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Quel projet pour la recherche ? Organisation : Pour d’autres structures de recherche

mmSNCS-FSU1 mars 2011

CSN_2011_structures








SNCS-FSU

Conseil
syndical national


27
& 28 janvier 2011




Quel
projet pour la recherche ?


Organisation
: Pour d’autres structures de recherche

Préambule

Depuis près de
10 ans l’affaiblissement des organismes de recherche est au
cœur de la politique menée par le Gouvernement en
matière de recherche publique. Le rôle que pouvaient
avoir les établissements, universités ou organismes,
dans la politique scientifique leur est progressivement retiré
au bénéfice de structures technocratiques, au premier
rang desquelles l’Agence nationale de la recherche (ANR). Les
instances élues sont remplacées par des
comités nommés. Une recherche sur projet à
court terme, dans une optique utilitariste, s’est
substituée à des modes de recherche assurant dans la
durée la liberté des scientifiques.
Entrée dans une phase encore plus concrète depuis
l’élection du Président Sarkozy,
l’action gouvernementale s’est appliquée
à réduire les établissements publics
scientifiques et techniques (EPST : CNRS, INSERM, INRA, IRD, INRIA,
etc.) à des agences de moyens, c’est-à-dire
à des agences de simple gestion des personnels (chercheurs et
ITA). En pratique le gouvernement a privé les organismes de
recherche de tout un pan de leurs missions
d’évaluation et a réduit leurs budgets de
fonctionnement de façon à rendre improbable la
conception et impossible l’exécution d’une
véritable politique scientifique. Les «
investissements d’avenir » du « Grand
emprunt », en particulier les opérations LABEX et
IDEX, retirent aux EPST la mission de structuration des laboratoires de
recherche.
L’étape ultime des projets gouvernementaux est en
vue : les EPST risquent de n’être plus en 2011 que
des agences d’alimentation en personnels scientifiques de
laboratoires labellisés (Labex), situés pour la
plupart, sur quelques grands campus de recherche (dit «
d’excellence ») choisis par le Premier ministre
(Idex). La modification en urgence de la LRU en novembre 2010 ouvre la
possibilité d’intégration des chercheurs et
des ITA dans ces Idex.
Tout laisse croire que la prochaine étape est la suppression
du statut de fonctionnaire, déjà à
l’œuvre dans la loi sur la mobilité et le
projet de loi Mancel. Or il faut rappeler que si la France a pu
conquérir et conserver son haut niveau de recherche
international, elle le doit notamment aux organismes de recherche et
à l’indépendance conférée
à ses scientifiques par le statut de fonctionnaires
d’Etat.
Toutes ces contre-réformes ont été mises en
œuvre à crédits constants et en imposant la
décroissance de l’emploi scientifique. Depuis 2007,
le Gouvernement n’a pas investi un sou de plus dans
l’enseignement supérieur et la recherche (en euros
constants) alors que l’immense majorité des autres
pays progressaient fortement.
Le SNCS considère que le pays a toujours besoin d’un
grand service public d’enseignement supérieur et de
recherche. Ce texte vise à expliciter ses propositions sur les
structures de la recherche française qui devront remplacer
toutes celles mises en place depuis 2004.
Ce texte aborde volontairement le problème au travers du seul
prisme de la recherche : organismes (principalement les EPST),
établissements d’enseignement supérieur,
agences, secteur privé. On gardera à
l’esprit qu’il faudra lui assurer une
cohérence avec notre point de vue sur les problèmes
d’enseignement et de formation.


Le progrès des
connaissances et les retombées de la recherche

La recherche a comme objectif premier le progrès des
connaissances, qui est d’abord le fruit de la
curiosité scientifique, sans objectif de retombées a
priori. Beaucoup de découvertes, même parmi les plus
utiles à la société, ont
été effectuées d’une
façon qui échappait à toute planification.
La recherche scientifique n’est pas pour autant
déconnectée de la société, dont
elle peut utilement connaître les questions et les attentes.
Tous les citoyens doivent pouvoir concourir à la
définition de celles-ci en matière de recherche, de
culture, de formation et d’aménagement du territoire.
C’est à l’issue d’un processus
de consultation démocratique qu’il doit revenir au
Parlement et au gouvernement, après débat, de
déterminer la part et le montant des financements
qu’il accorde au progrès des connaissances et ceux
qu’il accorde aux différents champs
finalisés. Une fois ces arbitrages effectués, il
revient aux scientifiques de déterminer les voies et moyens
à mettre en œuvre pour travailler selon les
perspectives démocratiquement définies. La logique
des « contrats d’objectifs », absurde
lorsqu’il s’agit d’activités non
quantifiables, doit être abandonnée au profit de la
restauration de la notion de service public. S’agissant du
progrès des connaissances qui a son dynamisme et ses modes
d’évaluation propres à
l’échelle internationale, il doit appartenir aux
seuls scientifiques, au travers d’instances
représentatives, d’effectuer les choix de politique
scientifique.
Forts de leur indépendance, les travailleurs scientifiques et
leurs représentants élus peuvent librement
définir l’orientation de leurs recherches, dans le cadre de la
politique de recherche définie démocratiquement, et
éclairer les citoyens mais également le monde
économique et social sur les grands enjeux technologiques,
médicaux et sociétaux. Le drame récent du
Médiator mis en avant par une chercheuse en est un exemple
typique de résistance face aux pressions économiques
et politiques. Cette indépendance permet également
d’établir, via une concertation entre pairs, des choix
d’orientations scientifiques à long terme dans des domaines
fondamentaux mais également appliqués. La recherche
avance grâce à sa diversité et des
résultats, apparemment abstraits et sans application, trouvent
de façon parfois inattendue leur débouché
dans l’industrie. Une collaboration mutuellement avantageuse entre les
chercheurs du secteur fondamental et les chercheurs industriels est
souhaitable, sans subordination aucune d’un secteur à l’autre.


La politique nationale

Le rôle du
ministère

Le Ministère de l’enseignement supérieur et
de la recherche a des fonctions importantes, qu’il ne doit
pas outrepasser : (i) il doit présenter le budget au Parlement
après avoir pris en compte les avis requis, (ii) il doit
assumer la tutelle des organismes de recherche dans le respect de leurs
missions, (iii) il doit disposer de moyens pour faire face aux urgences
et pour favoriser des thématiques émergentes, (iv) il
doit assurer la cohérence de l’action publique avec
les ministères connexes : culture, éducation
nationale, industrie (innovation), santé, agriculture ou
environnement, affaires étrangères.
L’établissement d’une prospective et
d’une stratégie globale est certes une
nécessité pour la recherche. Mais la SNRI
(stratégie nationale de recherche et d’innovation)
propulsée par la droite s’est disqualifiée
par son mode d’élaboration
anti-démocratique et son utilitarisme étroit, qui ont
produit un document d’une rare platitude, dont le seul but
est de réorienter la recherche publique vers les besoins
exprimés par le secteur privé. Une véritable
stratégie nationale de recherche doit être ouverte
aux différentes composantes de la société et
intégrer la prospective proprement scientifique. Cette
dernière doit être coordonnée par un
Comité national de la recherche scientifique élargi
aux instances d’évaluation de tous les
établissements publics scientifiques et techniques, et reconnu
par la communauté scientifique parce que composé
d’au moins 2/3 d’élus
représentant toutes les catégories.
La recherche publique doit être réalisée par
deux types d’établissements coopérant entre
eux, les universités et les organismes de recherche, qui tous
doivent rester des établissements publics. Tous doivent
être véritablement autonomes et maîtriser
leur politique scientifique et sa mise en œuvre. Le SNCS
récuse la politique actuelle du gouvernement qui confine
chaque établissement dans une fonction particulière :
l’ANR pour fournir l’essentiel des financements aux
laboratoires, l’AERES pour les évaluer, les EPST
pour fournir une partie des personnels (du moins pour
l’instant), les universités pour jouer seules le
rôle d’« opérateurs » de
recherche en mettant en œuvre une politique qu’elles
n’ont décidée en rien, à travers
notamment des Labex et des Idex labellisés par le Premier
ministre.

Les organismes
Dans le cadre de leurs missions, il appartient aux organismes de mettre
en œuvre la politique nationale de recherche, en
coopération étroite entre eux comme avec les
établissements d’enseignement supérieur.
Ils reçoivent de leurs tutelles les moyens matériels
et humains nécessaires pour assurer leur mission. Parce que
ces organismes doivent retrouver leur mission de structuration
nationale de la recherche, ils doivent impérativement
retrouver leur mission d’évaluation de la recherche
supprimée par la création de l’AERES. Le
Comité national de la recherche scientifique et les
commissions scientifiques des autres EPST doivent être
chargés de l’évaluation des
équipes et des unités de recherche.
La question peut être posée du nombre d’organismes
créés au cours du temps et de leurs missions
spécifiques. Il convient d’y
réfléchir par un processus progressif, volontaire et
négocié. Le rôle du CNRS reste central pour
le progrès des connaissances dans tous les champs
disciplinaires et pour renforcer les interactions disciplinaires ou
thématiques en relation avec les autres organismes de
recherche et les établissements d’enseignement
supérieur.
Bien que ce fût son souhait initial, la droite n’a
pas osé démanteler les organismes. Elle les a
privés des moyens nécessaires pour mettre en
œuvre une politique autonome, elle les a divisés
verticalement en instituts pour les placer sous la coupe
d’Alliances et leur a ôté leur
capacité pluridisciplinaire. Les Alliances qui se substituent
aux organismes doivent être supprimées. Les
organismes de recherche, en retrouvant leurs missions de structuration
nationale, doivent coordonner leurs actions communes à travers
leurs propres structures y compris sous formes de programme
inter-organismes s’il y a lieu.

Les universités
Les universités ont une double mission
d’enseignement et de recherche. Seul ce dernier aspect et son
interaction avec le premier seront traités dans ce texte. Du
point de vue organisationnel, la loi LRU ne répond pas aux
problèmes des universités, et en crée de
nouveaux. Elle met en place une fausse autonomie, car les
universités ne disposent pas des moyens nécessaires
à l’accomplissement de leurs missions. La
concentration des pouvoirs entre les mains des présidents
d’universités à la tête de
conseils d’administration restreints est
anti-démocratique et scientifiquement néfaste. La loi
LRU doit être remplacée par une loi qui replace la
collégialité au cœur du fonctionnement
universitaire, avec toute la représentation
démocratique nécessaire.
Il est proposé dans la suite des mesures pour
accroître l’autonomie effective des
universités : moyens financiers pour exercer des choix
réels, mise en situation de négocier
d’égal à égal avec des partenaires
(régions, organismes) par exemple. Plus
généralement, les établissements
d’enseignement supérieur dépendent de la
politique nationale de formation (caractère national des
diplômes, des statuts des personnels, aménagement du
territoire) comme des grands choix en matière de recherche.
Par des coopérations librement consenties, ils
s’insèrent aussi dans des réseaux
d’établissements, des partenariats avec les
organismes de recherche, avec le secteur privé et les autres
pays d’Europe et du monde.
Il n’est plus possible d’accepter la
dualité actuelle universités-écoles.
C’est pourquoi il convient de rapprocher les divers types de
formation pour que le lien
enseignement-recherche–société enrichisse
toutes les formations professionnelles de l’enseignement
supérieur. Il est donc nécessaire de favoriser les
coopérations entre établissements publics
(universités, grandes écoles) et
d’harmoniser les conditions d’encadrement et de financement
des établissements.


Les fondations
Il existe depuis fort longtemps des fondations importantes, auxquelles
s’adossent par exemple l’Institut Curie,
l’Institut Pasteur, la MSH et Sciences Po.
Dans l’état actuel des choses, les fondations
imposées aux universités et aux organismes de
recherche donnent un droit d’entrée au pilotage de
la recherche par les entreprises. Elles visent à distribuer
l’argent public par des voies détournées et
n’apportent que des sommes négligeables de la part
des entreprises ; le gouvernement annonce qu’il leur confiera
une majorité du grand emprunt en dotation en capital. Elles
permettent ainsi l’orientation vers les
intérêts privés de l’argent public
destiné à la recherche publique. Elles sont
également conçues pour permettre de remplacer la
création d’emplois publics par le recours à
la sous-traitance, et sont donc une arme contre les garanties
statutaires des personnels. Ces fondations créées en
« appui » des établissements
d’enseignement supérieur et des EPST, et qui visent
en fait à les dévorer, doivent être
supprimées. Les établissements publics doivent avoir
la liberté d’investir, s’ils le
décident, l’argent public sans passer par un
établissement de droit privé.

La mise en extinction de
l’ANR

Parce que l’ANR consacre la « culture de projet
» à court terme qui, en matière de recherche
fondamentale, est une absurdité et parce qu’elle
prive en pratique les EPST de leurs moyens de financement de leurs
propres programmes de recherche, l’ANR devra être
dissoute. Les engagements pluriannuels passés
jusque-là par l’ANR seront repris par les EPST afin
de ne pas être interrompus. Les moyens financiers de
l’ANR seront transférés vers les organismes
de recherche et les établissements d’enseignement
supérieur afin qu’ils puissent financer leurs
laboratoires, y compris sur une base pluri-annuelle, sans
qu’ils aient à regretter la loterie de
l’ANR. Les laboratoires doivent recevoir de leurs tutelles
les moyens de soutenir efficacement les opérations de
recherche nouvelles, celles des jeunes en particulier. Ces moyens
récupérés devront également
permettre la création d’emplois visant à
résorber la précarité massive que
l’ANR a créée. Les personnels de
l’ANR seront affectés vers les EPST ou les
établissements d’enseignement supérieur.

Les laboratoires,
structures de base de la recherche

La politique actuellement développée par la direction
du CNRS pour la formation de grosses unités ou
d’instituts par fusion d’UMR conduit à la
disparition du laboratoire comme unité de base
d’élaboration de la politique scientifique. Il
s’agit en fait de la construction de grandes unités
administratives, caractérisées par un accroissement
de la bureaucratie et une diminution de la démocratie et
favorisant le pilotage autoritaire de la recherche.
L’objectif poursuivi est aussi la mise en application de la
RGPP, par la création de plateformes de gestion permettant la
suppression de postes d’ITA.
Le laboratoire est la structure de base de la recherche et doit le
rester. Il constitue le bon compromis entre la pesanteur de structures
trop grandes et la fragmentation caractéristique de la
« culture de projet ». Les variations possibles de la
structure de laboratoire (plus ou moins grande autonomie des
équipes, regroupement en institut pour gérer des
moyens lourds ou mener des actions communes) doivent être
laissées au choix des intéressés,
d’autant plus que l’organisation de la recherche
varie d’une discipline à l’autre.
L’existence de l’assemblée
générale et du conseil de laboratoire est
impérative pour assurer la démocratie de la vie du
laboratoire.
Le laboratoire est porteur d’un projet scientifique
à moyen, voire à long terme, basé sur une
thématique, plus rarement sur plusieurs. Sa mission
immédiate est définie par l’acte de
contractualisation avec ses tutelles. Lors de la contractualisation, le
laboratoire doit préparer collectivement son programme (en
incluant les projets élaborés par les
équipes) qui est soumis à l’évaluation des
instances scientifiques des organismes de recherche (Comité
national et instances correspondantes dans les autres
établissements). C’est le moment privilégié
pour que les personnels des laboratoires proposent de nouvelles
problématiques ou une recomposition des équipes, ou
des laboratoires. La contractualisation des laboratoires est soumise
non seulement à une évaluation a priori des projets,
mais aussi à une évaluation a posteriori de
l’activité.
Lieu de solidarité scientifique et humaine, le laboratoire
doit permettre à toutes les équipes de financer leurs
programmes au travers d’une politique scientifique interne
définie en Conseil de laboratoire et conduite par le directeur
d’unité. Les budgets des établissements
doivent leur permettre de s’engager à financer sur la
durée du contrat les programmes des laboratoires et, dans ce
cadre, ceux de chaque équipe qui sont retenus. Cela suppose
que, pour le moins, les crédits finançant les
laboratoires par les établissements soient doublés en
cinq ans.
Le laboratoire n’en reste pas moins ouvert sur les
financements des GDR, des programmes interdisciplinaires
décrits plus loin ou sur les contrats ministériels
européens ou autres conventions de recherche.

Débureaucratiser
: la « réactivité » au service des
scientifiques et des établissements

La réactivité est le respect du droit (et du devoir)
d’initiative des scientifiques. Elle désigne la
capacité de répondre rapidement à
l’émergence de thématiques nouvelles,
intéressantes au plan international ou en rapport avec les
besoins du pays. Pour exister, elle suppose que le pays dispose
d’un potentiel minimum dans les secteurs impliqués,
ce qui est contraire à la politique menée par la
droite qui a consisté à ne favoriser que les
recherches (y compris fondamentales) que si elles ont un
débouché en aval (politique en »
créneaux »).
La mise en concurrence systématique des scientifiques et des
établissements a favorisé la multiplication de
projets souvent redondants ainsi qu’une
hyper-compétition nuisible aux coopérations
nécessaires. La généralisation des appels
à projets et l’évaluation opaque des
activités scientifiques ont produit une bureaucratie
étouffante qui confine au délire,
jusqu’à transformer certains Labex en petits
organismes, chacun avec trois comités pour le faire
fonctionner.
Il convient donc d’abord de mettre un terme à la
politique technocratique et de supprimer les multiples instances
entièrement nommées qui ont été
mises en place comme instruments de pouvoir pour contourner
l’expression démocratique de la communauté
scientifique. Il s’agit aussi de limiter au minimum le temps
incroyable perdu pour répondre à une multitude
d’appels d’offre en raison de l’insuffisance des
crédits de base. Une nouvelle politique incitative forte devra
être menée pour simplifier le système en
favorisant la coopération directe entre équipes,
laboratoires et établissements.
Le passé des établissements sous cet aspect
n’est pas en tous points une référence. Il
faut profondément débureaucratiser le
système : faire parvenir les financements en début
d’année, revenir à une conception plus
légère des marchés (hors appareillages
lourds) avec contrôle a posteriori, pouvoir émettre
des bons de commande toute l’année, pouvoir reporter des
financements d’une année sur l’autre. En restant dans le cadre
de la fonction publique, il faut mettre en œuvre les pratiques
les plus souples et les plus transparentes.
La réactivité, c’est enfin
reconnaître le droit à l’initiative de
tous, des jeunes recrutés en particulier. Les
établissements auront à veiller à que les
tous les scientifiques, en particulier les jeunes recrutés,
aient les moyens de travail suffisants à leur affirmation puis
à leur accession à l’autonomie scientifique
par la création d’une équipe
financée.

La «
transversalité »

La « transversalité » est un des enjeux de
la science actuelle : pluridisciplinarité dans
l’avancement des connaissances, convergence de disciplines
pour l’étude d’un
phénomène de société, participation
des sciences et des technologies à la mise au point
d’un produit. Certes cette transversalité se nourrit
du progrès des connaissances, de
l’élargissement de chaque discipline, mais elle ne
s’y réduit pas.
Pour compléter un dispositif de financement vertical
basé sur les disciplines (fût-ce au sens large), les
organismes, par des négociations entre eux et en y associant
les universités les plus impliqués, devraient donc
élaborer des programmes transversaux et pluridisciplinaires.
D’autres structures de coordination souples et souvent peu
onéreuses comme les groupements de recherche (GDR) peuvent
à la fois participer au décloisonnement
inter-organismes, y compris entre EPIC et EPST, faire sortir
d’un éventuel isolement local des équipes
d’universités plus modestes, tout en leur donnant
accès à des équipements performants, donner
un élan à de jeunes équipes et catalyser les
approches pluridisciplinaires. Créés par un
organisme, ces GDR seraient ouverts à des laboratoires de
diverses origines. D’autres structures comme les groupements
d’intérêt scientifique (GIS) sont aussi
adaptées pour gérer des programmes inter-organismes.

L’opportunité
d’une coordination démocratique régionale
en réseau

La proposition d’une coordination régionale souple
de la recherche et de l’enseignement supérieur faite
par les Etats généraux de la recherche de 2004 a
malheureusement été dévoyée par le
gouvernement. Celui-ci a fait des pôles de recherche et
d’enseignement supérieur (PRES) des superstructures
opaques, sans élus des composantes, a fortiori sans
élus directs, coiffant ainsi les instances universitaires dont
la consultation, de pure forme, intervient d’ailleurs souvent
ex-post. Ceci explique le rejet des PRES actuels par une large partie
du milieu. Ce discrédit est accentué par
l’empilement de structures nouvelles coiffant les
établissements (fondations, fusions
d’universités, Idex).
Une coordination territoriale apparaît néanmoins
souhaitable. Des réseaux de coopération pour
l’enseignement supérieur et la recherche doivent se
construire dans un cadre public, à
l’échelle la plus pertinente pour maintenir le
maillage territorial et la cohérence nationale. Sur la base
d’une organisation démocratique, ils permettraient
d’établir une saine coopération entre les
établissements de recherche et d’enseignement
supérieur. Lors de la contractualisation avec les
universités d’un site, le CNRS doit être
représenté par un scientifique en relation avec la
direction nationale.
Le choix du meilleur statut public adapté reste à
faire ou à élaborer pour ces réseaux
territoriaux. On doit dès à présent affirmer
l’exigence d’un mode démocratique de
direction dans lequel doit intervenir en toutes circonstances une
proportion significative d’élus directs. Une bonne
communication entre les élus des instances
représentatives est d’ailleurs une garantie majeure
pour le service public de recherche et d’enseignement
supérieur.
Au niveau régional, un conseil s’inspirant de feus
les CR2DT devrait être mis en place afin de donner un avis sur
tout ce qui touche la politique régionale
d’enseignement supérieur et de recherche.


Les partenariats
organismes-universités

Les partenariats organismes-universités doivent reposer sur
des organismes et des universités forts, responsables et
autonomes. Ils doivent être partagés et
symétriques, ce qui suppose que les universités
soient mieux dotées en crédits et en BIATOS-recherche
pour avoir un poids égal dans la négociation. Le
point de rencontre entre la politique de
l’établissement universitaire et celle de
l’organisme est défini conventionnellement par les
moyens logistiques, matériels et en personnels que chacun met
sur le projet scientifique partagé. Sur un tel projet,
géré par une convention ad hoc, peut se regrouper
plusieurs établissements d’enseignements
supérieurs et plusieurs organismes.
Dans ce cadre, le rôle des unités mixtes de recherche
(UMR) est capital. Ce sont des structures communes aux
différentes tutelles qui peuvent inclure plus de deux
partenaires. Chaque UMR doit avoir accès à un mode de
gestion correspondant au cahier des charges de la recherche et
décider elle-même de son mode de gestion : mandat de
gestion unique ou multiple.
Le numerus clausus très longtemps imposé aux
organismes sur le nombre d’UMR, a conduit à
marginaliser nombre d’équipes prometteuses, tout
particulièrement quand elles provenaient
d’universités petites ou moyennes. Vu la
variété des disciplines couvrant les organismes,
l’association d’un laboratoire doit être
la règle, dès lors que son évaluation le
permet.

La recherche du secteur
économique, public et privé

Cette recherche est le point le plus faible de la recherche
française. Longtemps bien placée grâce aux
grands programmes technologiques du gaullisme (espace,
nucléaire civil, aérospatial, transport), elle a
périclité ensuite parce que la politique de
privatisation (quoi qu’on en pense par ailleurs) ne
s’est pas accompagnée d’une
stratégie alternative de l’Etat. Depuis 2002,
malgré des aides directes et fiscales de l’Etat en
forte croissance comme le CIR (crédit
d’impôt recherche) – aides qui sont les plus
élevées au monde – les dépenses de recherche
des entreprises ont stagné, alors qu’elles
progressaient très fortement dans la plupart des pays. Ce
retard de la France est principalement lié à sa
faiblesse dans les technologies nouvelles.
Les aides à la recherche industrielle doivent
s’inscrire dans un besoin affiché du pays,
être transparentes, efficaces et donc
évaluées. Elles doivent avoir un effet
d’entraînement sur le financement des entreprises
dans leurs propres recherches. Elles peuvent prendre la forme
d’aides fiscales ciblées (PME, recrutement de
docteurs, programmes, voire pôles de
compétitivité), mais le CIR, qui crée un pur
effet d’aubaine critiqué même par des
rapports officiels, sera supprimé.
Relancer la recherche industrielle suppose des programmes de
ré-industrialisation, n’excluant pas la
création de pôles industriels publics. Ces programmes
doivent soutenir tout particulièrement pour les nouvelles
technologies, rôle du ministère de
l’industrie en relation avec celui de
l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Pour
des raisons de proximité, de cohérence et de
simplicité, cette politique doit se faire en concertation avec
des régions.
L’Etat devra jouer un rôle fort dans la mise en
place de programmes industriels nationaux et, chaque fois que possible
et souhaitable, européens. Déclinés
notamment dans des pôles de compétitivité
démocratisés, ils associeront grands groupes et PME.
Ils viseront aussi à une croissance de
l’investissement propre des entreprises dans leur propre
recherche et développement, et à un renforcement du
potentiel de chercheurs dans le secteur privé.

Les coopérations
public-privé

Le développement des coopérations
public-privé est hautement souhaitable à la condition
que la coopération ne devienne pas, comme
aujourd’hui, subordination. Cela signifie que chaque
partenaire doit y investir des hommes et des moyens et que les
laboratoires publics aient des crédits de base suffisants pour
assurer leur mission, afin de pouvoir choisir leurs partenaires sur la
base d’un intérêt scientifique
réciproque.
Au niveau national (voire européen) et en respectant leurs
missions, les organismes de recherche pourraient développer
leurs accords-cadres avec les grands groupes sur des
thématiques à long terme et traitées
ensemble. Un bilan sérieux devrait être fait des
nombreux (et anciens) laboratoires communs organisme-groupe
privé.
Les pôles de compétitivité devraient
être profondément remaniés. Nombre
d’entre eux relèvent, pour l’essentiel, de
la dynamisation d’un tissu de PME, incluant parfois des
filiales de grands groupes : la région devrait en assumer la
responsabilité, avec les transferts de crédits
nécessaires. D’autres relèvent de la
déclinaison territoriale de programmes nationaux, voire
européens : ils devraient être traités comme
tels. Dans tous les cas, la détermination citoyenne des
thèmes, la participation des scientifiques concernés,
comme l’information donnée aux comités
d’entreprise concernés devraient être, pour
utiliser un euphémisme, fortement améliorées.
Dans le domaine important de l’accès de PME ou
d’entreprises « intermédiaires »
à des appareillages et moyens performants d’analyse,
comme à la possibilité pour elles de
coopérer ou de faire effectuer des recherches sous contrats,
un grand désordre règne du fait de la multiplication
de structures. Il est urgent de simplifier ce système en
distinguant ce qui relève (décision ou inclusivement
mise en œuvre) du niveau national et du niveau
régional. Quant à la valorisation,
l’idée d’une seule entité
publique par grand site devrait s’accompagner du droit des
grands organismes de recherche d’avoir leurs propres services.

L’évaluation

L’objectif de l’évaluation doit
être d’accompagner la recherche scientifique. Elle
doit être formative et contribuer à l’animation
scientifique et pédagogique.
Les principes régissant l’évaluation sont
simples : (i) qu’elle soit transparente, collégiale
et contradictoire ; (ii) qu’elle soit menée au sein
d’instances comportant une majorité
d’élus ; (iii) que les individus soient
évalués dans le cadre de leur activité.
Tout en donnant un avis permettant aux organismes et aux
établissements à prendre des décisions,
l’évaluation ne doit pas être une sanction
mais une aide pour les individus et les laboratoires en
détectant assez tôt les problèmes pouvant se
poser, en suggérant des évolutions
thématiques ou de structures, bref en aidant à
trouver des solutions quand il y a lieu.
Depuis quelques années, avec la création de
l’AERES, la qualité et la transparence de
l’évaluation reculent et des dysfonctionnements
majeurs sont observés dans l’évaluation des
unités de recherche. Cette évaluation mérite
autre chose que la machine à noter qu’est devenue
l’AERES. Ce constat doit conduire à la suppression
de cette agence, condition indispensable pour redonner leurs missions
indispensables d’évaluation aux EPST.
L’examen des formations propres ou mixtes (UMR) doit revenir
aux instances scientifiques d’évaluation comme le
Comité national de la recherche scientifique pour le CNRS ou
les commissions scientifiques spécialisées pour les
autres EPST. Une évaluation basée sur les
mêmes principes et de la même qualité devra
être mise en place pour les équipes
d’accueil universitaires. Une négociation doit
permettre de déterminer comment relier une évaluation
régulière des enseignants-chercheurs par le CNU qui
prenne en compte toutes leurs missions à 
l’évaluation régulière des
équipes et des laboratoires.
L’évaluation de l’activité du
laboratoire sera faite dans le cadre de ses missions et des moyens
reçus des tutelles, mais en évaluant aussi
l’usage fait des autres financements publics.
Les modalités de l’évaluation des
établissements devront faire l’objet d’une
négociation avec tous les intéressés.

L’Union
européenne

La coopération scientifique internationale est une
nécessité, et les échanges, réseaux
et coopérations transnationales de scientifiques doivent
être encouragés. Mais les structures actuelles du
PCRD, outre qu’elles se situent dans le cadre d’une
Europe des marchés plus qu’une Europe des peuples,
sont très loin de répondre à cet objectif.
Les programmes et thématiques de « l’Espace
européen de la recherche », et notamment du
7ème PCRD, sont définies dans la plus totale
opacité. Parfois même des thématiques
proclamées comme prioritaires sont, au niveau
exécutif, totalement ou quasi totalement ignorées.
Les évaluations sont faites par des experts nommés
sans aucun contrôle démocratique réel, et
tant la définition des programmes que
l’évaluation se font sans aucune transparence, sans
aucun contrôle réel des peuples ni des instances
scientifiques autres que celles de la rue de la Loi à
Bruxelles. Une place considérable est, on le sait bien, faite
au lobbying dans ces processus.
L’Union européenne ne doit pas être un
alibi à l’alignement des systèmes nationaux
sur le moins-disant, mais une chance de coopération entre les
pays de l’Union. A rebours du discours gouvernemental qui
présente toujours les services publics français comme
une incongruité dans le paysage international, il faut
remarquer que les pays de l’Union historiquement les plus
forts en recherche se caractérisent souvent par
l’existence, chez eux aussi, d’organismes publics
de recherche.
C’est pourquoi notre congrès avait demandé
de promouvoir le développement dans les pays
européens (jusqu’à 3% du PIB) d’un
authentique service public de recherche et d’enseignement
supérieur, avec les moyens de réaliser ses missions.
L’augmentation des moyens de la recherche ne doit pas se
faire par la mise en place d’agences nationales ou
européennes comme l’ANR ou l’ERC, ou de
fondations, au détriment des organismes et
établissements publics. Ceux-ci doivent pouvoir exercer leurs
missions de recherche dans la durée.
Le statut de chercheur à temps plein, tel qu’il
existe dans le système français, doit servir de
modèle aux pays de l’Union qui n’en ont
pas ou n’en ont que des succédanés. Cette
situation inégale, qui sert hélas de
prétexte au nivellement des statuts par le bas, conduit
actuellement nombre de jeunes chercheurs étrangers à
venir chercher un emploi stable en France et nuit au
développement d’une véritable
mobilité européenne.
C’est pourquoi notre Congrès avait proposé
de « promouvoir la construction d’une coordination des
systèmes publics de la recherche et de l’enseignement
supérieur au niveau européen, quand la dimension
européenne est pertinente, mais sans créer des
superstructures : en confier la mise en œuvre à des
organismes nationaux, s’appuyer sur les instances nationales
pour l’évaluation, y compris de la politique
scientifique, renforcer partout la représentativité
démocratique des instances scientifiques ».
Il s’agit donc pour nous de construire, par la base, une
véritable communauté européenne de la
recherche et de l’enseignement supérieur. C’est
pourquoi, nous proposons d’amplifier, entre pays de
l’Union, toutes les formes de coopération et
d’échange : réseaux de laboratoires,
coopérations régionales et universitaires
trans-frontalières, échanges de chercheurs,
d’enseignants et d’étudiants, programmes
multilatéraux de recherche industrielle, etc. La
création d’instituts communs entre
établissements de deux ou trois pays (instituts communs Max
Planck- CNRS par exemple) est une pratique à encourager.


Texte
adopté par 31 pour, 10 contre, 7 abstentions et 0 refus de
vote.

 



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27 rue Paul Bert
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