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Thème 2 – Le progrès des connaissances et les retombées de la recherche

Jean-Luc Mazet1 avril 2015

Le texte suivant aborde le progrès des connaissances et les retombées de la recherche.

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Le progrès des connaissances et les retombées de la recherche

  1. La recherche a comme objectif premier le progrès des connaissances, qui est d’abord le fruit de la curiosité scientifique, sans objectif de retombées a priori. Beaucoup de découvertes, même parmi les plus utiles à la société, ont été effectuées d’une façon qui échappait à toute planification. La recherche scientifique n’est pas pour autant déconnectée de la société, dont elle peut utilement connaître les questions et les attentes. Tous les citoyens doivent pouvoir concourir à la définition de celles-ci en matière de recherche, de culture, de formation et d’aménagement du territoire.
  2. C’est à l’issue d’un processus de consultation démocratique qu’il doit revenir au Parlement et au gouvernement, après débat, de déterminer la part et le montant des financements qu’il accorde au progrès des connaissances et ceux qu’il accorde aux différents champs finalisés. Une fois ces arbitrages effectués, il revient aux scientifiques de déterminer les voies et moyens à mettre en œuvre pour travailler selon les perspectives démocratiquement définies. La logique des «contrats d’objectifs», absurde lorsqu’il s’agit d’activités non quantifiables, doit être abandonnée au profit de la restauration de la notion de service public. S’agissant du progrès des connaissances qui a son dynamisme et ses modes d’évaluation propres à l’échelle internationale, il doit appartenir aux seuls scientifiques, au travers d’instances représentatives, d’effectuer les choix de politique scientifique.
  3. Forts de leur indépendance, les travailleurs scientifiques et leurs représentants élus peuvent librement définir l’orientation de leurs recherches, dans le cadre de la politique de recherche définie démocratiquement, et éclairer les citoyens mais également le monde économique et social sur les grands enjeux technologiques, médicaux et sociétaux. Le drame récent du Médiator mis en avant par une chercheuse en est un exemple typique de résistance face aux pressions économiques et politiques. Cette indépendance permet également d’établir, via une concertation entre pairs, des choix d’orientations scientifiques à long terme dans des domaines fondamentaux mais également appliqués. La recherche avance grâce à sa diversité et des résultats, apparemment abstraits et sans application, trouvent de façon parfois inattendue leur débouché dans l’industrie. Une collaboration mutuellement avantageuse entre les chercheurs du secteur fondamental et les chercheurs industriels est souhaitable, sans subordination aucune d’un secteur à l’autre.

Les connaissances comme biens communs

  1. La gestion de connaissances et de techniques comme biens communs favorise l’innovation : il est ainsi possible d’associer, de combiner des savoirs pour développer des innovations, ce qui aurait été impossible si tous ces savoirs et outils de recherche avaient été brevetés et détenus par des propriétaires différents. Ainsi les premières combinaisons médicamenteuses à dose fixe contre le sida l’ont été au début des années 2000 par des laboratoires indiens et brésiliens dans un contexte où les médicaments n’étaient pas brevetés. L’institution de savoirs et de techniques comme des biens communs permet en outre de diminuer le coût des innovations et d’élargir leur accessibilité sociale. Des laboratoires publics, des universités, des ONGs, des organisations intergouvernementales ont d’ores et déjà monté des expériences de gestion de biens communs.
  2. Il faut définir de nouvelles politiques de propriété intellectuelle pour les organismes publics. La question de la propriété intellectuelle est un chantier à ouvrir, avec tous les chercheurs qui dans de nombreux domaines ont une pratique des brevets, des contrats, etc. Il faudrait parvenir à changer la culture de la propriété intellectuelle, souvent orientée vers l’exclusivité, la fermeture des marchés, l’optimisation des royalties, dans un sens de bien public, de biens communs pour la santé, l’environnement, pour des investissements industriels réels, etc. Cette démocratisation de la gestion de la propriété intellectuelle est urgente : à l’occasion de la dispute entre l’Inserm et l’université Paris Descartes sur l’attribution et la gestion de plusieurs dizaines de brevets — le litige porte sur 200 brevets — on se rend compte que ce patrimoine est géré de manière discrétionnaire par quelques spécialistes d’un bureau de transfert de technologie et par les présidents de l’Inserm et de l’Université qui échangent des courriers confidentiels, alors qu’il s’agit d’un patrimoine public ! la propriété publique doit être gérée démocratiquement.
  3. Il conviendrait de diffuser les politiques de licences open source expérimentés depuis le début des années 2000 dans une série de consortium de génomique pour prévenir la monopolisation des outils de recherche de base et pour faciliter le développement de nouvelles technologies (par exemple le consortium HapMap mis en place par la fondation Welcome).
  4. On peut également songer à promouvoir des communautés de brevets pour réunir des savoirs et techniques fragmentés, en vue de les ouvrir à tout utilisateur potentiel et pour empêcher l’émergence de monopoles ou de cartels et fixer des normes de prix, de qualité des produits issus de ces inventions. On observe la mise en place récente de patents pools par les NIH aux États-Unis pour réunir plusieurs centaines de brevets de gènes afin de développer de nouvelles générations de tests multi-gènes ou multi-marqeurs. En France, on pourrait songer à la mise en place de tels pools inter-organismes, avec des licences gratuites pour développer des technologies médicales ou agronomiques. Ces pools de connaissances doivent être administrés de façon à faire prévaloir la non exclusivité et l’accessibilité des innovations finales. Leur gestion doit être démocratique, à l’opposé d’une politique de cartels ou d’oligopoles. Une telle proposition a été faite à l’Office parlementaire d’évaluation des choix technologiques qui prépare un rapport sur la médecine personnalisée.
  5. Il faut encourager les partenariats de la recherche publique avec des réseaux qui privilégient une logique de biens communs dans le domaine du vivant, à l’exemple du réseau « semences paysannes » en France, dans le secteur de la publication scientifique, soumise au marché d’un petit nombre d’éditeurs et de l’informatique (cf. le quasi-monopole du système Windows).
  6. Les productions scientifiques, tout comme l’énergie ou l’eau, les productions patrimoniales, le médicament, le vivant en général, etc, doivent être reconnus comme biens communs. Cela exige des politiques de non brevetage ainsi qu’une gestion publique et démocratique de ces secteurs. Libérés de l’impératif de rentabilité financière immédiate, ils seraient à même de développer une importante activité de recherche industrielle, cruciale au regard des impératifs des enjeux socio-environnementaux et, en particulier, climatiques. On toucherait là au centre nerveux du capitalisme : la réalisation de super profit par le contrôle exclusif d’innovations, au bénéfice d’investisseurs privés singuliers.
  7. Pour résumer :
    • les conditions du suivi des coopérations entre recherche publique et recherche industrielle doivent être précisées pour évaluer les avantages mutuels ou non qu’elle procurent ;
    • les organismes publics de recherche doivent expérimenter de nouvelles formules de gestion de la propriété intellectuelle, pour favoriser la diffusion des innovations, le partage des connaissances et des technologies, la promotion de domaines communs de la recherche et de la technique ;
    • la gestion de ce patrimoine public doit être démocratisée (la propriété intellectuelle ce n’est pas seulement l’affaire des bureaux de transfert, fussent-ils de l’université ou du CNRS, et autres cabinets privés) ;
    • des pôles public et sociaux doivent être créés, en particulier pour la recherche pharmaceutique (l’urgence est criante au vu de la crise d’innovation dans ce secteur et la prolifération des affaires).
    • Enfin, il est crucial de protéger et de renforcer la capacité d’expertise des laboratoires publics pour évaluer l’innocuité et l’utilité sociale des innovations.

Jean-Luc Mazet



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