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Recherche : l’urgence d’une reconstruction. SNCS Hebdo 12 n°3 du 19 mars 2012.

mmSNCS-FSU19 mars 2012


Par le bureau national du SNCS-FSU

Le monde de la recherche scientifique, exsangue des réformes imposées par le gouvernement depuis six ans, est aujourd’hui à la croisée des chemins. Peut-être le rétablissement d’un peu de souci du long terme, d’un certain sens du service public et de la dignité de l’Etat arrivera-t-il à se faire jour. Mais les travailleurs de la recherche scientifique ne doivent pas pour autant se croire tirés d’affaire. La propagande gouvernementale présentant la démolition générale opérée depuis 2006 dans l’enseignement supérieur et la recherche comme une réforme à succès a hélas contaminé les esprits.

De même qu’on a martelé que le salut du pays reposait sur toujours plus de sévérité envers les immigrés, les jeunes et les chômeurs, on a réussi à ancrer dans maints esprits que les chercheurs scientifiques, pour faire du travail sérieux, devraient désormais chercher leur reconnaissance auprès d’agences d’évaluation et de financement fonctionnant comme des machines à exclure. Ces instances qui organisent une compétition permanente sont des structures néfastes, car la recherche n’est pas une compétition ! Néfastes aussi, toutes les structures parasites inventées sous couvert d’«excellence» et que certains, dans les antichambres des futurs pouvoirs, travaillent à sauver parce qu’ils s’y sont déjà taillé des fromages. Il faut nous débarrasser de toutes ces créatures nuisibles – ANR, AERES et tous les EX – vite ! Alors seulement pourrons-nous envisager sereinement l’avenir.

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Quoique sensibles à l’honneur de voir leur métier mis en avant, les chercheurs scientifiques ne goûtent guère les éloges de circonstance qui constituent le fond des programmes électoraux. Le pire est évidemment d’entendre le candidat sortant se targuer d’avoir, avec sa réforme de l’enseignement supérieur, produit une des plus grandes réussites de son quinquennat ! Si cette réforme, qui laisse l’enseignement supérieur et la recherche publique en miettes et sans moyens, est la plus belle réussite du gouvernement, alors on n’a pas trop d’inquiétude à se faire sur le sort que subira le héraut du « chauffage et de la lumière » le 22 avril prochain !

Il y a hélas des idées fausses plus largement partagées, contre lesquelles on n’aura jamais fini de lutter. Ainsi l’idée du « pilotage » de la recherche, qu’un candidat a dit récemment vouloir rendre aux « organismes nationaux ». C’est très bien de vouloir restaurer la position des organismes nationaux, il faut leur rendre leur mission de structuration de la recherche nationale. Mais le premier moteur des découvertes n’est-il pas la liberté accordée aux chercheurs – modernes explorateurs – d’aller où ils veulent ? Bien plus qu’un pilotage, les organismes doivent leur assurer un cadre de travail, des passerelles appropriées, une évaluation constructive et les moyens matériels réguliers qui, seuls, permettent de lancer des opérations à long terme.

Conjoncturellement il est fort inquiétant de constater que tout en affichant les meilleures intentions, on puisse être prêt à conserver, des réformes-phares des deux derniers quinquennats, des éléments structurels. « Recentrer » l’ANR sur « les priorités nationales, les projets émergents et les projets interdisciplinaires » n’est qu’en apparence une idée raisonnable, car tout cela relève encore de la culture de projet. Or ce n’est pas ainsi qu’émergent les vraies découvertes. L’ANR est si imprégnée de cette calamiteuse culture que pour lui plaire – et lui plaire est aujourd’hui une question de survie – on se garde bien de lui soumettre autre chose que du vraisemblable ou du … déjà trouvé ! L’ANR est une école de renoncement à l’audace, un étouffoir et une fabrique de précaires. Il faut supprimer l’ANR.

Quant à l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, peut-on se contenter de la juger « trop opaque » ? Suffirait-il donc d’en laver les vitres pour qu’elle redevienne acceptable ? Les évaluations menées de façon irresponsable par des experts aux ordres de quelques petits chefs tout puissants, qui pondent quelques notes et puis s’en vont, ça suffit ! Dissolvons cette agence qui s’est accaparé des évaluations qu’elle aurait pu et dû déléguer aux instances d’évaluation représentatives (la loi le permettait). À bas l’usine à notes !

La propagande gouvernementale présente « l’autonomie » comme la grande invention de la loi LRU. Bien sûr l’autonomie c’est très bien, mais l’autonomie était déjà dans la loi de 1984, on n’avait pas besoin de LRU pour ça ! Le gouvernement avait besoin, en revanche, d’une LRU pour laminer la démocratie universitaire, préparer l’affectation des chercheurs aux universités et amorcer ainsi la mise en extinction du CNRS et des autres organismes de recherche. Ce sont les tares congénitales de la LRU. Elles ne se « réforment » pas.

Au comble du cynisme enfin, le gouvernement qui a organisé le déclin de la recherche publique a bercé la communauté scientifique française de la promesse d’une pluie de milliards. Le Grand emprunt censé produire ces milliards n’ose aujourd’hui plus dire son nom. Quels « engagements » le gouvernement a-t-il réellement pris ? Pas grand’chose de plus que la distribution de quelques labels. Ces EX auront certes coûté beaucoup de temps en montage de dossiers, mais la manne espérée restera en tout état de cause bien inférieure à ce que le CNRS devrait pouvoir distribuer. Elle n’arrosera que quelques privilégiés … Dans la hâte des fins de mandat, les IDEX s’illustrent d’ailleurs ces jours-ci par une escalade dans le déni de démocratie qui révèle leur nature profonde : des combinats politiques au service d’intérêts privés.

C’est au total une profonde erreur de croire qu’on pourrait faire survivre ces structures qui étouffent aujourd’hui le monde de la recherche et de l’enseignement supérieur à condition de comportements plus vertueux. La première condition, pour produire des comportements vertueux, est de reconstruire des structures saines. « La justice et l’injustice ne sont aucunement des facultés du corps ou de l’esprit. (…) Ce sont des qualités relatives aux hommes en société »1. On nous a, en six ans, par un empilement de structures nuisibles, fabriqué un monde de la recherche et de l’enseignement supérieur invivable. Des assises nationales ? Oui, volontiers, mais il faut nous débarrasser d’abord, d’urgence, de ces constructions délétères.

1. Thomas Hobbes, Léviathan, chap. XIII (1651).



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