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Recherche publique : ce que nous voulons. SNCS Hebdo 12 n°6 du 3 mai 2012.

mmSNCS-FSU3 mai 2012


Patrick Monfort, Secrétaire général du SNCS-FSU

Le monde universitaire et de la recherche scientifique est aujourd’hui épuisé : le Pacte pour la recherche, la loi LRU ont fait leur oeuvre. Nous sommes, à la veille d’un changement de gouvernement, à la croisée des chemins. Le gouvernement présente sa démolition générale de l’enseignement supérieur et de la recherche comme une réforme à succès sur laquelle personne ne reviendra. Il est temps de changer de cap, il y a urgence à reconstruire. Pour cela des signes forts doivent être donnés à la communauté scientifique. Une autre politique de la recherche publique doit être engagée au plus vite si la France veut rester au premier rang dans l’avancée des connaissances. Rien n’est gravé dans le marbre : quand une politique a détruit, une autre peut reconstruire.

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À l’heure où s’opère le bilan du sarkozysme, devra-t-on accepter que la politique scientifique menée depuis 2007 soit présentée comme un succès ou comme un moindre mal ? Cette politique menée sous couvert d’ « excellence » et de « compétition internationale » a en vérité suscité l’opposition de la communauté scientifique tout entière, à l’exception d’une mince technostructure depuis longtemps coupée de la recherche. À l’heure des bilans, on ne devra pas oublier que les plus vastes mouvements sociaux du quinquennat sont ceux qui ont porté sur les retraites en 2010 et sur l’université et la recherche en 2009. La résistance à la destruction du CNRS et des organismes de recherche s’est quant à elle organisée dès juin 2007. À chaque fois, le SNCS aura été au centre du combat.

De fait, l’accumulation des « réformes » (loi LRU en 2007, restructuration du CNRS en Instituts et création des Alliances en 2008, Grand emprunt depuis 2009, mais aussi loi Pacte pour la recherche de 2006) a fortement dénaturé la mission première des organismes de recherche : conduire une politique scientifique réellement autonome, c’est-à-dire conforme à l’intérêt général. La politique menée a au contraire stérilisé la créativité en surchargeant les scientifiques de tâches inutiles ; elle a transformé la recherche en compétition entre les territoires, les régions, les établissements, les laboratoires et même les individus. Si l’on connaît mal les constellations de facteurs qui font qu’un individu est créatif ou qu’un milieu est plus particulièrement favorable à l’émergence de processus créatifs, on sait en revanche très bien comment éteindre toute velléité de curiosité et d’engagement intellectuel*. C’est ce qui a été mis en oeuvre par la politique ultra-libérale des gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans. Le résultat en est un grand gaspillage d’énergies, de compétences et de moyens, un déni de démocratie, la restauration tous azimuts du mandarinat et la création de déserts universitaires.

Jusqu’à la veille d’échéances électorales importantes, le gouvernement a fait passer en force les conventions des « Initiatives d’Excellence » (IdEx), alors même que les personnels découvrent peu à peu le caractère mandarinal de ces nouvelles structures placées au service des intérêts politiques et financiers. Les IdEx sont une catastrophe tout à la fois pour ceux qui en sont exclus (désertification de la carte universitaire française) et pour les personnels des établissements sélectionnés qui se verront imposer une gouvernance de fer. Le SNCS exige la suppression immédiate des IdEx et l’annulation des conventions déjà signées entre les établissements porteurs et l’État.

Le SNCS appelle à une reconstruction de la science en France. Des signes forts doivent être donnés à la communauté scientifique dès la mise en place d’un nouveau gouvernement, si celui-ci a la volonté de refonder la politique scientifique.

Il faut redonner immédiatement un soutien de base aux laboratoires de recherche en réduisant le crédit impôt recherche et en redistribuant les budgets de l’ANR non engagés. Il faut recréer de l’emploi scientifique statutaire pour en finir avec la précarité qui a crû de façon explosive depuis six ans. Le SNCS exige un plan pluriannuel de créations d’emplois de titulaires à hauteur de 5000 postes par an pendant cinq ans, en plus de ceux nécessaires à la résorption de la précarité.

Il faut stopper la politique du « Grand emprunt ». Un état des lieux devra permettre d’établir la réalité des budgets engagés et des sommes effectivement empruntées. L’argent du grand emprunt, s’il existe, devra être redistribué sur d’autres bases, réellement scientifiques et démocratiques.

L’évaluation des unités des organismes de recherche doit être rendue immédiatement au Comité national de la recherche scientifique et aux instances d’évaluation équivalentes des autres établissements de recherche (CSS de l’INSERM, de l’IRD, etc.). L’AERES, machine à noter et à exclure, doit être supprimée.

Une fois l’oxygène rendu aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche, un grand débat pourra être organisé en vue d’une nouvelle loi cadre de l’enseignement supérieur et de la recherche qui jettera aux oubliettes le Pacte pour la recherche et la loi LRU. C’est à cette seule condition que la communauté scientifique pourra s’engager sur la voie de la reconstruction.

Cette nouvelle politique passe par la suppression de toutes les superstructures créées à l’extérieur des établissements universitaires et des organismes de recherche que sont les PRES, EPCS, FCS, consortiums comme Agreenium, Alliances, SATT et l’ANR, structures qui réduisent voire suppriment l’autonomie des établissements. La nouvelle loi nécessaire sur l’enseignement supérieur et la recherche devra redonner aux universités un fonctionnement démocratique dans un cadre institutionnel commun et leur garantir, de la part de l’État, les moyens financiers et humains à la hauteur de leurs missions. Les missions de structuration nationale de la recherche devront être rendues aux grands organismes (CNRS, INSERM, INRIA, INRA, IRD etc.) qui pourront alors renouer des partenariats équilibrés avec les universités.

Les crédits prévus pour toutes les initiatives dites « d’excellence » restent dérisoires au regard des besoins réels de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le SNCS estime ces besoins à au moins 20 milliards d’euros pour la prochaine législature, en supplément des dotations régulières. Ces moyens supplémentaires doivent être équitablement répartis entre tous les établissements et laboratoires. Le soutien de base doit constituer la voie de financement privilégiée, car lui seul confère la liberté indispensable aux évolutions permanentes de la recherche scientifique et à l’exercice de la démocratie universitaire.

Une telle politique devra être portée par un Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche de plein exercice, en excluant toute tentative pour rapprocher dans une même structure ministérielle recherche, innovation et industrie. Un tel montage conduit fatalement à une politique purement utilitariste qui confond l’innovation avec la créativité, seul moteur de la recherche.


* cf Amabile, T.M. (1998). How to kill creativity. Harvard Business Review, September-October 1998, 76-87: After illustrating the requisite ingredients of creativity for individuals, and the ingredients of innovation for organizations, this article describes how well-intentioned managers can – and do – kill creativity every day.



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