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Sauvons le CEDEJ (08/01/2010)

mmSNCS-FSU8 janvier 2010

Le ministère des affaires étrangères a décidé d’amputer le Centre d’études et de documentation économique, juridique et sociale (CEDEJ) au Caire. Le personnel de la bibliothèque vient d’être licencié brutalement et au mépris même du droit égyptien du travail. Le CNRS semble accepter de fermer les yeux sur le démantèlement de l’unité de service et de recherche qu’est le CEDEJ.

Le SNCS appelle a signer la pétition de défense du CEDEJ à l’adresse suivante: http://cedej.vbat.org/


Le Centre d’études et de documentation économique, juridique et sociale (CEDEJ) est un Institut français de recherche à l’étranger (IFRE), dépendant à la fois du Ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il fait donc partie du réseau des 27 IFRE répartis sur une grande partie de la planète et présents au Mexique, au Pérou, en Inde, Chine, Asie du Sud Est et Centrale, Iran, Turquie, Moyen Orient et Maghreb et en différents pays d’Europe, réseau que nous envient les chercheurs européens travaillant sur ces régions du monde, très heureux de pouvoir profiter des facilités de recherche offertes par ces instituts (et en particulier par leurs bibliothèques et leurs centres de documentation).

Bref historique

Le CEDEJ a été créé en 1970, comme centre de documentation, dans le cadre des accords culturels franco-égyptiens. Ce Centre était, entre autres raisons, constitué pour héberger la très riche bibliothèque de l’ex-Ecole française de droit du Caire (fondée en 1890), bibliothèque scandaleusement dispersée – par manque d’intérêt et inculture – par les autorités de tutelles (mission de coopération culturelle en Egypte !) au début des années 1990. En 1982, le CEDEJ a été transformé en centre de recherche du MAEE à l’étranger. En 1986, sous la conduite de Jean Claude Vatin (politologue et directeur de recherche émérite au CNRS, qui a le plus fait pour le développement du centre), le CEDEJ est devenu une unité de recherche associée du CNRS (URA), affiliation qui n’a pas cessé depuis (sous forme actuellement d’unité de service et de recherche). En 1993, le CEDEJ a créé une antenne à Khartoum. Durant les années quatre-vingt-dix, le centre a compté simultanément, en plus de son directeur et d’un solide secrétariat, jusqu’à cinq chercheurs docteurs rémunérés par le MAE durant quatre ans, six chercheurs confirmés affectés par le CNRS pour quelques années, quatre chercheurs docteurs égyptiens recrutés localement (soit, en tout, 15 chercheurs seniors), plus six à dix boursiers doctorants pour une longue durée et un nombre considérable de boursiers doctorants pour une courte durée. Le CEDEJ comptait également un personnel d’appui à la recherche (dont 7 documentalistes et bibliothécaires) composé d’une quinzaine de personnes.
Le CEDEJ a peu à peu construit, en une dizaine d’années, des services d’appui à la recherche irremplaçables, connus et fréquentés par des spécialistes de l’Egypte et du Soudan contemporains venus du monde entier, du Japon aux Etats-Unis :

  un centre de documentation comportant actuellement, après 27 ans de fonctionnement, un million d’articles indexés de la presse égyptienne (ce qui est unique en Egypte) ;

  une bibliothèque contenant 40.000 ouvrages traitant de l’Egypte et du Soudan contemporains (dont plus de la moitié d’ouvrages en arabe, collection qui, en son genre, est unique elle aussi), sans parler de 5.000 publications statistiques égyptiennes, dont il n’existe aucun équivalent, même à la bibliothèque du Centre national de la statistique (CAPMAS) ;

  un observatoire du développement urbain de l’Egypte équipé d’une énorme base de sept millions de données démographiques géo-référencées et d’une cartothèque quasi-exhaustive ;

  une cellule de publication, qui a édité un nombre considérable d’ouvrages, une revue trimestrielle puis semestrielle, des dossiers et documents, etc., le tout représentant, sur vingt ans, des dizaines de milliers de pages.

Les menaces

C’est cette structure exceptionnelle qui, depuis le début des années 2000, a commencé à connaître des problèmes : les effectifs de chercheurs, comme les achats d’ouvrages pour la bibliothèque sont allés en décroissant, suite à l’amputation annuelle des budgets et, visiblement, un certain désintérêt du MAEE pour cette structure de recherche. Les directeurs successifs se sont battus becs et ongles pour maintenir le budget, tout en encourageant au maximum le financement extérieur des programmes de recherche, ce qui fut en grande partie réalisé. Comme toute institution, le CEDEJ devait certes se réformer, le tout dans un contexte difficile : un directeur qui, pour des raisons administratives personnelles, ne termine pas son mandat, suivi d’un premier intérim d’un an, désastreux, un nouveau directeur remarquable mais qui décède au bout de moins de deux ans de mandat, le tout suivi d’un autre intérim lui aussi désastreux, assuré directement par un attaché culturel n’ayant que mépris pour les activités de recherche.

L’amputation du centre de documentation

Puis, enfin, en juin 2008, le MAEE impose, non des « réformes », mais des coupes drastiques dans les dépenses de personnel et un reformatage à la baisse de l’institution, dans tous les domaines et dans le seul souci de faire des économies à court terme et tous azimuts. Cette réforme se double du déménagement du Centre, rendu nécessaire par la vente par la France du bâtiment abritant le consulat de France, dans lequel le centre était hébergé gratuitement. Le MAEE ne voulant pas en assumer les frais, il semblerait que le CNRS ait accepté de payer le loyer, modéré, d’un appartement de taille moyenne censé abriter un « CEDEJ réduit » et de fermer les yeux sur la suppression des services évoqués ci-après. Le nouveau directeur, au lieu de négocier fermement des réformes indispensables en faveur des activités de recherches, en jouant sur les marges de liberté que sa fonction pouvait lui laisser et en accord avec la communauté scientifique, se soumet aux diktats des représentants sur place du MAEE, sans se soucier ni des méthodes employées, ni du droit égyptien du travail : avis de licenciement envoyés à deux chercheurs égyptiens en CDD annuels en principe reconduits, ceci quelques jours avant la fin de leur contrat, leurs postes ayant été purement et simplement supprimés. Cette mesure, prise en décembre 2008, avait déjà déclenché l’an dernier de vives protestations. Elle ne faisait en fait qu’anticiper la fermeture définitive du centre de documentation et de la bibliothèque et le licenciement des six documentalistes et de l’appariteur – eux aussi non remplacés – qui y étaient affectés, privant le centre, ses chercheurs et les chercheurs extérieurs (égyptiens et autres) de deux outils de recherche irremplaçables. Ces mesures, annoncées le 8 décembre, prendront effet le 1er avril 2010 (préavis oblige).
Il faut insister sur le fait que ces mesures ont été prises sans aucune concertation avec qui que ce soit, sans aucune annonce ni discussion préalable et que les solutions annoncées apparaissent comme des mesures palliatives dérisoires et inventées pour la circonstance (par exemple, déménagement « possible » de certains éléments de la bibliothèque ou de la documentation à Alexandrie, à 220 kilomètres du CEDEJ !). Simultanément, les activités de recherche sont supposées être « recentrées » (avec l’assentiment complet du directeur qui dit vouloir promouvoir une mythique « recherche utile au service des intérêts économiques et politiques de la France et de ses hommes d’affaires ») autoritairement, par l’Ambassade, autour du projet d’Union pour la Méditerranée, selon un agenda purement politique (et par ailleurs des plus flous).

Conclusion

Amputation féroce d’une grande partie de ce qui a fait la réputation et la véritable utilité du CEDEJ, négation de l’énormité du travail accumulé, mépris complet du personnel qui en a été l’acteur, licenciement brutal de ce dernier, recentrage autoritaire et purement politique sur de nébuleuses thématiques déterminées par un agenda opportuniste et très probablement éphémère, négation de toute marge d’autonomie de la recherche, abandon d’un fleuron de la coopération scientifique franco-égyptienne, telles sont les caractéristiques de ce qui n’est en fait qu’une liquidation larvée de ce centre, et qui pourrait préluder au démantèlement d’autres IFRE.
Au-delà même de ces faits gravissimes – et les anciens partenaires égyptiens du CEDEJ ne s’y trompent pas et l’ont écrit dans la presse – ce qui se dessine, c’est la fin de l’impulsion, par la France, de véritables travaux de recherche visant à la compréhension en profondeur de pays qui ne sont plus considérés en eux-mêmes comme importants… et la renonciation à des outils pourtant non-négligeables de son rayonnement international.



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