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ParisTech : un regroupement d’écoles déguisé en PRES (25/08/2010)

mmSNCS-FSU26 août 2010

ParisTech, qui regroupe les « douze plus prestigieuses grandes écoles » de l’Ile-de-France, est au croisement de plusieurs grands enjeux en pleine actualité.

L’auteur tient à préciser qu’il est convaincu que le redressement du potentiel technologique et industriel du pays, qui s’est fortement affaibli depuis 2002, implique de développer les formations d’ingénieurs, de techniciens et de chercheurs. Il considère que le rapprochement entre universités et écoles doit être conduit avec la perspective, à terme, d’un grand service public de l’enseignement supérieur, sans que les étapes qui y conduisent n’entraînent, à aucun moment, un affaiblissement de la formation des ingénieurs.

Des PRES repensés : des matrices communes d’universités et d’écoles

Des Etats généraux de la recherche de 2004 au rapport récent de la Cour des Comptes (1), l’organisation des établissements d’enseignement supérieur en réseau fait un large accord. Ces réseaux sont appelés Pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES), mais le mode de coopération et de direction de ces PRES ne fait pas consensus. En particulier, lors des récentes Assises de l’Ile-de-France, on a pu entendre de nombreuses critiques sur le manque de transparence et de démocratie dans le fonctionnement des PRES, toutes choses inhérentes à leurs statuts. D’ailleurs, la Région Ile-de-France comme l’Association des Régions Françaises se sont publiquement prononcées pour leur démocratisation, qui est une condition sine qua non de leur succès.

Le rapprochement indispensable entre écoles et universités est bien amorcé pour les écoles d’ingénieurs, notamment en régions, d’autant que ces écoles sont, pour nombre d’entre elles, des composantes d’universités. Des Etats généraux à la Cour des Comptes en passant par le rapport de Bernard Larrouturou, nombreux sont ceux qui estiment que l’étape décisive est l’association au sein de PRES de structures universitaires et d’écoles. Non pas un rattachement administratif, qui serait sans intérêt, mais dans le cadre des missions et des spécificités de chacun, le rapprochement voire la mise en commun de certains cursus, de mastères, de laboratoires, de thématiques de recherche, d’écoles doctorales ou d’intitulés communs pour la signature des publications.

Au-delà des économies d’échelle potentielles qui pourraient en résulter, un tel processus pourrait conduire à un enrichissement réciproque des deux types actuels de formation, à des cursus croisés, à la fertilisation réciproque des sciences fondamentales et de la technologie. Il mettrait fin à cette incompréhension réciproque entre un secteur privé dont les dirigeants sont tous issus du moule intellectuel et idéologique des écoles (et de leurs associations d’anciens élèves) et d’une recherche publique principalement issue des universités. Comme le disait l’un des prédécesseurs de Denis Ranque (le concepteur de ParisTech) comme responsable du Corps des mines : « Si les normaliens du corps des mines ont trois ans de maturité d’avance sur les polytechniciens, c’est que pendant trois ans ils ont côtoyés les autres étudiants sur les bancs de l’université ». Ce n’est malheureusement plus le cas aujourd’hui.

ParisTech n’est pas, et ne doit jamais être, un PRES

Or, il faut le dire clairement, ce rapprochement universités-écoles est aujourd’hui bloqué en Ile-de-France avant tout par la création de ParisTech qui a isolé, dans un prétendu PRES, douze écoles « prestigieuses », bien protégées ainsi de toute contamination universitaire. Un PRES sans université n’est pas un PRES et ne devrait avoir aucun financement à ce titre. Pour faire bonne mesure l’ENS-Ulm, Chimie de Paris et l’ESPCI se sont barricadées dans un « campus Montagne Sainte-Geneviève », de crainte de voir leur patronyme galvaudé par la fréquentation de la plèbe. L’ENS, du moins sa directrice, oublie sans doute que la Sorbonne a été créée des lustres avant l’Ecole et garde une aura internationale sans commune mesure.

Certes, il ne faut pas oublier que le concours anonyme d’accès à ce qu’on appelait jadis pompeusement « les Grandes Ecoles » a été le premier facteur de démocratisation de « l’élite dirigeante », accueillant notamment des enfants d’immigrés de l’entre-deux-guerres, à un moment où un candidat à l’agrégation de médecine pouvait déposer sous huissier la liste des reçus, et dans l’ordre, le jour même où était connue la composition du jury. N’en déplaise aussi à nos néo-libéraux, c’est bien avec des programmes d’Etat, des financements d’Etat, des organismes d’Etat, des entreprise d’Etat, des corps de l’Etat et des écoles et ingénieurs de l’Etat, qu’ont été menés à bien, et avec succès, les grands programmes technologiques et industriels de la France.

Mais cet élitisme tubulaire de ParisTech n’est plus d’actualité, moins parce que les écoles ont un recrutement à rebours d’une démocratisation sociale, mais parce que les modes de production, ceux du développement des sciences et des technologies, parce que les enjeux pour la France et l’Europe ont profondément évolué.

C’est pourquoi la perspective que donne Cyrille van Effenterre (2), président de ParisTech : que les « douze écoles du PRES se mettent alors en ordre de marche pour proposer leur ‘vision 2020′ de ParisTech. Avec une ambition : se transformer en une université de sciences, technologies et management parmi les 20 premières mondiales » est une perspective profondément rétrograde. C’est en réalité une simple « optimisation institutionnelle », utilisant le terme « université » parce qu’il est la référence européenne et mondiale.

Comme on le montrera dans un autre article, cette perspective de ParisTech est couplée avec le déménagement de huit écoles sur le plateau de Saclay, voire à une OPA sur l’opération « Campus de Saclay ». Cette orientation, marquée par « l’obsession » du classement de Shanghai, ne correspond ni à l’intérêt des écoles, ni à l’aménagement de l’Ile-de-France, encore moins au rôle que devraient jouer les écoles d’ingénieur dans le développement technologique dans les grands pôles universitaires. Sous ces aspects, nombre d’écoles d’ingénieurs en région ou les « Ponts » à Marne-la-Vallée ont déjà montré la voie à suivre. ParisTech, à condition de s’élargir à d’autres écoles, peut devenir un lieu d’échange, de coopération, pour les Ecoles d’ingénieurs de l’Ile-de-France. Mais on le répète, ParisTech ne peut être un PRES, a fortiori une université.

(1) http://blog.educpros.fr/henriaudier/2010/06/28/la-cour-des-comptes-fait-des-propositions-pour-assainir-la-pagaille-mise-dans-les-structures-universitaires/

(2) http://www.educpros.fr/detail-article/h/a5af4386fb/a/paristech-se-projette-comme-une-universite-a-l-horizon-2020.html

Henri Audier



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