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Palais de la Découverte, déclaration de la FSU au CTPMESR du 5 novembre 2009

mmSNCS-FSU6 novembre 2009

Le 5 novembre, le comité technique paritaire du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (CTPMESR) avait à se prononcer sur le projet de décret de fusion du Palais de la découverte avec la Cité des sciences et de l’industrie. C’était l’occasion, pour le ministère, de tenir compte de l’opposition à cette fusion, manifestée de toutes parts par la communauté scientifique. Une nouvelle fois, le ministère a imposé sa volonté, au mépris de l’expression des personnels.

 
Tous les représentants du personnel ont voté contre cette proposition. Vous trouverez ci-dessous la déclaration faite, au nom de la FSU, par Christophe Blondel, membre associé au bureau national du SNCS-FSU.


Déclaration de la FSU au CTPM

Déclaration de la FSU

 
 
 
C’est un triste texte que celui qui nous est soumis. Malgré tous les appels de la communauté scientifique, malgré deux pétitions qui ont recueilli au total près de 60000 signatures, malgré l’appel signé par 4 prix Nobel, 1 médaille Fields, 5 professeurs au Collège de France, au total plus de vingt académiciens des sciences, le gouvernement passe outre. Il refuse de reconnaître l’originalité du Palais de la découverte et le rôle éminent qu’il a joué sans défaillance depuis plus de 70 ans pour susciter et entretenir de nouvelles vocations scientifiques. La fusion du Palais de la découverte, dans un EPIC unique, avec la Cité des Sciences et de l’industrie, quelles que soient les bonnes paroles qui l’accompagnent, s’apparente à un assassinat.

L’avis du personnel, qui s’est traduit au CTP du Palais de la découverte par un vote à 10 voix sur 12 contre le projet, l’avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche qui s’est prononcé le 21 septembre 2009 par 13 voix sur 16 contre le même projet que nous avons à examiner, n’ont pas davantage été entendus. Le CNESER a même assorti son rejet d’une motion, dans laquelle il exprime « (…) un avis défavorable à la fusion en un seul EPIC du Palais de la Découverte et de la Cité des Sciences et de l’Industrie, souhaite être associé aux réflexions et travaux qui doivent conforter les missions, les budgets et les statuts des personnels de production et de diffusion de la culture scientifique et technique. »

Ces avis autorisés et non ambigus, l’avis du conseil de la Ville de Paris aussi, ne faisant l’objet d’aucune considération, nous sommes hélas forcés de redire ici que la fusion des deux établissements, Palais de la découverte et Cité des sciences et industrie est une réforme sans raison concrète et un véritable gâchis.

C’est une réforme sans justification, car l’exposé des motifs que le gouvernement nous fournit est d’une indigence qui laisse pantois. « Créer un opérateur de référence » ? Mais le Palais de la découverte est, depuis 72 ans, un opérateur de référence où maints scientifiques célèbres disent aujourd’hui avoir trouvé leur vocation !

On propose au nouvel établissement une liste de missions impressionnante … entre autres : « accroître la place de la recherche dans les médias, accueillir des manifestations scientifiques, organiser des expositions, informer sur les métiers et les filières » … On a, à première lecture, l’impression que tout est compris dans ce catalogue de bonnes intentions. A seconde lecture, l’impression devient que tout disparaît dans cet amalgame. A troisième lecture, le constat qui s’impose est que cette liste de missions est envahie, au point qu’elles en sont devenues majoritaires, par des missions de pure communication. Le mot science n’y a plus d’existence propre ! La science surnage seulement, à moitié, dans l’expression – récurrente – de « la science et la technologie » ou dans l’adjectif composé « scientifique, technique et industriel », qui dit encore mieux quels objectifs on poursuit …

Le contraste est énorme, entre cet exposé des missions de l’établissement projeté et les missions (obligeamment rappelées dans le rapport introductif) qu’avait le Palais de la découverte. En définissant les missions du Palais de la découverte, ses pères fondateurs n’avaient pas peur de parler de « formation culturelle », de « recherche fondamentale », d' »éveil de la curiosité intellectuelle » ! Ces mots d’ordre devraient être inaltérables… Il est frappant et tristement significatif que le projet les abandonne. Par contraste avec les missions du Palais de la découverte, on doit douter que dans soixante-douze ans, on ait encore quelque indulgence (si on s’en souvient …) pour la formulation pompeuse d’une nouvelle mission qui doit s’inscrire – je cite – « dans la stratégie nationale de développement durable » (pourquoi pas dans la stratégie nationale de lutte contre l’élévation du niveau de la mer ?). Le couronnement de cette mission, qui se veut sans doute une mission de « rupture », est la « promotion (…) des sciences, de la recherche, de l’innovation et des technologies, y compris dans leurs dimensions sociales et économiques ». Cet ordre exprès de ne jamais oublier – last but not least – la dimension économique est lourdement significatif : sans utilité économique (fût-on dans un musée), désormais point de salut !

En regard de cette obsession économique, ce qui frappe, dans le monde de la science si merveilleusement présenté au Palais de la découverte, c’est sa gratuité. L’obligation de présenter les dimensions économiques des choses fera rapidement disparaître bon nombre d’objets qui sont encore pourtant, au Palais de la découverte, fascinants ! Quelle est la « dimension économique » d’une suite vertigineuse, s’enroulant en spirale sur un plafond en coupole, de décimales du nombre π ? Au-delà de la dixième décimale – et il y en a des milliers – l’utilité est nulle ! Et pourtant combien de vocations de mathématiciens – aiguillonnés peut-être par la rumeur qu’un ou deux chiffres, paraît-il, sont faux – ce fameux plafond n’a-t-il pas fait naître ?

Le nouveau projet n’a qu’une cohérence : celle d’aller dans le même sens que toutes les réformes menées par le gouvernement sur la recherche depuis trois ans, la cohérence – qui est plutôt une incohérence – de vouloir à toute force que la recherche scientifique soit rentable et serve – le mot fait aussi partie des missions – l’innovation. Tout cela doit être utile et profitable ! Et s’il est encore question de culture dans la définition du nouvel établissement, c’est exclusivement d’une culture muséologique. Entendez qu’on consent, pour que les futurs techniciens apprennent bien leurs leçons, à leur montrer l’histoire des techniques éprouvées, qu’ils sont censés assimiler pour passer rapidement à la phase de production.

La prudence toute scientifique célébrée dans l’exposé des missions du Palais de la découverte, qui voulait : « présenter les expériences qui sont à l’origine des recherches ou qui marquent leur aboutissement », cette prudence qui veut qu’une recherche n’ait pas forcément d’aboutissement, n’a clairement plus droit de cité. Le nouvel établissement doit mettre la science au pas, et à un pas rapide : on apprend, on cherche, on innove, on transforme tout cela en belle et bonne technologie bien rentable. Et tout cela dans un esprit de compétition, avec un esprit de clocher totalement étrangers à la recherche scientifique véritable. La preuve ? L’article 2 confie à l’établissement la mission de « faire émerger une dynamique européenne de la culture scientifique ». Quelle est cette science dont on parle ici, qui devrait se définir comme « européenne » ? Européenne par opposition à quoi ? Pourquoi pas chrétienne, pendant qu’on y est ? Heureusement la science – la vraie – ne connaît aucune frontière. Si nous avions travaillé avec une « dynamique européenne de la culture scientifique », nous en serions encore à compter en chiffres romains !

Au total il y a bien peu d’esprit scientifique dans ce projet. Il y a surtout une volonté : celle de tuer le Palais de la découverte qui, comme une autre invention de la fin des années trente, le CNRS, dérange par la liberté d’esprit qui s’y cultive. Peu importe que l’un et l’autre aient continuellement remporté des succès. Pour les abattre, on est prêt à forger des arguments de toutes pièces, et des plus grossiers. Ainsi, pour créer artificiellement une disproportion écrasante, le rapport donne-t-il la fréquentation du Palais en chiffre annuel, en outre moyenné sur les dix dernières années (pour dissimuler la croissance de ce chiffre au cours des années récentes) et la fréquentation de la CSI en chiffre cumulé depuis 23 ans. C’est ainsi qu’on arrive à opposer une fréquentation (sous-estimée) de 530.000 visiteurs par an pour l’un à une fréquentation de 67 millions de visiteurs pour l’autre ! La fin justifie bien tous les moyens, c’est l’abdication de tout esprit scientifique.

Le projet de décret peut bien enjoindre que les missions de l’établissement unique « doivent continuer à s’exercer sur les sites de la Villette et du Grand palais » … Il est significatif qu’on ne veuille préserver que l’existence de deux sites, pas du tout l’existence de plusieurs styles, encore moins l’existence de missions distinctes. Entre ces deux sites réunis sous l’empire d’un même monstre, il est facile de prévoir que le plus petit des deux, uniformisation oblige, sera rapidement ravalé au rôle de « vitrine en centre-ville » de la Cité. Il est d’ailleurs étrange que le décret prévoie explicitement – discrimination géographique étonnante à l’heure de la décentralisation et du « Grand Paris » – que le siège du futur établissement doive être « à Paris ». On sent là tout le poids des complexes qu’ont dû former certains responsables de la CSI, exilés, à la Villette, presque en banlieue … On conçoit qu’en annexant le Palais de la découverte, ils trouvent enfin un siège aussi central que sont grandes et aveugles à la fois les ambitions (cf. les expressions « opérateur de référence » et « dynamique européenne ») qui transpirent au travers de ce projet.

Au total, la fusion du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l’industrie est, à tous points de vue, un mauvais projet. Les deux établissements ont leur logique. Le plus petit, qui est donc le plus fragile, est aussi le plus précieux, car il a su développer et continue de faire vivre un modèle original de présentation de la science vivante, sous forme d’exposés directs, expériences réelles à l’appui, par des médiateurs scientifiques qu’anime l’amour de leur métier. Qui n’a pas assisté avec émotion, sur les gradins souvent bondés du Palais de la découverte, à la démonstration d’électrostatique ? Pourquoi, en 23 ans, la Cité des sciences n’a-t-elle pas réussi à monter quelque chose d’équivalent ? Nous voulons bien croire qu’elle a d’autres priorités, mais qu’on laisse les deux vivre !

Car tout laisse prévoir, en particulier un exposé des motifs entièrement tourné vers la médiatisation et la fonctionnalisation, que la fusion des deux établissements provoquera à brève échéance la disparition de l’établissement unique en son genre qu’est le Palais de la découverte, au profit d’un musée standard où la science, ravalée au rôle de pourvoyeuse de la technologie, ne se verra plus qu’au travers d’écrans d’ordinateurs. La communauté scientifique a exprimé à quel point elle considère que le Palais de la découverte est précieux.

Pour ces raisons, le projet de fusion du Palais et de la CSI doit être abandonné. Le projet de décret qui cherche à le mettre en œuvre est un projet bâclé, aux attendus incomplets, qui ne donne à l’établissement qu’un conseil scientifique-croupion et ne répond en rien, pas plus que ne le fait le rapport de présentation, aux inquiétudes légitimes du personnel quant à son futur statut au sein d’un établissement qui abandonne le statut d’EPSCP pour le beaucoup plus mercantile statut d’EPIC …

Ce projet n’est pas amendable. La FSU demande son retrait.

A Paris, le 5 novembre 2009.



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