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Quel avenir pour les « investissements d’avenir » ? SNCS-Hebdo 16 n°1 du 19 janvier 2016

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Le nouveau rapport de la Cour des comptes (1) sur le Programme d’investissements d’avenir (PIA) rouvre ce dossier. Et cela avec d’autant plus d’actualité que François Hollande a annoncé le lancement d’une troisième tranche de ce PIA (PIA3) de 10 milliards d’euros.

Le PIA, autrefois appelé « Grand emprunt », a été lancé en 2010, pour un montant de 36 milliards d’euros (PIA1) dont plus de 20 consacrés à l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) : Idex, Labex, Equipex, SATT, IRT, etc. 12 milliards ont été ensuite rajoutés par le gouvernement Ayrault (PIA2), dont la moitié pour l’ESR. Pour l’essentiel les fonds sont versés sous forme de placements dont seuls les intérêts sont consommables.

Dès leur lancement, nous analysions le principe de ces PIA (2) sur le site du SNCS-FSU (24/11/09), en n’exagérant hélas pas : « Le grand emprunt ou la grande illusion ».

Henri Audier, membre du bureau national du SNCS-FSU
SNCS-Hebdo 2016 n°1 – Version PDF



Les PIA, ne viennent pas en plus, mais à la place des crédits budgétaires

Dès leur création, Sarkozy (2) avertissait que l’argent des PIA se substituerait aux crédits budgétaires : « L’emprunt s’articule pleinement avec notre stratégie de réduire le déficit structurel dès que la croissance le permettra. Les intérêts de l’emprunt seront compensés par une réduction des dépenses courantes dès 2010 et une politique de réduction des dépenses courantes de l’État sera immédiatement engagée ». Ce qui fut fait et dûment constaté par la Cour des comptes en 2011 (3) : les PIA « ne financent pas tous de nouveaux projets. […] Ils sont destinés parfois à financer des opérations antérieurement annoncées mais qui n’avaient pas obtenu de financements, à apporter des ressources complémentaires à des opérations lancées mais dont les plans de financement étaient incomplets, voire à se substituer à des crédits budgétaires annulés en gestion 2010 ou devant être réduits en 2011. »

La Cour, en 2015, enfonce le clou : « Sans chercher l’exhaustivité, il est aisé d’identifier de nombreuses actions qui ne respectent pas le principe d’additionnalité ou de non substitution et dont certaines constituent même une forme de débudgétisation, leur objet n’entrant pas dans les finalités assignées au PIA. » Et la Cour d’énumérer « des opérations discutables dès l’origine, (…) le financement de projets lancés avant la création du PIA mais sans financement, (…) la substitution du PIA à des financements préexistants, (…) des opérations dont la nature ou la finalité ne relèvent pas du PIA ». Conclusion : « … stabilisation des crédits d’investissements de l’État et de ses opérateurs, malgré la création du PIA. » Ce constat est corroboré par l’étude, que permettent les données de l’OCDE, de l’évolution des dépenses de recherche de l’enseignement supérieur rapportées au PIB (DIRDES) et de celles des organismes d’État. Une totale stabilité est observée, au centième de % près, entre 2010 et 2013, malgré les prétendus milliards des PIA.

Des procédures antidémocratiques

Dans ses deux rapports, la Cour est très sensible au fait que « la gestion extrabudgétaire des crédits du PIA a des conséquences très significatives, puisqu’en les exemptant du respect des règles de la LOLF, elle prive le Parlement d’une partie de ses capacités de contrôle et d’intervention sur les actions menées. » « Ce programme exceptionnel a été mis en place par l’intermédiaire d’un montage particulièrement hétérodoxe au regard des principes budgétaires. En outre, ces crédits ont été exclus du périmètre sur lequel est apprécié le respect de la norme d’évolution des dépenses de l’État. (….) Ainsi conçu, le mécanisme des investissements d’avenir affectera durablement la lisibilité du solde budgétaire ».

Des procédures antiscientifiques

Ces procédures sont scandaleuses car elles remplacent l’évaluation scientifique par les pairs, sérieuse et suivie, par un système de choix par des comités Théodule, nommés, dont on est assuré ni des compétences, ni de la capacité de suivi. Au moment où l’on annonce une simplification du système, la priorité doit être de transférer la gestion des PIA en cours au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) et leur évaluation aux vraies instances scientifiques.

Pour l’emploi, il faut un emprunt, géré par le MESR, de 20 G€ sur 10 ans

La nécessité d’un PIA3 obéit à une logique de sauvegarde des apparences : la suppression pure et simple des PIA entraînerait une baisse importante et visible des moyens de l’ES-R. Le rouleau compresseur est en route ; les intérêts versés par les PIA sont calculés, on l’a vu, afin de se substituer à long terme aux – décroissants – crédits budgétaires. Si le secrétaire d’État Thierry Mandon plaide pour « soutenir durablement les dispositifs d’excellence déjà lancés », c’est aussi qu’il cherche à récupérer les financements importants des PIA1 et des PIA2 non encore versés …

Le problème n’est pas le principe de l’emprunt : la France emprunte chaque jour et le tant vanté système du « Grand emprunt » est une invention aussi originale que celle de l’eau tiède. Le problème, c’est le mode de gestion et le montant du PIA. Il faut en finir avec la gestion extra-ministérielle et, faute d’une augmentation importante des crédits budgétaires, reverser les PIA au MESR, de façon à les intégrer à l’affectation normale des moyens aux établissements. Pour atteindre l’objectif des 3 % du PIB dans 10 ans, la France doit créer chaque année 5000 emplois supplémentaires dans l’ESR. Il y faudra 0,5 milliards de plus par an, sans compter l’intégration des précaires et une (modeste) amélioration des carrières. Soit, en cumulé, plus de 20 milliards d’euros sur 10 ans. Les besoins sont là.


1. https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Le-programme-d-investissements-d-avenir
2. https://sncs.fr/Le-grand-emprunt-ou-la-grande
3. Grand emprunt : les abominables mensonges de la Cour des comptes contredisent les vérités limpides énoncées par Sarkozy (07/07/11)


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