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Opération campus de Saclay : halte au gâchis ! SNCS-HEBDO 10 N°12 du 23 septembre 2010

mmSNCS-FSU23 septembre 2010


Annoncée en fanfare dans le style habituel des initiatives présidentielles, l’opération « d’intérêt national » du plateau de Saclay dévoile petit à petit sa véritable nature. Inconsistante du point de vue de la recherche scientifique (on concentre géographiquement au détriment de l’aménagement du territoire et sans logique de fond), absurde du point de vue logistique (on éloigne tout le monde des moyens de transport), elle avance sournoisement en consacrant la dichotomie université-grandes écoles et en laissant scandaleusement de côté l’avis des personnels. Cette opération princière ne présente de perspectives positives que pour les spéculateurs qui lorgnent les terrains de l’université Paris-sud. Pour le pays c’est un véritable gâchis, qu’il faut arrêter immédiatement.

Christophe Blondel, membre du Bureau national du SNCS-FSU


Décidée sur le caprice d’un seul, « l’Opération d’intérêt national de Saclay », dont la motivation essentielle n’est pas l’intérêt de la recherche scientifique ni l’avenir du pays, mais la fabrication d’une belle vitrine pour 2012, entre dans une phase où le gaspillage va pouvoir donner toute sa mesure. Appâtés par une pluie de millions promis comme au plus fort d’une campagne électorale, les organismes présents alentour accourent, en la personne de leurs directeurs bien forcés de faire bouillir la marmite, pour au moins en ramasser les miettes. Des plans, des maquettes fleurissent, sur lesquels les voies sont toujours vertes et les routes jamais embouteillées ! L’OIN est aujourd’hui un grand Monopoly où quelques maîtres d’œuvre arrivés là par la faveur du prince posent les laboratoires comme on pose des hôtels rue de la Paix, pour faire du rendement, et en oubliant l’essentiel : les hommes et les femmes qui seront appelés à y travailler.

Le milliard sera-t-il d’ailleurs au rendez-vous ? Le Grand emprunt n’est, si on y réfléchit un instant, qu’une farce pré-électorale. Qui sera assez sot pour croire que la banque aura la philanthropie de nous reprendre le capital qu’elle nous aura prêté en nous servant dessus des intérêts supérieurs à ceux qu’elle nous aura fait payer pour l’emprunt ? Si cette martingale pouvait marcher, il n’y aurait depuis longtemps plus aucun déficit de l’État ! La vérité est que l’argent réel est toujours aussi chichement compté pour la recherche et on voit déjà sur le plateau de Saclay, faute de financement cohérent, des bâtiments sortir de terre sur des parcelles inaccessibles parce que personne ne veut en payer les voies d’accès …

Le déménagement de l’université Paris-sud, décrété sans lui demander son avis, est un pied de nez symptomatique au principe de soi-disant autonomie des universités. C’est surtout un assassinat pur et simple, puisque (pour le dire comme Hérodote), l’université Paris-sud à Orsay est un peu un « don » de la ligne de Sceaux … Eloigner l’université de ses stations de RER, c’est tarir son recrutement instantanément, ou condamner les inscriptions à Orsay à n’être que des inscriptions de pis-aller. Les promesses de « métro rapide » ou de Grand-huit supposés desservir, comme par une pirouette, les lieux d’étude et de travail de l’OIN ne sont que l’écran de fumée (de cigare) fabriqué pour nous masquer l’inadaptation du plateau à une desserte efficace par les transports en commun, au moins encore pour une génération.

Les patrons des instituts de recherche installés à Paris ou en banlieue proche (et convenablement desservie par le métro) sont bien obligés de l’admettre : lorsque leurs chercheurs, ingénieurs et techniciens horrifiés de l’exil vers L’OIN protestent, ils répondent (avec le détachement que confère l’usage d’une voiture avec chauffeur) qu’il faut penser le déménagement comme une opération à long terme et accepter qu’il y ait « une génération sacrifiée ». Tout scientifique responsable doit s’insurger contre ce cynisme et proclamer qu’il n’est pas question que le développement de la recherche française passe par le sacrifice d’une génération ! Surtout s’il ne s’agit, comme ici, que de satisfaire des appétits de gloriole et de profit à court terme de politiciens qui se moquent au fond de la recherche comme de leur premier tract. Les personnels qui craignent d’être victimes d’une catastrophe en termes de conditions de vie dans ce déménagement forcé ne doivent pas avoir honte de le dire, les syndicats les soutiendront !

L’université Paris-sud, principale victime offerte, sous la matraque des PPP , en holocauste aux intérêts privés, doit rester dans la vallée, près du métro ! On comprend que ses terrains suscitent l’appétit des promoteurs qui sont à tu et à toi avec les politiciens au pouvoir, mais l’intérêt du pays est que l’université demeure là où elle est commodément accessible. Il faut que les lignes de transport existantes servent à amener les étudiants dans les universités, et pas à valoriser des terrains promis – la création de l’établissement public EPAURIF qui dessaisit les universités parisiennes de leur foncier en est la première étape – à la spéculation immobilière. Sur le campus de la vallée même, le remplacement du synchrotron existant par SOLEIL, un peu plus haut; a créé une friche industrielle qui ne demande qu’à être réutilisée, en particulier grâce à la désaffection de l’énorme bâtiment de l’accélérateur linéaire. On peut très bien envisager un développement harmonieux de l’université sur place, en y incluant tout ce qu’on veut y ajouter de joint-ventures avec l’industrie, et tant mieux si certains veulent s’installer librement un peu plus loin. Il y aura la place de le faire sans compromettre la qualité extraordinaire de ce campus organisé autour du cours de l’Yvette et qui a reçu le label de « jardin botanique de France et des pays francophones ». A quel essaim de sinistres sauterelles veut-on, comme naguère un pan de la forêt de Compiègne, livrer ce trésor national ?

Quelle vision fausse de la recherche que de penser que les gens vont se parler parce qu’on les aura hissés de force sur une espèce de « plateau de concentration » ! L’étendue du plateau sera d’ailleurs supérieure à la distance vallée-plateau, qui n’est donc qu’un prétexte en ce qui concerne la recherche, mais serait un repoussoir pour les étudiants, parce qu’eux sont en majorité des piétons, des dizaines de milliers de piétons qu’aucun système de bus improvisé ne suffira à transporter quotidiennement de façon satisfaisante. La Silicon Valley, la vraie, ne fonctionne pas par une proximité contrainte, elle fonctionne parce que, s’étant rencontrés sur les mêmes bancs d’universités, ses acteurs se sont – librement – installés les uns à côté des autres. Le système éducatif américain leur a permis de se connaître ! On veut, ici, imiter les Etats-Unis d’Amérique sans rien y comprendre … Qu’on rabote, d’abord, notre incroyable système d’apartheid qui isole les grandes écoles des universités. Cela ne sert à rien de mettre les unes bêtement à côté des autres. C’est de mettre les unes dans les autres, partout en France et non seulement sur un « plateau » réservé à une élite, que nous avons besoin ! Or le club des grandes écoles Paristech, s’il compte bien avoir sa part du milliard, clame haut et fort son désir de ne pas être confondu avec une université ordinaire. Une université, oui, mais (c’est son président qui le présente comme un souci premier) au sens de Sciences-Po ! Sans confusion possible avec le vulgum pecus et en gardant, bien sûr, un pied à Paris, ce qui en dit long sur le degré de confiance que l’« élite » accorde à l’OIN … On peut bien vouloir tout mettre à l’altitude égalitaire de 150 m, on n’en persiste pas moins à défendre un système d’enseignement supérieur à deux étages, et bien différenciés.

Au fond quel paradoxe qu’un gouvernement prétendument libéral mène une politique de concentration digne du Plan soviétique … Veut-on imiter l’Académie des sciences d’URSS qui construisait jadis des « villes académiques » à la campagne ? Ah, la belle idée d’envoyer les intellectuels aux champs ! Mais les chefs d’entreprises amenés sur ce fameux plateau par une publicité mensongère seront ravis d’apprendre qu’aux heures ouvrables l’endroit est (déjà et ça ne va pas s’arranger) à deux heures de Roissy … L’OIN, tu as vraiment mérité ton nom !

On ne joue pas avec les chercheurs comme avec des pions. Liberté, autonomie ? Chiche ! Qu’on laisse les acteurs décider eux-mêmes de leurs schémas de développement, sans conditionner le financement de la recherche à la satisfaction de caprices politiques puérils. Non aux déménagements autoritaires ! Il est temps d’arrêter cet abominable gâchis.

SNCS-HEBDO10N°12



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