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Réponse au Figaro.fr (12/02/09)

mmSNCS-FSU16 février 2009

Monsieur le Rédacteur,


Dans LE FIGARO.fr du 12/02/09, un de vos articles s’intitule Un quart des enseignants-chercheurs ne publient pas. Ce texte contient des affirmations qui sont entièrement basées sur les données, invérifiables, d’un service statistique du ministère de l’enseignement supérieur. Mais, qu’elles soient fausses ou exactes, elles appellent quelques commentaires.

Il faut lire l’article pour se rentre compte que le titre – provocateur – que vous avez retenu à dessein pour qu’il reste dans la mémoire du lecteur pressé, résume bien mal votre texte lui-même, qui pointe des réalités très contrastées suivant les disciplines, contrastes qui d’ailleurs ne sont pas toujours du fait des individus. Car il faut tout de même dire qu’en Droit, par exemple, l’exercice parallèlement à l’enseignement d’une activité lucrative a toujours été encouragée par l’Etat, ne serait-ce que pour combler l’ampleur des décalages de revenus entre un grand avocat et un professeur d’université. Si ce cumul était proscrit, personne ne choisirait la carrière universitaire. Même chose pour les disciplines de Gestion. Chacun sait aussi que c’est le même argument qui a conduit l’Etat à autoriser l’exercice privé de la médecine dans les hôpitaux publics. Quant aux autres, pour éviter la mise à niveau de leurs salaires, cela fait bien vingt ans que les gouvernements susurrent – surtout aux «Sciences dures» – que pour arrondir fortement les fins de mois, les chercheurs et enseignants-chercheurs devraient faire de la consultance dans les entreprises privées. Sans discuter ici du fond – il s’agit de questions de revenus tirés d’activités d’une certaine façon en interaction avec la société et souvent en rapport avec le contenu de l’enseignement – on doit dénoncer le fait que le ministère, pour ses besoins conjoncturels, fustige à présent une situation qu’il a, historiquement, lui-même fabriquée.

Le problème sous-jacent, qu’il faudra bien traiter, est bien sûr celui de l’attractivité des carrières universitaires et de la recherche. Justifier comme le fait votre article les bas salaires des universitaires par l’absence d’évaluation (j’y reviendrai) est une absurdité. D’ailleurs, les salaires des chercheurs ne sont-ils pas exactement comparables, alors même qu’ils sont quant à eux évalués tous les deux ans au moins, et ce depuis au moins un demi-siècle?

J’en viens aux 20 % d’enseignants-chercheurs non-publiants, en sciences dures et sciences de la vie. Loin d’être scandaleux, il s’agit somme toute d’un chiffre faible puisque – comme Le Figaro l’indique à la fin de l’article en question, une partie des enseignants-chercheurs doit se consacrer à des taches administratives et pédagogiques lourdes comme l’aide à la recherche de stages ou la recherche de contact avec les entreprises ou encore à l’organisation de la formation permanente ou la diffusion de la culture scientifique. Quant au Président d’université qui semble dire qu’il est facile de faire publier un article dans Nature ou Science tous les 4 ans, dommage pour son université qu’il ait troqué son travail scientifique pour une tâche administrative: il aurait pu contribuer à faire gravir à son université quelques échelons de l’inepte classement de Shangaï. Quant aux Sciences humaines et sociales, tout le monde convient que les critères de publiance utilisés ne sont pas pertinents pour juger de la qualité et de l’intérêt des recherches: dans beaucoup de disciplines ce sont les ouvrages et non les articles qui marquent les étapes.

Certes, il y a ici ou là des situations peu satisfaisantes voire anormales, comme dans toutes les profession, et tout le monde le sait. Mais comme le dit la CPU, on ne fait pas un nouveau statut pour quelques cas marginaux. Les enseignants-chercheurs français, comme dans les autres pays, sont évalués au moins au recrutement ( très sélectif) et aux changements de grade. Faut-il aller plus loin : assurer un suivi tous les 4 ans par le CNU comme l’ont proposé les Etats-généraux de 2004 ? Pourquoi pas, si l’on résout le problème difficile, mais important, des critères d’évaluation de l’enseignement.

La question aujourd’hui posée est de savoir comment faire ce suivi, dès lors qu’on aura défini à quoi il doit servir. Car, comme le soulignaient notamment Albert Fert, le problème majeur est d’augmenter le temps que chaque enseignant-chercheur pourra consacrer à la recherche. Accroître fortement ce temps – avec une évaluation périodique – est en effet indispensable tant pour la qualité de l’enseignement dispensé que pour le potentiel recherche du pays. Les jeunes maîtres de conférence, les ATER devraient voir leur temps d’enseignement allégé de moitié pour pouvoir «survivre» en recherche, surtout lorsqu’ils enseignent dans des établissements où il n’y a pas de laboratoires correspondant à leur spécialité et font leur recherche ailleurs.

Et ce n’est pas le «plan licence» – basé sur la généralisation des heures complémentaires – ou la nouvelle mission d’insertion – sans moyens nouveaux – qui vont faciliter les choses, surtout dans le contexte actuel de suppression d’emplois statutaires de BIATOS et de chercheurs, qui sont évidemment des appuis pour le travail des universitaires. Enfin, plus nombreux seront les sites universitaires privés d’activités de recherche, plus nombreux seront les brillants maîtres de conférence qui seront définitivement perdus pour la recherche.

Alors que N. Sarkozy et V. Pécresse cessent de se moquer des universitaires, qu’ils gardent pour eux leurs insultes. S’ils veulent donner des preuves d’amour, qu’ils retirent ces décrets, qu’ils proposent une plan de création d’emplois, qu’ils ouvrent la discussion et la négociation directement sur l’ensemble des sujets en cause. Nous y sommes prêts. Mais eux, le sont-ils?

Henri Audier

Ancien membre du Conseil supérieur à la recherche et à la technologie



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