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Recrutement des chercheurs : politique scientifique ou ciblage des laboratoires ? SNCS-HEBDO 11 n°14 du 18 juillet 2011

mmSNCS-FSU18 juillet 2011

Les directeurs des unités de recherche ont reçu à la fin juin des directions d’Instituts du CNRS un courrier sur « la stratégie scientifique et les priorités du CNRS dans sa politique de recrutement de chercheurs ». Cette lettre est maintenant diffusée dans la communauté scientifique, où elle suscite une très vive protestation. La manière explique ces réactions : aucune consultation en amont du Conseil scientifique du CNRS, des Conseils scientifiques des Instituts et des sections du Comité national. Mais le contenu est plus dangereux encore : sélection d’« en haut » de thématiques et de laboratoires pour les futurs chercheurs, dès 2012. Le SNCS exige pour les organismes de recherche une politique scientifique plus ambitieuse que celle qui se borne à anticiper, par les concours, les résultats du « Grand emprunt ».

Patrick Monfort, Secrétaire général du SNCS-FSU

SNCS-HEBDO 11 n°14 du 18 juillet 2011

Fin juin dernier, les directeurs des laboratoires du CNRS ont reçu une lettre de leur Institut de rattachement. Le contenu de cette lettre est identique : c’est bien la direction du CNRS qui est à l’origine de cet étrange courrier. Elle imite ce faisant d’autres directions, comme celle de l’INSERM.

L’objectif officiel est de « traduire la stratégie scientifique et les priorités du CNRS dans sa politique de recrutement de chercheurs » en « procédant à un affichage large des thématiques qu’il souhaite renforcer ces prochaines années dans les laboratoires ». Pour cela, la direction du CNRS demande aux directeurs d’unités d’indiquer leurs priorités hiérarchisées de recrutement pour les 3 années à venir, en un nombre égal à environ 10% de l’effectif chercheurs de l’unité.

Au premier regard, la demande ne semble pas nouvelle. Depuis plusieurs années, les directeurs d’unité indiquent des profils de recherche qui serviront à « colorier » thématiquement un certain nombre de postes de chargés de recherche mis au concours. Par là le CNRS indique aux candidats un certain nombre de priorités scientifiques. Le système actuel répond donc bien à l’objectif de traduire ces priorités dans les recrutements, mais il a une condition : il faut que le nombre de coloriages de thématiques soit notablement inférieur à celui des postes à pourvoir, de façon à ce que les candidats comprennent qu’ils ont toutes leurs chances d’être recrutés sur des thématiques non affichées. Les jurys des sections du Comité national ne suivent en effet qu’un critère : recruter les meilleurs chercheurs sur la base de leur projet de recherche, de leur dossier scientifique et de l’équipe dans lequel le candidat souhaite réaliser ce projet. C’est la condition d’un concours réellement attractif.

La nouvelle politique de recrutement qu’annonce la direction du CNRS veut donner des gages d’ouverture. La direction parle d’un affichage des priorités de recrutement, « à titre indicatif pour la communauté scientifique et les jurys et à titre incitatif pour les futurs candidats ». Elle fait appel aux propositions des laboratoires.

Le problème est que le nombre de thématiques prioritaires représentera 2 à 3 fois le nombre de postes ouverts au concours. Avec un tel affichage, comment croire que les candidats porteurs de projets originaux et de grande valeur scientifique seront recrutés par des jurys d’admissibilité (sections du Comité national) qui connaissent l’effet des jurys d’admission (nommés par la direction) sur les classements ? La direction annoncera-t-elle qu’elle ne bouleversera aucun classement d’admissibilité en raison de ses priorités scientifiques ? Avec de tels affichages, ne risque-t-on pas de pousser les candidats à l’autocensure ? Les meilleurs orienteront leur projet en fonction des priorités « officielles » pour accroître leurs chances de recrutement. Cela ne s’appelle pas une politique scientifique ; c’est un caporalisme qui encourage l’opportunisme.

En annonçant que ses priorités scientifiques et stratégiques seront « en phase avec sa politique de site », la direction dévoile sa préoccupation principale : faire du recrutement des chercheurs l’instrument de la restructuration géographique et financière qui touche le système entier de recherche et d’enseignement supérieur. L’objectif est d’« afficher en permanence une liste large de thématiques avec localisation(s) dans des laboratoires ». Autant dire que les laboratoires ne verront plus tous arriver de jeunes chercheurs – sans parler des financements futurs des unités qu’on exclura de la sorte des recrutements.

Cette annonce est explosive. La sélection des thématiques et des laboratoires sera dictée par les résultats du « Grand emprunt », dont la direction du CNRS se fait la docile accompagnatrice. Il paraît de plus en plus évident que les unités regroupées dans des LabEx et IdEx se retrouveront majoritairement sur la liste des laboratoires cibles.

On dit que l’affichage des thématiques prioritaires se fera en concertation avec les directeurs d’unité. Mais qui décidera en dernière instance ? Les directions des Instituts, sous le contrôle vigilant de la direction du CNRS. Dans ce contexte, que pourront faire les Conseils scientifiques des Instituts que la Direction dit vouloir consulter ?

Cette politique à la fois paresseuse et arbitraire de recrutement de chercheurs risque d’être rapidement imitée pour le recrutement des ITA. Le resserrement des fonctions support et soutien imposera pour eux aussi des « priorités », qu’on dira calquées sur les priorités de recrutement des chercheurs.

Ainsi la politique scientifique du CNRS n’existe plus. Elle est faite pour rendre irréversible, à quelques mois d’échéances politiques importantes, les dégâts des « Initiatives d’Excellence ». Elle est faite pour appliquer sans broncher les priorités de la Stratégie Nationale de Recherche et d’Innovation, au service des groupes industriels et des coteries idéologiques.

Avantage subsidiaire pour la direction, le regroupement des chercheurs nouvellement recrutés sur quelques grands sites facilitera l’application de la Révision Générale des Politiques Publiques. RGPP, SNRI, IdEx : voilà ce qui va recruter les chercheurs qui feront la science en France jusqu’en 2040.

Le SNCS dénonce une telle dérive. À vouloir piloter les recrutements et à cibler certaines unités de recherche, c’est la force du CNRS et de ses laboratoires qu’on compromet. L’avenir de la recherche publique française est en jeu. Assez du pilotage de la recherche !

Le SNCS soutient toutes les initiatives des directeurs d’unités, de ses élus dans les Conseils scientifiques d’Instituts et du CNRS, dans les sections du Comité national, pour dénoncer ce coup de force. Il appelle les responsables d’unités à ne pas répondre aux sollicitations des directions, afin de conserver des concours ouverts, c’est-à-dire scientifiques, à l’entrée des organismes de recherche.



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