de gestion intégré à l’agence serait plus efficient, ce qui reste à démontrer ».

Autant dire que tout le baratin fait pour justifier le transfert de la gestion des Unités mixtes de recherche (UMR) des organismes vers les universités (« être au plus près des unités », avoir « un gestionnaire unique »), n’était que prétexte pour affaiblir les organismes. Et quant aux drelins-drelins sur la « simplification » et le « décloisonnement », ils volent en éclats : surtout pas de « confusion », pas de « complémentarité » entre l’ANR et les organismes. Pour le pouvoir, qu’elle horreur !

Lire la suite sur le blog d’Henri Audier….



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