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Thème 2 – Le pilotage politique et industriel

Jean-Luc Mazet1 avril 2015

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Dans le monde, la création de nouvelles activités économiques et financières

  1. La confrontation actuelle autour de la « LRU2 » n’est qu’une des variations du processus mondial de « bulle technico-scientifique ». Dans un monde où la norme de la concurrence – qui était celle des grands oligopoles – s’est désormais généralisée aux institutions publiques et aux gouvernements se pose la question de la construction et de la mise en oeuvre par les dispositifs de production scientifique de leurs propres normes de fonctionnement et de déontologie.
  2. Dans le monde d’aujourd’hui, la connaissance est de plus en plus asservie à l’accumulation de profit privé. Elle n’est plus seulement appréhendée comme source de Progrès et d’inventions techniques, elle est devenue un bien rare, exploitable sur le marché (droits de propriété intellectuelle, brevets…). Et même s’ils continuent à faire leurs preuves, les dispositifs de recherche construits avec la communauté des scientifiques sont attaqués pour être mis au service de la compétitivité, ressort fantasmatique de la bonne marche de l’économie. Dès lors, dans le cadre de cette «dérive », la production de connaissance se doit d’être organisée sur le modèle du secteur privé, censé être plus «performant » que le service public : les institutions de formation et de recherche sont conçues comme des entreprises, basées sur le principe du management de la performance. C’est ce qu’expriment le processus de Bologne et la stratégie de Lisbonne.

En France, « ce qui se joue dans la performance de notre recherche fondamentale et technologique…»

  1. L’époque est désormais révolue où les gouvernements laissaient aux organismes de recherche publique ­ CNRS, Inserm, Inra, IRD, Inria etc. ­ et d’enseignement supérieur une large marge de manoeuvre dans leur gestion et leur programmation scientifique. Les années Sarkozy ont mis en oeuvre une déstructuration radicale de l’organisation et du fonctionnement de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) au nom de l’innovation pour la compétitivité des entreprises, avec une violence et un autoritarisme inouïs.
  2. Face aux résistances des acteurs de l’ESR, différentes stratégies ont été mises en oeuvre par le gouvernement dont l’objectif était l’implosion des services publics, et les armes consistaient l’élaboration d’une « culture de projets », le «Pacte pour la recherche », la « Loi relative aux libertés et responsabilités des universités » (LRU), la création de diverses agences de programmation (ANR,…) et d’évaluation (AERES…) composées uniquement d’experts nommés par le pouvoir politique. Cette volonté excluait, de fait, toute instance élue représentative des acteurs de la recherche et tout dispositif consultatif. Les méthodes ont été également plus insidieuses : réduction des dotations aux organismes, développement des emplois précaires en lieu et place des emplois permanents statutaires, primes et promotions attribuées dans l’opacité de la voie hiérarchique, etc.
  3. Aujourd’hui, justifiés par le pouvoir au nom de la « visibilité internationale » et de la « compétitivité », les regroupements d’établissements de natures diverses (universités, grandes écoles, start-up, laboratoires industriels et autres CEA Tech), sont préservés dans le projet de loi Fioraso. Pilotés de façon bureaucratique, structurés en fondations de droit privé, comme l’opération Paris Saclay leur objectif affiché est le « transfert » (terme répété jusqu’à plus soif dans le projet de loi) vers l’entreprise. Si le pillage direct, sous Sarkozy, des budgets publics par des «Partenariats Publics Privés » semble abandonné dans le projet de loi Fioraso, ces combinats s’accompagnent de l’abandon de thématiques jugées sans intérêt pour l’innovation, et d’un affaiblissement de structures démocratiques, au bénéfice d’une « gouvernance » autoritaire inspirée de l’Association des entrepreneurs européens.

Le rôle du ministère

  1. Le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a des fonctions importantes, qu’il ne doit pas outrepasser: (i) il doit présenter le budget au Parlement après avoir pris en compte les avis requis, (ii) il doit assumer la tutelle des organismes de recherche dans le respect de leurs missions, (iii) il doit disposer de moyens pour faire face aux urgences et pour favoriser des thématiques émergentes, (iv) il doit assurer la cohérence de l’action publique avec les ministères connexes: culture, éducation nationale, industrie (innovation), santé, agriculture ou environnement, affaires étrangères.
  2. L’établissement d’une prospective et d’une stratégie globale est certes une nécessité pour la recherche. Mais la SNRI (stratégie nationale de recherche et d’innovation) propulsée par la droite s’est disqualifiée par son mode d’élaboration anti-démocratique et son utilitarisme étroit, qui ont produit un document d’une rare platitude, dont le seul but est de réorienter la recherche publique vers les besoins exprimés par le secteur privé. Une véritable stratégie nationale de recherche doit être ouverte aux différentes composantes de la société et intégrer la prospective proprement scientifique.Cette dernière doit être coordonnée par un Comité national de la recherche scientifique élargi aux instances d’évaluation de tous les établissements publics scientifiques et techniques, et reconnu par la communauté scientifique parce que composé d’au moins 2/3 d’élus représentant toutes les catégories.
  3. La recherche publique doit être réalisée par deux types d’établissements coopérant entre eux, les universités et les organismes de recherche,qui tous doivent rester des établissements publics.Tous doivent être véritablement autonomes et maîtriser leur politique scientifique et sa mise en œuvre. Le SNCS récuse la politique qui conduit chaque établissement dans une fonction particulière : l’ANR pour fournir l’essentiel des financements aux laboratoires, l’AERES (ou un Haut Conseil de l’Évaluation qui conserverait ses attributions) pour les évaluer, les EPST pour fournir une partie des personnels (du moins pour l’instant), les universités pour jouer seules le rôle d’«opérateurs» de recherche en mettant en œuvre une politique qu’elles n’ont décidée en rien, à travers notamment des Labex et des Idex labellisés par le Premier ministre. Le SNCS exige la suppression des structures issues du Pacte de la Recherche et de la LRU.

Les fondations

  1. Il existe depuis fort longtemps des fondations importantes, auxquelles s’adossent par exemple l’Institut Curie, l’Institut Pasteur, la MSH et Sciences Po.
  2. Les fondations de coopération scientifique,imposées aux universités et aux organismes de recherche,ont été créées pour gérer la plus grosse part du «grand emprunt».Elles permettent ainsi l’orientation vers les intérêts privés de l’argent public destiné à la recherche publique.Elles sont maintenues par l’actuel projet de loi.Dans l’état actuel des choses,les fondations imposées aux universités et aux organismes de recherche donnent un droit d’entrée au pilotage de la recherche par les entreprises.Elles visent à distribuer l’argent public par des voies détournées et n’apportent que des sommes négligeables de la part des entreprises; le gouvernement annonce qu’il leur confiera une majorité du grand emprunt en dotation en capital.Elles permettent ainsi l’orientation vers les intérêts privés de l’argent public destiné à la recherche publique. Elles sont également conçues pour permettre de remplacer la création d’emplois publics par le recours à la sous ­ traitance,et sont donc une arme contre les garanties statutaires des personnels. Ces fondations créées en «appui» des établissements d’enseignement supérieur et des EPST, et qui visent en fait à les dévorer, doivent être supprimées. Les établissements publics doivent avoir la liberté d’investir, s’ils le décident, l’argent public sans passer par un établissement de droit privé.

La mise en extinction de l’ANR

  1. Parce que l’ANR consacre la «culture de projet» à court terme qui,en matière de recherche fondamentale, est une absurdité et parce qu’elle prive en pratique les EPST de leurs moyens de financement de leurs propres programmes de recherche, l’ANR doit être dissoute. Les engagements pluriannuels passés jusque-là par l’ANR doivent être repris par les EPSTafin de ne pas être interrompus.Les moyens financiers de l’ANR doivent être transférés vers les organismes de recherche et les établissements d’enseignement supérieur afin qu’ils puissent financer leurs laboratoires, y compris sur une base pluri-annuelle, sans qu’ils aient à regretter la loterie de l’ANR. Les laboratoires doivent recevoir de leurs tutelles les moyens de soutenir efficacement les opérations de recherche nouvelles,celles des jeunes en particulier.Ces moyens récupérés devront également permettre la création d’emplois visant à résorber la précarité massive que l’ANR a créée.Les personnels de l’ANR seront affectés vers les EPSTou les établissements d’enseignement supérieur.

Jean-Luc Mazet



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