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Quelle europe pour la recherche ?

mmSNCS-FSU20 octobre 2006

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La commission Européenne a défini comme une de ses priorités de réaliser l’espace européen de la recherche. Cela peut aussi se comprendre comme une expérience et une démonstration de faisabilité de l’Europe.

Certains aspects sont très positifs :

· augmenter considérablement l’effort de recherche en Europe, passant de 2 à 3% en moins de dix ans.

· accompagné nécessairement d’une augmentation du nombre d’emplois de chercheur évalué a 700000 de plus (par rapport aux 1 .8 millions estimés) .

· Les aides et facilitations pour les travaux en collaboration internationale, par exemple au niveau des visas.
améliorer les conditions d’emploi des chercheurs (code et charte)

D’autre pourraient aussi être des progrès comme une compatibilité des systèmes sociaux : retraites, l’assurance maladie.

Mais le contexte général est aussi une évolution progressive vers une prédominance du financier, du dividende annuel, du marché, sur le politique, l’intérêt public ou même la logique industrielle. L’homogénéisation européenne tend donc à rogner les acquis sociaux, les services publics, et à promouvoir la privatisation (AGCS : commercialisation des services (publics notamment, dont l’enseignement supérieur et recherche))

En France l’apport européen est limité lorsque l’on inclut les salaires (en milliards d’euros : recherche publique BCRD 15, Europe 0.5, recherche en entreprises 18, dont Europe 1.8 ) mais l’effet incitatif est important, d’autant plus que les moyens de recherche au niveau national sont en baisse. Le président du COST déclare que 25% des moyens disponibles seront distribués au niveau européen.

Initialement la recherche était envisagée au niveau européen sous un angle mercantile, mais depuis le 6ème PCRD, la recherche fondamentale est aussi concernée, notamment par le développement des réseaux d’excellence. Le modèle sous jacent est cependant toujours une activité fortement pilotée, à objectifs limités, et des structures adaptées sont donc encore à construire pour la recherche non finalisée. l’ERC pourrait etre une réponse, composé de scientifiques et avec une indépendance dans ses choix. Il pose cependant question: quelle composition, comment garantir une représentativité ? comment éviter une régression de la capacité d’organisation dans les organismes nationaux si les financements viennent d’ailleurs ? y a t il une raison de considérer cette agence autrement que comme l’ANR ? les états généraux avaient bien placé comme première priorité de redonner des moyens récurrents aux organismes, a hauteur de 70 % (a comparer aux 25% visés par le COST… il ne reste plus grand chose pour les régions ou l’ANR)

Une part importante des activités de recherche est déjà financée sur des contrats dont une grande part vient de l’Europe. Les recherches appliquées peuvent déboucher sur des questionnements féconds, mais le plus souvent les chercheurs doivent surfer sur les orientations imposées pour y introduire leurs recherches propres. La gestion est lourde, kafkaienne avec des cascades de dossiers sans réponse et aucune transparence dans l’évaluation. La gestion des financements partiels d’origines variées peut aussi aboutir a des inerties et des pertes d’efficacité importantes (voire alimenter la question perverse des « reliquats »). Le taux d’échec des demandes est en particulier un parametre tres important, pour l’efficacité de l’activité des chercheurs, mais aussi par rapport à la capacité à effectuer des recherches dans la durée: appel d’offres et contrats n’évitent pas de devoir se poser la question du devenir des activités, ce qui revient plus ou moins à réinventer des structures avec des moyens récurrents. La solution qui consiste a masquer un taux d’échec important par un mécanisme en deux étapes, s’il évite au moins partiellement la perte de temps pour les chercheurs, ne répond pas à tout.

Le fonctionnement européen basé sur le lobbying convient mieux aux pays qui le pratiquent couramment. Les compétences et les modes d’évaluation au niveau européen posent aussi question.

On peut envisager un espace européen basé sur des systèmes nationaux différents mais en synergie, qui pourraient évoluer en ce qui concerne la partie des activités qui ont une forte pertinence européenne vers un fonctionnement completement européen, comme c’est par exemple le cas depuis 50 ans pour de grands dispositifs comme le CERN. Cependant il ne semble pas que cette option soit vraiment ouverte en ce qui concerne les emplois car l’obsession à la fois de fonctionnement sur contrat et d’une totale mobilité (le grand marché du chercheur européen) conduit logiquement au développement de CDD sur projets. La charte et le code de recrutement des chercheurs tentent de répondre à l’effet dissuasif pour les vocations scientifiques, alors qu’une désaffection importante va s’aggravant dans les universités des pays développés. En France le remplacement les emplois permanents par des emplois précaires, avec un salaire même pas compétitif a été quelque peu contrecarré par la mobilisation des milieux de la recherche en 2004, soutenus par l’opinion publique qui s’est exprimée dans un vote européen, par deux fois. Cependant en 2005 la suppression de la limite d’age en CR2, le développement massif des chercheurs associés, la non création de postes dans les organismes (les nouveaux postes seraient réservés à l’accueil), confirment les intentions initiales que l’on pouvait deviner, et que l’ANR et les PRES ou autres structures déréglementées permettant le recrutement sur fonds propres pourraient libérer.

Les structures de la recherche sont remises en cause en ce qu’elles pouvaient contenir d’avancé. L’évaluation du front avancé des connaissances ne peut être effectuée que par les pairs, en particulier en France avec des structures de type démocratique au sein de l’enseignement supérieur et des établissements de recherche. L’évaluation par objectifs, la politique de créneaux ainsi que le passage du financement public au financement privé suscitent des structures parallèles à celles existantes, qui ont en commun la marginalisation des instances internes au profit de conseils d’administrations externes représentant notamment la sphère économique et financière. Les projet s en France de « modernisation » de l’université, qui se rapproche de la privatisation en cours dans d’autres pays à travers l’AGCS, de fondations privées sur fonds publics, de canceropôle, la structuration des réseaux d’excellence européen, le développement déséquilibré de l’aspect régional au CNRS, en Italie la restructuration du CNR, sont quelques exemples de cette irruption d’un autre type de gestion qui tend a éloigner la communauté scientifique de son objet, mais aussi à nuire à la cohérence du service public. le comité national est en passe de se faire dissoudre dans un grand systeme d’évaluation, alors que simultanément la nouvelle réforme CNRS vise a développer les RH. Sans aucun doute ce controle technocratique renforcé ne peut que nuire au développement d’une pensée libre, voire iconoclaste, à l’intérieur de l’organisme, mais au contraire renforcer le conformisme. Alors que la technologie est de plus en plus prégnante dans la vie des citoyens, il n’est pas anodins de se séparer des ferments d’une expertise libre dans le service public.

La société de la connaissance ne soit pas se limiter à l’économique, et éducation, culture, développement des connaissances et expertise scientifique libre doivent aussi être des objectifs politiques en tant que tels, c’est à dire qu’ils puissent être mis en œuvre indépendamment des lois de la concurrence et du marché, dans une société qui développe son pouvoir de gestion démocratique interne.

Il faudrait donc intervenir plus au niveau européen, aux plans scientifiques et syndicaux, c’est d’ailleurs un des objectifs de ce CSN. Notons que l’obtention, la sélection et le décodage de l’information représentent des taches lourdes.

Il faut aussi analyser les solutions d’organisation de la recherche qui existent dans les différents pays, et les évolutions sociologiques connexes comme les agences d’éthique. En tant que syndicat de chercheurs, nous pouvons esperer pouvoir développer une visions cohérente de l’ensemble de la question, économique, sociale, historique. Actuellement il n’est pas évident que nos visions sociologiques, politiques, régionale, nationale, européenne, internationale (notamment vis a vis des pays en développement) ou citoyenne soient compatibles. Ce n’est pas le cas du mécanisme de globalisation, qui sait tres bien qu’il va en Amérique (ou mieux, en Chine).

DES POINTS QU’IL FAUDRAIT DECIDER:

déja en 2003 le CSN avait rencontré un large consensus sur certains des points suivant, mais n’avait pu conclure. C’est notamment l’objectif de ce CSN de clarifier les positions.

* le modèle de mobilité qui est envisagé actuellement, engagement par projets sur des contrats temporaires, n’a aucune nécessité et est même un frein à la recherche car pénalisant pour les compétences et la créativité, en particulier celle des jeunes. Les échanges et collaborations sont déjà possibles et de plus en plus faciles (réseaux informatiques et de transport) On pratique déjà des séjours à l’étranger de durées variées, pour les chercheurs permanents de toutes nationalités.
* L’Europe doit se limiter à un soutien de mobilités sur la base du volontariat

* pour que ceci soit possible il faut Préciser le sens du grand marché de l’emploi des chercheur et de la carrière européenne de recherche: si la facilitation de séjours de chercheurs entre pays européens (visa, support financier,..) est un progrès, la mobilité n’est pas un but en soi et il faut avant tout développer des emplois permanents (pour toutes les activités y compris la recherche privée, fondations, etc..).
* développer des embauches jeunes sur postes permanents dans les pays européens (ceci manque dans la charte qui a été récemment produite) l’objectif ne doit pas etre le chercheur précaire en mobilité permanente d’un point a l’autre de l’europe, un emploi permanent dans le pays de son choix, en particulier d’origine, doit être rendu accessible
* des décisions réglementaires assurant le recrutement jeune sur poste permanent (6 ans au plus après le début de thèse) et des limitations règlementaires aux contrats temporaires rendues effectives (cf directive 1999).

* un statuts de chercheur public suffisamment indépendants (‘civil servant’), associé à la liberté académique, une gestion collégiale, l’évaluation par les pairs. Le statut de fonctionnaire permet des collaborations variées, y compris avec l’industrie, il doit être conservé. C’est une condition favorisant une liberté académique effective. La charte ne doit pas conduire a supprimer les statuts les plus avancés.
* renforcer l’attractivité des carrières, réévaluer le métier de chercheur

* développer la recherche européenne par la base et pas seulement par le haut: favoriser le développement d’une gestion démocratique plutot que managériale (MT) (dérive des indicateurs LOLF etc…?), et de facon générale il faut restaurer le pouvoir politique par rapport au pouvoir speculativo-financier
* Les superstructures ne sont pas des solutions idéales. il faut respecter un principe de pertinence du niveau de décision (de type subsidiarité ?): la décision doit etre prise au niveau le plus local (national, région, laboratoire,…) possible, l’europe ne doit pas piloter dans le détail l’ensemble des activités de recherche mais seulement ce qui relève de la dimension européenne

* développer une évaluation transparente de la recherche et des politiques scientifiques, notamment par les pairs avec en particulier une représentation directe (au moins une moitié élue) de l’ensemble de la communauté scientifique dans l’évaluation et la politique scientifique.
* ne pas limiter l’évaluation a des objectifs définis, des priorités ou des mobilités imposées arbitrairement, comme le suggère la « culture de projets »

* L’évaluation doit aussi être faite au niveau régional par l’utilisation de comités représentatifs de la communauté scientifique (au moins une moitié d’élus) et pouvant contenir des représentants de la société civile, permettraient de faire cette évaluation des recherches et des politiques de recherche, publiques et privées. ceci devrait etre obligatoirement associé aux PRES.
* De tels comités pourraient aussi fonctionner entre régions de pays différents, créant un niveau d’articulation naturelle entre Europe et région.
* Les CSD du comité national pourraient remplir ce rôle, en France
* L’interface entre la recherche publique et la société doit aussi comprendre des représentants d’associations de citoyens, pas seulement les acteurs économiques ou institutionnels.

* 3% du PIB consacré à la recherche
* conserver un important service public de la recherche, pour le développement de la connaissance et l’intéret social , au dela de la compétitivité écononomique.

* des moyens propres pour de tels organismes (EPST en France) , au moins 70% de crédits « récurrents », pour exercer dans la durée
* Les EPST doivent être impliqués au niveau européen, notamment par leurs instances (conseil scientifique…)
* Une agence de moyens européenne : pour les grands instruments, améliorer l’articulation appliqué/fondamental, remettre à niveau les pays pauvres (ne pas limiter les répartitions au juste retour).
* la réalisation d’une coordination (ERA) européenne a partir des organismes nationaux plutot que par le pilotage par appel d’offres d’agences de financement: de facon générale il faut gérer la transition vers l’europe sans abandonner les réalisations sociales les plus avancées, le grand marché ne suffit pa

conséquences:

* l’exigence de moyens propres pour les organismes de recherche doit etre indissociable de toute demande de sources alternative de pilotage de la recherche [europe, région, privé ou citoyenne]
* l’augmentation des crédits européen pour la recherche civile: une partie doit etre gérée (confier la mise en oeuvre) par les organismes nationaux pour éviter le « double comptage » de priorités finalisées et la déstructuration des organismes (cf ANR LOPRI, COST).
* un représentant du comité national de la recherche scientifique dans l’ERC

(ce texte a été réalisé à partir du texte CSN de 2003, on voit d’ailleurs a posteriori que le pessimisme est de rigueur dans l’interprétation des textes stratégiques)



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